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     Après avoir quitté brouillard et boue de leur ancien chez-soi, les trois voyageurs prirent la direction du sud au petit trot. La brume commençait doucement à se lever, accompagnant le soleil. Ce dernier éclairait, de ses premiers rayons, les vastes étendues vertes d'une lumière rosée. Il illuminait chaque goutte de rosée matinale, les métamorphosant en diamant. Lylith sourit en voyant la plaine briller ainsi. Tout était si scintillant, que cela en devenait éblouissant. D'ailleurs, Hector se couvrait les yeux de sa main, esquissant une grimace. Une brise matinale se mit à souffler doucement, faisant frissonner Lylith. Mais cela ne suffit pas pour ôter le joyeux sourire des lèvres rouges de la jeune fille.

     Le Lord lui jeta un regard énigmatique et fit galoper son cheval dans les hautes herbes, descendant de la colline sur laquelle les trois compagnons se trouvaient. Sous les yeux ébahis de la soldate, des centaines de papillons aux ailes translucides serties de rayures dorées, prirent leur envol à l'arrivée du destrier noir. La jeune femme rejoignit le noble en riant, les yeux brillants comme des étoiles. Les papillons faisaient luire leurs marques couleur or à la lumière du soleil levant et présentaient un spectacle de jeux de lumière. Lylith tendit sa main vers le ciel et une de ces frêles créatures se posa sur sa main blanche. Un autre vint décorer ses cheveux noirs battant de ses ailes transparentes. Orpheus la regardait, un léger sourire aux lèvres. Un papillon se posa sur sa chemise et le noble le dévisagea d'un regard sceptique. Attirés par leur confrère, d'autres insectes arrivèrent et colonisaient par dizaines sur cape, chemise, pantalon, cheval, mains et visage de l'homme. Ce dernier tentait de les enlever doucement, mais à chaque fois qu'un de ces invités clandestins partait, un autre arrivait. Lylith quant à elle, riait en voyant Orpheus, à son habitude si noble et si sombre, couvert ainsi de papillons dorés. Elle rejoignit le Sorcier au petit trot, et commença à retirer avec douceur tous les insectes posés délicatement sur les tissus de la cape noire. Elle retira ceux accrochés dans le dos et dégagea les derniers qui erraient dans les cheveux noirs d'Orpheus.

     Sans le vouloir, la main de la jeune femme entra en contact avec la peau pâle du jeune homme. Ce dernier se raidit brutalement et s'écroula par terre dans un bruit sourd, tombant de son cheval. Les papillons s'envolèrent, dans une nuée affolée.


-Sir! S'écria t'elle, inquiète et tremblante. Qu'est ce que...


Voyant que le l'homme était secoué de spasmes et que ses yeux étaient devenus blancs, elle se tourna vers le haut de la colline, où était resté Hector, les larmes aux yeux.


-Hector! Hurla t'elle. Hector venez vite !


La soldate vit l'homme bouger de sa colline et partir au galop vers eux. Elle reporta donc son attention sur l'homme devant elle. Lylith s'agenouilla et dit d'une voix tremblante:


-Ca va aller monsieur, Hector est en chemin.


Ce dernier ne tarda pas, arrivant sur son cheval bai, il descendit rapidement à terre et se précipita vers le noble.


-Que lui est-il arrivé? Demanda t'il sèchement.


-Je...je ne sais pas! Répondit-elle. Je l'ai juste touché et il s'est écroulé!


Orpheus gisait toujours devant eux, se tordant dans l'herbe verte et humide, le coeur de Lylith se serrait à chaque convulsion de son compagnon.


-Touche le encore, finit par dire d'un air sombre l'ancien général.


Lylith lui lança un regard incrédule.


-Pardon ? Fit-elle. Tu veux le tuer?


-Ca serait pas une grande perte, marmonna l'autre avant de répéter:


-Touche le.


Lylith replia ses mains vers elle, le regard noir.


-Mais t'es malade ?! Imagine une seule seconde que c'est moi qui ai fait ça !


-C'est notre seule option, s'écria t'il. J'ai été travailler dans un hôpital et je n'ai jamais rien vu de la sorte! Il n'a aucune piqure et ce n'est pas du poison !


-Et les papillons? Murmura t'elle sur un ton de défi.


