Mises au point

4 minutes de lecture

Un chapitre / Une musique

Daft Punk Adagio for TRON (Remixed by Teddybears)

https://www.youtube.com/watch?v=wDhhD-0GvAg

*

Dimanche 9 août 1981.

C’est avec regret que je quitte Lucas. Nous nous séparons derrière le muret de l’entrée du portail, après nous être embrassés une dernière fois qui fut la énième d’une longue série. J’entre discrètement dans la maison, avant de me faufiler dans la salle de bain pour prendre une douche. Je reviens une dizaine de minutes plus tard dans ma chambre et j’y trouve ma mère assise sur ma chaise, près de mon secrétaire.

— Que fais-tu ici, maman ?

— Mon chéri, il faut que je te parle.

Ses yeux sont tristes. Ils ont beaucoup pleuré. Je m'assois sur mon lit, disposé à l’écouter.

— Ce que je vais te dire mon chéri n’est pas facile à entendre. J’en ai assez de te mentir, contrairement à ton père.

Je déglutis. Elle est à deux doigts de s’effondrer.

— Je suis au courant maman.

Elle me regarde, tremble.

— Au courant…?

— Je sais pourquoi Gaspard est parti.

Des larmes coulent le long de sa joue.

— Il m’a écrit une lettre, avant de partir.

Elle met sa tête entre ses mains. Elle sanglote. J’ai envie de la prendre dans mes bras, mais je n’y arrive pas. Elle finit par sécher ses larmes.

— Tu me trouves monstrueuse ?

— Non.

— Tu sais mon chéri, ces choses là…

— Je sais, on ne choisit pas.

— Oui, c’est ça. Tu as grandi plus que je ne l'imaginais, dit-elle tendrement.

— Vous allez divorcer avec papa ?

Sa mâchoire se serre.

— Je ne sais pas mon chéri. Ce n’est pas aussi simple. Ton père, comment dirais-je…

— Écoute maman, je ne veux pas savoir, en fait. Ce sont vos histoires. Je te demande juste une chose.

— Oui, mon chéri ?

— Dorénavant, ne vous servez plus de moi pour régler vos histoires.

Elle me sourit, mais je vois bien que je lui fais du mal.

— Tu as raison Alexandre. C’est toi qui a raison…Et bien, j’essayerai de faire mon possible.

Elle se lève et vient déposer un baiser sur mon front.

— Sache seulement que je t’aime, mon chéri.

— Moi aussi, maman, je t’aime.

J’ai prononcé ces mots, parce qu’à ce moment-là, je le pense. Je regrette presque de l’avoir autant détesté depuis des mois. Je me lève et cette fois-ci, j’arrive à la prendre dans mes bras. Je retrouve son parfum. Il me ramène à mon enfance. À la douceur de ce qu’elle a pu m’apporter, petit. Comme si ma mémoire l’avait conservée tout au fond de moi, dans un recoin que j’avais fini par oublier. Je me sens apaisé, soulagé. Me vient l’image de Lucas en tête. Peut-être faudrait-il que je lui parle de lui ?

*

Quand je rentre à la maison, mon père est déjà en cuisine. Décidément, il ne cesse de m’étonner en ce moment ! Qu’est-ce qui lui arrive ?

— Lucas, viens là, j’ai à te parler !

Il n'y a aucun reproche dans sa voix, ça aussi, ça change.

— J’allais prendre une douche !

— J’en ai pour deux minutes.

— Je t’écoute.

— Le fils Dumont, tu t’entends bien avec lui ?

Je me sens rougir, ça craint.

— Oui, plutôt. Il est très sympa et…

— Ok, je sais ce que tu vas me dire, c’est devenu ton meilleur copain de l’été, c'est ça ? Attention, je ne suis pas là pour le critiquer, tu m’entends ?

— Heu oui, mais alors, pourquoi tu me parles de lui ?

— Ne te mets pas en colère, c’est juste qu’on raconte des choses pas très belles sur ses parents et…

— Et quoi ? Un nouveau ragot vient de sortir de la boulangerie, c’est ça ?

— Ok, j’ai rien dit. Par contre, il paraît que la mère Desbois n’était pas à la messe aujourd’hui.

— Alors là, c’est une première.

— Ni Jacques et François

— Papa, pourquoi tu me racontes ça ?

— Non, comme ça, parce que…

Je le vois qui tourne en rond.

— Allez, crache le morceau, qu’on en finisse.

— Et si ce que vous aviez entendu avec le fils Dumont, c’était vrai ? Et que Colombani s’en était pris à Bertille et à ses enfants ?

— Ah, parce que tu crois que je t’ai raconté des salades ? Merci pour la confiance.

— C’est pas ce que j’ai voulu dire !

— T’as voulu dire quoi, alors ? Ah mais je vois, tu commences à culpabiliser de n’avoir rien dit à la gendarmerie, c’est ça ?

— Oui, voilà, t’es content ?

— Je suis content de rien. Je m’en fou de vos histoires. Je ne te demande qu’une seule chose.

— Laquelle ?

— Laissez-moi en dehors de vos histoires, et arrêtez avec Philippe de vous servir de vos enfants pour régler vos problèmes de conscience ou de je ne sais quoi.

— Très bien. T’as entièrement raison. J'essayerai de faire de mon mieux. Tu me crois cette fois-ci ?

Il m’énerve quand il dit ça, mais j’ai envie d'adhérer à ses paroles. Parce que je viens de vivre les plus beaux jours de ma vie et que ce serait dommage de noircir le tableau.

— Ouais, je te crois, papa.

— Et ne m'envoie pas chier si je te dis que je suis fier de toi.

Mais qu’est-ce-qui lui prend ? Il est tombé sur la tête ou quoi ?

— J’ai croisé madame Fouanec. Je ne savais pas que tu te débrouillais aussi bien que ça au marché. Venant de sa part, c’est vraiment un compliment.

— Qu’est-ce que tu croyais ? dis-je, avec le sourire.

— Allez, vas prendre ta douche, on passe à table dans dix minutes.

— Ok, ça roule !

Je me surprends à siffloter pendant que je me savonne. Alex vient occuper instantanément mon esprit et réveille mon sexe qui se met à grossir à vue d’œil. Un petit plaisir avant de passer à table ne peut pas me faire du mal, non ?

Annotations

Vous aimez lire Tom Ripley ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0