La messe

2 minutes de lecture

Un chapitre / Une musique

Satan’s solution - Secret of Elements

https://www.youtube.com/watch?v=A0PYWr-Scv8

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Dimanche 18 juillet 1981.

Il est 10h30. Nous sommes assis sur les chaises en bois inconfortables de l’église de Saint-Amant-La-Rivière. Il fait très frais, l’humidité rance des lieux vient chatouiller mes narines, à tel point que j’ai envie d’éternuer. Le soleil peine à filtrer à travers les vitraux tristes et sales. Je me sens encore cotonneux de la nuit, comme si mon corps refusait de se réveiller. La couverture marron craquelée et collante du missel que l’on vient de me mettre entre les mains ne me donne pas vraiment envie de l'ouvrir. À l’intérieur, les premières pages sont froissées et jaunies. Je soupire déjà à la perspective de rester là, au lieu de profiter du beau temps.

Ma chère mère a absolument voulu que je mette une cravate, comme son mari. Résultat, nous sommes les attractions de la matinée. Car personne ici n’en porte. On ne manque pas de tourner la tête dans notre direction. Certains viennent même nous saluer. À commencer par la famille Leduc. Juliette me fait même la bise alors que je m'apprête à lui serrer la main. Mon père s’en amuse du coin de l'œil. Ils viennent s’asseoir à nos côtés, Juliette à ma droite. Le maire se glisse dans les premiers rangs, en nous faisant signe. Je vois arriver madame Langlois qui a du mal à passer entre les rangs, à cause de son embonpoint. Elle finit par s'installer, elle aussi. Au premier rang, j’aperçois madame Desbois, toujours vétue de noir, en pleine discussion avec sa voisine. Je ne tiens pas à ce qu’elle me voit, même si je sais que cela va être difficile. Nous ne sommes pas si nombreux que cela, une quarantaine de personnes. Des pleurs d’enfants résonnent soudainement, aussi elle regarde derrière elle et ne manque pas de croiser ma tête. Aussitôt, elle se signe et chuchote à l’oreille de sa voisine. Je devine ce qu’elle est en train de lui dire.

— Ne fais pas attention à la mère Desbois, me dit Juliette.

Je n’ai surtout pas l’intention de lui raconter notre rencontre, au risque d’alimenter une rumeur malgré moi.

— C’est la mère de Jacques et François, tu les as peut-être déjà croisés. Deux grands gaillards. Il vivent tous seuls avec elle depuis que leur père est parti. Tiens regarde, les voilà tous les deux qui arrivent.

Ils n’ont pas du tout l’air ravis d’être là. Porter une chemise blanche repassée leur demande visiblement beaucoup d’effort. Leur mère leur fait signe de venir s'asseoir à côté d’elle. Ils regardent Juliette en souriant. Mais évidemment, ils me voient aussi. Jacques, le plus âgé des deux, me lance un regard noir. Oui, c’est eux qui, dimanche dernier, ont refusé de me serrer la main lorsque je les ai croisés au bureau de tabac, alors qu’ils disputaient une partie de babyfoot avec Lucas.

— Il faut que je te dise autre chose, à propos de la famille Dubois. À l’époque, ça a fait scandale au village…

Mais Juliette n’a pas le temps d’en dire plus. L’assistance se tait. Plus aucun bruit de chaises. Quelques toussotements. Le curé vient d’arriver devant l’autel. À son signal, tout le monde se lève. La cérémonie commence.

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