Séparation

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La petite troupe partit donc le lendemain matin dans la direction opposée à celle prise au début du voyage et s'orientèrent vers le nord-est. Ils traversèrent une forêt de pins noirs durant toute la journée, ne croisant qu'arbres et oiseaux. Ce fut un jour calme et très peu fatiguant pour eux. Le temps passait vite car les discussions allaient de bon train. Hector harcelait de questions Lylith sur leur destination finale, en particulier sur la gastronomie de la ville. Elle riait d'entendre ces interrogations et répondait de bon coeur. L'ancien général fut déçu d'apprendre qu'excepté du poisson bouilli au thym, rien n'était exotique au reste du pays, mais ne se décourageant pas, il s'interrogeait aux vins du village. Le Lord écoutait discrètement en riant avec eux. Le sujet changea et désormais on parlait de ses origines et des souvenirs enfantins. Orpheus prenait de temps à autres part à ces discussions mais restait secret sur sa vie privée. Hector raconta comment il avait affamé ses frères et sœurs lorsqu'il était petit et Lylith narra ses aventures avec les pêcheurs de son village. Finalement, la jeune femme et l'ex général s'entendaient très bien et n'hésitaient pas à se taquiner. De même, Lylith entretenait de très bonnes relations avec Orpheus. Désormais ils se tutoyaient sans gêne et avaient des débats intéressants et animés. La soldate se risquait à poser des questions sur la vie passée d'Orpheus, mais ce dernier se refermait aussitôt et la discussion se terminait en changeant de sujet. Lylith avait appris à apprécier le noble malgré ses grands airs. Néanmoins, la jeune brune avait remarqué que la situation était plutôt tendue entre Hector et le Sorcier. Étonnamment, le froid venait de l'homme aux cheveux blonds. A chaque fois que le noble tentait de discuter avec lui, Blark l'ignorait et le repoussait. Cela surprit l'homme aux cheveux noirs les deux premières fois, mais il finit par se résoudre et aucune parole ne fut plus prononcée de la journée envers l'autre. Lylith trouvait ça dommage et aberrant, sans pour toutefois comprendre l'origine de ce malaise. La petite troupe avait aussi jugé bon de donner de jolis gants noirs à la jeune femme afin de se protéger au cas où. Elle les portait donc à longueur de journée et cela ne la gênait aucunement.

Le jour commençait à disparaître derrière les arbres noirs et le froid se faisait sentir. La Saison Morte venait de se terminer et la Saison Glaciale débutait. Lylith frictionna ses mains pour les réchauffer, laissant son cheval blanc la mener où bon lui semblait. Le noble, toujours en tête de la file, leur fit signe de s'arrêter. La femme reprit donc rapidement ses rênes et ralentit son cheval jusqu'à ne plus bouger. Le petit homme derrière elle fit de même. Lylith voulut interroger Orpheus mais celui ci posa sa main gantée sur sa bouche, l'empêchant ainsi de parler, ses yeux sombres fixés sur les cimes des arbres. Un délicat son de corde qui se tendait parvint aux oreilles de la soldate.

-À terre! Cria Orpheus dans un souffle.

Et ils se laissèrent tous tomber de leur monture. Un sifflement se fit entendre et une flèche alla se planter dans la jument baie de l'ancien général. Le cheval hennit et s'écroula dans un cri de douleur, son sang se répandant sur l'humus de la forêt. Hector, étant ainsi à découvert, roula sous les arbres, se cachant derrière un arbre. Lylith se jeta sur le côté, rejoignant ainsi son coéquipier et resta au sol, camouflée par les hautes herbes. Elle prit son arc en main, et l'équipa d'une flèche. La jeune femme prit un temps pour observer ce qu'il se passait. Après la première flèche décochée, d'autres avaient suivi, se plantant dans l'écorce des pins. Les archers semblaient être sur le côté droit de la route, soit en face de Lylith. Aucune flèche n'étaient tirées du côté gauche, ce que trouvait étrange la jeune combattante. Orpheus s'était lui aussi glissé dans les buissons de la forêt, son épée à la main. Il chercha du regard la jeune brune et lui montra un immense pin, juste en face d'eux. Lylith le regarda attentivement à travers les herbes folles. Quelqu'un était accroupi sur une branche de l'arbre, mais elle n'eut pas le temps de riposter qu'une flèche vint se planter à quelques centimètres de sa tête. N'ayant pas d'autre choix, Lylith roula sur le côté et courut jusqu'à un autre pin, son arc à la main droite. Une fois à couvert, elle banda son arc et décocha une première flèche. Un cri se fit entendre, suivit d'un bruit sourd. L'archer était tombé. La jeune femme laissa partir une autre flèche qui alla se planter droit dans la poitrine d'un autre brigand qui chuta de son perchoir. Une troisième flèche fila mais manqua sa cible. Lylith jura et arma son arme encore une fois. Seulement, elle fut arrêtée par un doux hululement qu'elle connaissait bien. A ce son, des souvenirs douloureux l'assaillirent.

