Jour 2 - Dur dur le voisinage

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Lorsque le jour s'est levé, j'étais seul avec ma solitude. Il me fallait un emploi et un logement digne de ce nom, autre que ce déchet croulant qui tombait en ruine. La mangeoire à oiseaux, hein, pas Gilles. Quoique Gilles convienne assez bien à cette définition. Bref. J'étais résolu et prêt à changer les choses, et me dressant sur mes pattes, j'ai entamé la jounée. A peine avais-je fait trois pas que déjà, je regrettais de m'être levé :

- " Alors, la jeunesse, on a fait de l'acupuncture ? "

Je l'avais oubliée, la vieille, avec son sourire de pitié. C'est fou ce que les vieux hérissons peuvent s'extasier pour un rien ! Comme à mon habitude, je l'ai ignorée (c'est triste d'ailleurs maintenant que j'y pense). Mais ce jour-là, Popotte - c'est ainsi qu'on l'appelait - était révoltée. Secouant ses pattes le plus vite qu'elle pouvait, elle m'a rejoint. En fait, je crois qu'elle essayait de courir, mais attention, hein, pas de conclusions hâtives ! Toujours est-il que son déhanché était, euhhh, disons perturbant. Tout en détournant les yeux, j'ai essayé de lui faire comprendre que je n'avais pas le temps de lui parler ce matin-là. Peine perdue, elle m'avait déjà emprisonné dans ce cercle vicieux : elle allait faire une blague douteuse, je me forcerais à rire pour ne pas la décevoir, ce qui l'encouragerait à faire une deuxième blague et etc etc jusqu'à ce que mort s'ensuive. Petite parenthèse pour toi, Popotte, tu nous manques à tous ici bas, et paix à ton âme... je reviens à mon récit, et oh ! La vache, j'ai les larmes aux yeux ! Eh oui, les hérissons peuvent pleurer ! Donc voila, là elle a continué :

- " Hhhh, hhh, tu m'as obligée à courir, dis. Hhhhh, j'ai fait mon sport de la journée ! Héris, mon petit, j'ai hhhhh... Pardon, mais je suis hhhhh, un peu essouflée. J'ai trouvé un hhhh, pour toi... "

C'est à peu près à ce moment-là que je suis parti. Non mais, c'est que ça commencait à devenir long et j'avais des... trucs à faire. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais j'espérais bien le trouver. Mais ce jour-là, le dieu des hérissons avait décidé de m'accorder une faveur. Sûrement avait-il eu un élan de bonté ou je ne sais quoi parce que Tondeuse s'est approché de moi. Oui, Tondeuse. Pour les hérissons qui lisent ceci, ça peut paraître impensable. Pourtant, Tondeuse était là, devant moi. La légende vivante. Le seul, l'unique, le survivant. Je n'en croyais pas mes yeux - il faut dire que nous, les hérissons, ne voyont pas grand-chose de loin - ni mes oreilles. D'ailleurs, nous n'avons pas d'oreilles à proprement parler. Mais il était là. Le seul hérisson au monde, lequel se limite à un pâté de maison, à être passé sous la tondeuse et en être ressorti vivant. Depuis, il avait perdu toute sa fourrure et était blanc comme l'arrière-train de Popotte. Paix à ton âme une fois de plus ! Ah, et pour l'histoire des oreilles, j'y reviendrai ne vous inquiétez pas ! J'avais des tonnes de questions à lui poser, lui qui dans mon enfance avait été mon exemple. Alors j'ai pris mon courage à deux pattes, et je me suis avancé vers lui :

- " Excusez-moi, Monsieur Tondeuse ? Vous pourriez me signer un autographe ? "

Et là, ça a été le choc de ma vie. Tondeuse s'est retourné vers moi, et ça m'a frappé au visage. C'était flagrant, transcendant, tout ce que vous voulez. A pésent, je le savais, je l'avais toujous su, la vérité sur le mystère enfin dévoilée :

- " Mais !? Vous êtes un rat ! Un rat albinos ! Ohhhhh... Je le savais ! Mr Tondeuse, sans vouloir vous offenser, j'ai découvert le subterfuge il y a de cela six lunes. Votre couverture n'était pas parfaite, vous auriez dû en prendre une en plumes de canard selon moi ! Ravi de vous rencontrer quand même, mon idole ! "

Tondeuse m'a répondu, il avait une voix de pauvre castor avec une excroissance des dents du bonheur :

- " Quoi ? Ve fuis pas albinos, moi, ve fuis une souris blanfe ! Petit félérat ! Pour la peine, tu devrais laiffer la mangeoire à ton copain Gilles ! Il pourrait manver plus comme fa. Qu'est fe que tu en penfes ? "

Au début, j'étais perdu. Mais quand ses fausses dents sont tombées, et que son bec est apparu avec son énorme ventre rouge, j'ai reconnu Gilles. Sans même réfléchir, je me suis jeté sur lui. Mais sans sortir mes épines, je ne lui en voulais pas et je riais aux éclats. Lui aussi. Sa piètre tentative n'en était pas une, au contraire il avait voulu me remettre d'humeur. Je le savais, je le connaissais par coeur. Dans ces moments-là où il n'y a plus personne, heureusement qu'il nous reste nos amis !

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