Hector secoua la tête.


-Les Alléas sont inoffensifs.


Il la regarda droit dans les yeux et Lylith remarqua que ses iris n'étaient pas simplement sombres, elles étaient vertes d'un vert simple, pas comme ceux d'un Modificateur. Ses pupilles étaient décidées et confiantes. Lylith soupira, hésitante. La jeune femme voyait que l'ancien général était sérieux mais elle était retenue par une crainte dont elle ignorait la source. Elle finit par tendre ses mains tremblantes au dessus du corps du jeune homme qui semblait regarder le ciel avec ses yeux blancs. Et, de ses mains blanches, elle prit la tête d'Orpheus.

     Le changement se fit instantanément. Le Sorcier se calma aussitôt, respirant bruyamment. La jeune femme se sentit soulagée mais comprit qu'un combat était mené à l'intérieur de l'enveloppe charnel de l'Ensorceleur. Deux...forces luttaient et Orpheus en subissait les conséquences. Mais dès que la jeune femme établi un contact physique avec le jeune homme, une des forces cessa soudainement de combattre et se retira dans les mains de la soldate. Lylith ne pouvait l'expliquer mais elle sentait que cette force l'appartenait et qu'elle en était maître. A mesure qu'elle drainait cette chose du corps du Sorcier, la jeune femme se sentait faiblir, et tout autour d'elle devenait flou et indistinct. Elle entendit vaguement Hector lui crier d'arrêter et que Orpheus était tiré d'affaire. Qui était Orpheus ? Et arrêter quoi? Elle se sentait si bien...si puissante...Elle se délectait de ce qu'elle aspirait, n'en perdant pas une seule goutte du pouvoir. La jeune femme sentit des mains gantées saisir ses poignets alors que tout devenait sombre autour d'elle. Des ombres l'enveloppèrent et elle tomba sur le sol de la plaine aux herbes hautes. Lylith se sentait observée, et bien qu'elle soit dans le noir, la jeune soldate tourna la tête vers la droite. Deux yeux rouges la fixaient, d'un air machiavélique. Le coeur de Lylith battait à tout rompre, effrayée par ces iris sanglantes. Un cri déchirant de femme résonna aux oreilles de la soldate. Cette dernière se sentit perdre connaissance et crut que le sol se dérobait sous elle. Elle ne montra aucune résistance et se laissa chuter, trop faible pour se battre.

*

     Lylith avait l'impression de flotter. Elle flottait dans une immensité d'ombre et de silence. Elle était couchée dans le vide et s'élevait sans jamais s'arrêter. Son ascension lui semblait infinie et elle ne pouvait pas bouger, prise au piège d'une force inconnue.

     Alors que la soldate continuait de gagner en hauteur, des images l'assaillirent.

     Elle arrivait devant un magnifique palais de marbre et serti d'émeraudes, accompagnée de Lord Orpheus. De nombreuses personnes étaient présentes dans la cours du château et toutes dévisageaient la jeune femme. Une personne, vêtue entièrement de blanc, se tenait sur les escaliers de ce qui semblait être l'entrée principale de la bâtisse. C'était un homme, et il souriait, ses mains blanches croisées sur laquelle brillait une bague en argent représentant un dragon enroulé. La vision changea et le lieu se brouilla, se transformant en une sombre bibliothèque richement décorée. Un livre luisait à la flamme d'une bougie: Ce qu'ils t'ont caché, s'intitulait-il. Couvert d'une vielle reliure aux écritures dorées, il était couvert de poussière et les pages, jaunies par le temps. Il semblait l'appeler désespérément, cri solitaire dans le silence de cette bibliothèque. Tout devint flou et le noir reprit sa place, laissant de nouveau flotter la jeune femme. Mais dans l'obscurité, Lylith entendait des voix. Faibles et douces. Elles murmuraient quelques mots indistincts qui formaient un chuchotement incessant. Elles devenaient de plus en plus fortes, se transformant en brouhaha. Cela formait quatre mots et une énigme complexe. Les apparences sont trompeuses. Les deux yeux rouges se mirent à briller juste au dessus de la tête de Lylith qui poussa un cri effrayant avant de se réveiller brutalement.

