Sortie nocturne

3 minutes de lecture

Un chapitre / Une musique

Nuits sans sommeil - Cléa Vincent

https://www.youtube.com/watch?v=pc2pgS9Q3GA

*

Vendredi 31 juillet 1981.

Je vérifie une énième fois mon sac à dos. Il contient quatre bières, un paquet de petits gâteaux au chocolat et un gilet. J’attends, contre le mur, au fond du parc, là où il y a un grand trou. Grâce à ma lampe de poche, je regarde rapidement l’heure. 23h30. Lucas ne devrait pas tarder à arriver. Et dire que c’est moi qui ai proposé cette escapade nocturne ! Je suis fier de mon audace. Je suis tellement content qu’il ai accepté ! Le portail de l’entrée et le garage étant fermés, il m’était impossible de récupérer mon vélo et de sortir par l’allée principale. Nous nous sommes donc donné rendez-vous ici.

Cinq minutes plus tard, rien de nouveau. Heureusement, un petit vent vient rendre la chaleur et mon attente supportables. Ça doit faire un quart d’heure que je suis là. Je consulte ma montre pour la vingtième fois au moins. Je commence à m’impatienter et à douter de sa venue. Et si le père de Lucas l’avait vu faire le mur et privé de sortie ?

Soudain, j’entends quelque chose. Je passe discrètement ma tête à travers le trou béant. C’est lui ! Je l’aide à cacher son vélo du côté du parc. Nous traversons ensemble la route. De l’autre côté, la forêt que nous éclairons à l’aide de nos lampes de poche.

— Attention, ça descend à pic, par ici, dit-il.

— Ouais, t’inquiètes, je fais gaffe, dis-je à voix basse.

— C’est bon Alex, plus personne ne peut nous entendre maintenant !

Mon cœur bat à cent à l’heure. Je suis si heureux d’être ici, en sa compagnie, en pleine nuit. C’est comme si notre petit différend de mardi n’avait jamais eu lieu. Je manque de tomber plusieurs fois. Je n’ai absolument pas peur des sons et bruits inconnus qui nous entourent, car je suis avec lui. Nous débouchons sur un chemin que je reconnais. C’est bien celui de la rivière. Nous faisons une pause.

— Ça va, pas trop galère cette expédition ? Ça te plaît ? demande-t-il.

C’est toi qui me plais, j’ai envie de dire.

— Ouais, carrément. C’est fou comment c’est différent, ici, la nuit.

— Surtout que ce soir, il fait bien noir. Allez suis moi.

Nous dépassons le pont. Le bruit des cascades est encore plus impressionnant que dans la journée. Nous poursuivons notre chemin en nous enfonçant parmi les arbres de la forêt. Les bruits de la nature sont amplifiés, on se croirait dans un autre monde que le nôtre. Nous dévalons prudemment la pente avant d’arriver au bassin dans lequel nous nous sommes baignés. Cette nuit, aucune étoile n’est visible. Pourtant, le lieu est éclairé d’une lumière étrange. Elle provient de l’eau. Son étonnante coloration phosphorescente apporte des rayonnements bleutés qui me cloue littéralement sur place. Je commencerais presque à croire Lucas. Cet endroit est magique. Je souris, tel un enfant, devant ce spectacle incroyable.

— Ça en jette hein ? dit-il.

Je ne lui réponds même pas, tellement je suis sous le charme. Nous montons sur les rochers. La végétation s’anime de mille lumières. Je fais un tour sur moi-même. C’est féerique. Nous nous approchons de l’eau luisante, hésitons à y mettre nos mains. Mais la tentation est trop forte. D’un commun accord, nous les plongeons entièrement. Celles-ci se recouvrent instantanément d’une pellicule fine phosphorescente. Nous les regardons briller. Incroyable ! Nous nous faisons face en les faisant tourner. Elles sont suffisamment lumineuses pour éclairer nos visages. Je regarde Lucas, il est si beau comme ça. Un frisson me parcourt l’échine lorsqu’il s’approche de moi.

Je ne bouge plus. Mon cœur bat à cent à l’heure. Il dépose une goutte sur mon bras nu. Celle-ci, même toute petite, se met à briller. Une autre goutte sur ma joue, une troisième sur mon front. Je suis toujours figé. Je souris bêtement, sûrement. Je m’en fou. Il continue à consteller ma peau de gouttes, telles des étoiles scintillantes. Son doigt finit par se poser délicatement sur mes lèvres. Un nouveau frisson. Il me fixe. Je soutiens son regard. Je ne rougis plus. Je préfère fermer les yeux. J’ai envie de suspendre le temps. De rester ici pour toujours. Et de sentir ses lèvres sur les miennes.

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