Prologue

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 La nuit tombait sur le château de Benzale pendant que les Gardes effectuaient leur ronde quotidienne. Leurs uniformes aux légères rayures dorées luisaient doucement dans l'obscurité et les lames à leurs épaules réfléchissaient la lumière. Deux d'entre eux étaient postés devant la grille menaçante du palais tandis que deux autres marchaient silencieusement en longeant les murs autrefois blancs du château. Les flammes des lanternes dessinaient des ombres dansantes autour des soldats et les arbres tendaient leurs branches vers le sommet du grand mur protégeant le palais.

C'était la Saison Glaciale et les rares feuilles qui couvraient le sol étaient brûlées par le gel, recroquevillées sur elles-mêmes. Le ciel était couvert et l'on attendait les premiers flocons de l'année durant cette nuit ou la suivante. Un hibou hulula au loin avant de s'envoler pour sa chasse nocturne.

Un soldat suivit son envol du bout des yeux, les pupilles rêveuses. Il rêvait d'être aussi libre que ce rapace et d'avoir une vie simple, loin des problèmes. Il était jeune, à peine la trentaine, blond aux yeux bleus et paraissait mal nourri. Le jeune salua ses compères à la porte d'entrée et continua de marcher le long du mur, perdu dans ses pensées. Il pensait à sa mère, fatiguée et sans aide à la maison, et à sa soeur gravement malade. Il revoyait les cheveux blancs de sa mère, ses yeux bruns fatigués et les pleurs qu'elle versait en le voyant revenir avec sa paye de sa veille. Le soldat se souvenait du regard éteint de sa jumelle, de sa toux sèche et de sa peau jaune au soleil du printemps.

Autrefois elle était belle et pleine de vie. Le Garde se souvenait de leurs jeux quand ils étaient enfants. Il la revoyait courir en pantalon dans les prés environnants Benzale, une branche de frêne dans sa main droite en guise d'épée, mimant les Gardes protégeant la ville. Lui, il restait sur le côté, plus discret. Pourtant il avait décroché ce travail, faute de manque de personnel, lui avait-on dit à son arrivée dans la Garde. Mais, pour lui, c'était grâce à Nuria, sa jumelle. Elle l'avait poussé en avant, sans se préoccuper de son propre avenir.

Quelques mois plus tard, Nuria était tombée malade, sans que les médecins puissent identifier ce que la jeune femme avait attrapé. Les cas comme Nuria se répandirent partout dans le pays, mais le mal ne semblait pas directement transmissible. Les personnes qui souffraient de la maladie dite "Alpha" mourraient au bout de deux ou trois mois. Cela faisait désormais cinq ans que Nuria se battait pour sa vie, les médecins ne comprenaient pas et ne donnaient aucun conseil à la famille. La mère des jumeaux dépensait des sommes astronomiques pour tenter de sauver sa fille. Mais elle avait fini par épuiser totalement l'argent que la petite famille possédait. Désormais, la seule source de revenus fiable possible était le travail de Garde du jeune homme. Il se sentait responsable de la survie de sa famille et de l'état de sa jumelle. Le jeune ne pouvait pas faillir à sa tâche.

Une larme coula sur sa joue avant de geler sur sa peau. Le blond frissonna, et pas que de froid: il se sentait observé. Arrête de te comporter comme un faiblard. Tu es plus fort que les Protecteurs et les Ensorceleurs, ces riches trop gâtés. Tu te fais des idées et ta famille a besoin de cet argent. Il secoua la tête comme pour remettre ses pensées en place et reprit son rythme, s'enfonçant dans l'obscurité grandissante.

Pourtant, deux yeux dorés les espionnaient bel et bien, depuis un arbre non loin de l'enceinte. Deux pupilles or qui ne lâchaient pas une seule seconde le mouvement des Gardes. L'ombre bougea et un faible sifflement se fit entendre. Les deux perles dorées disparurent le temps d'une seconde avant de briller de nouveau. Puis, dans un léger frottement de feuilles, elles disparurent et le calme revint.

Mais cet instant de silence ne dura pas. Un hurlement déchira l'air du palais endormi. Les Gardes accoururent vers l'origine de ce cri et découvrirent le jeune homme blond, gisant sur le sol, mort. Ses yeux laissaient échapper une fumée à l'odeur abominable et semblaient avoir été brulés. D'affreuses rayures violacées partaient des yeux du malheureux, figé dans une grimace douloureuse et éternelle. Du sang coulait de sa manche gauche et tombait doucement sur le sol gelé.

Le Garde le plus âgé s'approcha de la victime. Il semblait avoir une cinquantaine d'années et ses yeux étaient d'un vert très clair, presque blanc. Ce dernier était mieux vêtu que les autres avec un manteau plus chaud, abordant plus d'ornements. Il regarda la victime d'un regard sombre avant de s'agenouiller devant lui. Le haut-gradé releva délicatement la manche du mort et les deux autres Gardes réprimèrent un mouvement de recul, effrayés. Le premier serra les mâchoires.

-Avertissez qu'il y a un Brûleur Verya qui nous attaque, ordonna t'il.

 Comme les deux autres ne bougeaient pas, tétanisés, il haussa le ton.

-Bougez-vous! Et ramenez moi des renforts!

Et ses compères partirent précipitamment, laissant le plus vieux seul avec le mort. L'homme reposa son regard clair sur la marque inscrite au couteau sur le poignet blanc et sans vie. Sur la peau fumante de l'ancien garde flamboyait un oiseau de feu. Le haut-gradé avait immédiatement identifié le Phoenix de Verya, une organisation qui tentait de renverser la monarchie depuis des mois et qui recrutait en masse des Ensorceleurs.

Une branche craqua et le Garde tourna vivement la tête, la main aussitôt posée sur son sabre serti d'or.

-Montre toi vermine, gronda-t-il. Je sais que tu es là, alors ne te terre pas dans ton terrier. Viens te battre, que je puisse venger mon soldat.

Il cracha sur le sol mais ne détacha pas son regard de la forêt. Finalement quelque chose bougea dans l'ombre des arbres et une jeune femme sortit de l'obscurité. Elle était de petite taille, les cheveux bruns et courts, habillée simplement. La femme restait légèrement dans l'ombre, de sorte à ce que le soldat ne puisse pas voir son visage. Elle lui adressa un sourire avant de murmurer d'une voix douce:

-Eh bien? Je suis là.

L'homme l'inspecta de haut en bas. D'apparence, elle n'était pas armée mais cependant, semblait sûre d'elle comme si elle préparait quelque chose. Il reprit d'une voix forte:

-Fais voir tes yeux vermine, s'écria t-il.

-A vos ordres Sir, susurra t-elle avant de sortir de l'ombre complètement.

L'homme plissa les yeux avant de voir que ses yeux étaient dorés et son coeur manqua un battement. Les Brûleurs ont les yeux oranges, pas dorés. Ils sont deux! Son adversaire se mit à rire. Affolé, le haut-gradé tenta de s'enfuir en reculant et heurta quelqu'un. Il fit vole-face, balbutia des paroles incompréhensibles quand il vit l'homme aux yeux oranges. Un sourire machiavélique se dessina sur ses lèvres avant que le Garde soit enveloppé de flammes ardentes.

Son corps tomba, calciné, la peau fondante. Les deux Verya avaient disparu et au loin, les renforts arrivaient en criant le nom de leur chef. La neige commença à tomber sur les deux corps des Gardes et le silence revint.

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