*

     La première chose qu'elle vit, ce fut les arbres qui tendaient leurs branches vers le ciel étoilé. Un crépitement indiquait la présence d'un feu, et l'odeur de viande grillée fit gronder l'estomac de la jeune femme. Cette dernière se redressa, étourdie par le mal de tête l'élança. La soldate porta sa main à sa tête, se demandant où elle était. La prairie aux herbes hautes et aux papillons dorés avaient disparue. Elle chercha des yeux Orpheus mais tomba sur Hector, assit sur une bûche en bois au coin du feu, qui la regardait, un sourire joyeux aux lèvres.

-Bienvenue dans le monde des vivants ! Fit il joyeusement, ayant visiblement oublié les différents qui les séparaient.

La jeune femme ne releva pas cette pointe de bonne humeur.

-Où est Orpheus ? Demanda t'elle d'une voix faible.

-Ici, répondit sa voix sombre derrière elle, avant même qu'Hector ne puisse répondre.

Elle se tourna vers lui et le découvrit, a environ deux mètres d'elle, assis sur un tronc d'arbre, lui aussi. Ses mains étaient croisées et servaient d'appui à son menton. Ses yeux semblaient fatigués mais animés par la recherche d'une réponse à un problème.


-Comment allez vous Sir? Demanda Lylith, les yeux baissés.


L'homme se leva.


-Mieux grâce à toi, répondit-il en allant s'assoir aux côtés de l'ex général. Tu m'as sûrement sauvé la vie et je t'en suis redevable.


Néanmoins, il lui adressa un regard plein de questions. Le noble se demandait si ce n'était pas sa sauveteuse qui avait aussi causé sa crise, Lylith le voyait bien.


Cette dernière ne répondit rien à cela et se leva difficilement, sous les yeux inquiets d'Hector.


-Tu devrais te recoucher, tu es encore faible...prévint-il.


La jeune femme se tourna vers lui, debout. Étonnée par sa compassion soudaine.


-Je vais bien merci Hector.


Et elle s'approcha du feu afin de grignoter quelque chose. Mais lorsqu'elle vint les rejoindre, Orpheus se leva et, sans croiser son regard, s'enfonça dans les arbres sombres. Bien qu'elle comprenait ce comportement, Lylith se sentit blessée.


-Je vais me coucher, dit précipitamment Hector avant de partir lui aussi.


Lylith leur lança un regard méprisant avant de prendre un morceau de pain et de le manger avec faim. Une fois qu'elle eut fini, elle pensait aller se coucher mais elle aperçut Orpheus qui rentrait. Elle s'apprêtait à l'ignorer quand il vint vers elle et reprit sa place sur le tronc d'arbre.


-Nous devons parler, lança t'il, les yeux dans le vague.


La jeune femme s'assit sur la mousse, les yeux froids.


-Je pense aussi.


Mais elle se tut. Ce fut l'homme qui prit la parole.


-Ce qu'il s'est passé ce matin dans le champ...


La jeune femme explosa:


-Sir j'en suis sincèrement navrée! Je ne comprends même pas ce qu'il s'est passé...c'était affreux.


Il lui posa les mains sur les épaules, un léger sourire aux lèvres.


-Cela n'a rien d'affreux, Lylith. Ne comprenez vous donc pas? Vous possédez une forme d'Art qui m'est inconnue et vous êtes appelée à faire de grandes choses ! Qui changeront le monde!


Lylith le regardait, perdue.


-Mais Monsieur...je n'ai jamais eu aucune forme d'Art depuis ma naissance ! J'ai été testée et jamais je n'ai reçu la visite d'un Ensorceleur pour m'amener à Balkan ! La lettre disait même que je n'avais pas une goutte de magie en mon sang! Comment est-ce possible que je ne le déclenche que maintenant alors que j'ai été testée tardivement?


L'homme fronça les sourcils.


-Une lettre ? Si vous n'avez pas l'Art, vous l'auriez vu lors de votre test. Décrivez moi votre séance de test s'il vous plaît.


La soldate prit une grande inspiration.


-Des Détecteurs ont été envoyés dans notre village dans le but de tester tous les enfants entre sept et dix-huit ans.


-Comment étaient-ils habillés ?


-Un masque couvrait leur visage, un masque noir représentant un lion rugissant. Ils portaient des capes rouges en velour sur lesquelles brillait ce même lion. Priexa est un petit village, donc chaque Ensorceleur visitait une maison. C'est une femme qui est passée chez ma mère et moi. Elle nous a expliqué la raison de sa venue et ma mère l'a laissée entrer. Puis cette femme a dit quelques mots à l'oreille de mère, cela avait l'air sérieux mais je crois qu'elles discutaient du test. Ensuite, la femme est venue vers moi et m'a palpé le bras droit, du poignet au coude avant de prélever un peu de mon sang. Elle a par la suite affirmé que je n'avais pas d'Art et est repartie avec mon sang.

Orpheus se leva brusquement, surprenant Lylith, et commença à faire les cent pas.


-Ridicule, répétait-il. Absolument ridicule.


-Qu'est-ce qui est ridicule Lord Orpheus ? S'enquit la soldate.


Il éclata d'un rire sans chaleur, ironique, réveillant Hector de la même façon.


-Un vrai test ne se déroule pas comme ça ma chère Lylith, expliqua-t'il, nerveux. Ce sont des Murmureurs qui viennent et qui entrent dans votre esprit. Et, si vous possédez l'Art, vous êtes en mesure de supporter la douleur que cela vous produit. Mais si vous ne l'avez pas...vous sentez un terrible mal de tête et vous vous évanouissez. En l'occurrence, rien de ce que vous me décrivez ne ressemble à un vrai test. Les Détecteurs que vous avez vu avez les mêmes vêtements mais pas un gramme d'Art. Ou du moins ils ne cherchaient pas à trouver les jeunes Ensorceleurs. Pourquoi prendre votre sang...? Ils cherchaient quelque chose...ou quelqu'un. Avez vous eu la visite de ces faux Détecteurs depuis?


Lylith secoua la tête, inquiète de savoir la suite.


-Non, ma mère est décédée une semaine après, j'ai quitté la maison aussitôt. Et ils n'ont pas été aperçus dans le village, je l'aurai su sinon.


Le Lord continuait à tourner autour d'elle, l'esprit en ébullition.


-Qu'a dit la femme à votre mère en privé ?


-Je ne sais pas, lorsque j'ai interrogé ma mère là dessus, elle m'a assuré que j'étais trop jeune pour comprendre.


-Avez vous remarqué un détail sur la femme qui vous a testé ? Qui pourrait la différencier?


La brune se mit à chercher avant de répondre brutalement.


-Oui. Il y avait sa chaînette. Un aigle en or, elle la portait autour du cou. L'œil du bijou était en ambre il me semble. Mais rien sinon.


L'homme en noir s'assit sur la mousse, les yeux perdus dans le vide. Il avait trouvé la réponse. Lylith le voyait bien.


-Ce n'était pas un aigle, murmura t'il. C'était un phœnix. Un phœnix Verya...


Le coeur de la jeune femme manqua un battement. Les Phœnix Verya étaient des rebelles qui tentaient constamment de renverser le Roi. Quelques membres de Priexa faisaient partis de ce mouvement de rébellion et avaient pris la fuite pour rejoindre le groupe. Le jeune homme secoua la tête, exaspéré.


-Ils vont même jusqu'à tester les jeunes désormais...


Il se remit debout, la jeune femme le suivant du regard.


-Vous m'avez dit qu'ils n'étaient pas revenus chez vous, mais que vous êtes partie avant...vous n'êtes pas retournée chez votre mère depuis, n'est-ce pas ?


-Non en effet, mais pourquoi?


-Il faut qu'on aille à Priexa sur le champ, décida l'homme, une lueur inquiète brillant dans ses pupilles noires.


Lylith cligna des yeux, tremblante.


-Mais c'est à l'opposé de notre direction principale ! Protesta Hector qui, visiblement, suivait leur discussion depuis un certain temps.


Elle allait pouvoir revenir chez elle. Revoir ses amis, sa maison, les paysages et l'océan. Elle allait pouvoir de nouveau vivre.


-Nous devons y aller parce que je crains que nous ne soyons pourchassés. Mais pour en avoir le cœur net, nous devons retourner à l'endroit où Miss Ashford a été testée. Si il s'avère que c'était bien elle que cherchaient les Verya, nous en aurons les preuves. Sinon, cela nous permettra de visiter le pays!

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