-Tire Lylith! Hurla Orpheus.

Ce cri la fit revenir à la réalité et elle décocha sa flèche. Le dernier archer tomba lui aussi dans un bruit sourd.

La soldate se plaqua contre le tronc et se laissa glisser contre le sol, étourdie. Orpheus vint vers elle en courant, son épée au fourreau.

-Ca va ? S'enquit-il. Tu n'es pas blessée ?

Elle secoua la tête pour dire non et se releva. Hector arrivait derrière et échangea un regard noir avec le Sorcier.

-On doit partir d'ici et vite, fit-il à Lylith.

-On doit d'abord vérifier qui nous a attaqué, lança le noble froidement

.

La jeune femme hocha la tête, toujours sous le choc.

-Tu es sûre que ça va ? Demanda encore Orpheus.

-Oui, c'est juste que j'ai cru me retrouver avec ma mère il y a dix ans de cela...souffla t'elle.

Le jeune homme fronça les sourcils avant de se diriger vers les corps de leurs assaillants. Hector lui lança un regard inquiet avant de se rejoindre son ancienne monture pour prendre les affaires à sauver. Lylith suivit le Sorcier qui inspectait les morts.

-Des Veryas, déclara t'il sans prendre la peine de cacher le dégoût dans sa voix, en montrant le phœnix sur la sacoche d'un des archers.

-Ils n'étaient que trois? S'étonna la jeune femme. Pour une embuscade, c'est beaucoup de vies gâchées pour rien.

Son compère fronça les sourcils.

-C'est vrai, c'est assez étrange...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que la voix d'Hector hurla:

-Des soldats !

En effet, on pouvait nettement entendre le bruit des pas contre le sol de la forêt. Orpheus dégaina son épée brillante du fourreau et se tourna vers Lylith.

-Montez sur mon cheval avec Hector et galopez vers Casteldroit. Vous trouverez une auberge, l'Auberge Qui Vous Ensorcelle. Cherchez un certain John Nebular et dites lui que vous venez de la part de la Patte Noire. Il vous emmènera à un endroit sécurisé. Vous vous équiperez et vous continuerez votre route vers Priexa. Ne faites confiance à personne, et voyagez hors des routes, murmura t'il.

-Mais et vous ? Protesta la jeune soldate. Je ne vous laisse certainement pas là !

Il lui adressa un sourire navré. La nuit était tombée désormais et on voyait les flammes des soldats Verya qui arrivaient en masse.

Le noble attrapa son cheval vivement et poussa Lylith vers lui.

-Partez, ordonna t'il. Vite.

La jeune femme le regarda, les larmes aux yeux et furieuse, avant d'attraper Hector par la manche et de monter sur le cheval noir. Son ami derrière. Elle adressa un dernier regard à Orpheus qui lui rendit, se voulant être rassurant. Furieuse, la soldate détourna son cheval et galopa vers l'orée du bois, laissant le Sorcier seul. Le cheval allongea son galop pour s'éloigner rapidement de la sombre forêt, emmenant les deux compères dans une prairie aux hautes herbes. Une fois qu'ils furent bien loin du combat, Lylith ralentit le cheval et se tourna vers les pins où des cris retentissaient. La jeune femme imaginait parfaitement le Sorcier se battant royalement, mais finissant par être submergé par le nombre de lames qui s'abattaient sur lui. Elle serra la mâchoire. C'est un Sorcier, et le meilleur Murmureur de tout Benzale, se répétait-elle sans pouvoir y trouver une consolation.

Une explosion sourde retentit et une boule de flammes enveloppa la zone de combat, provoquant un incendie d'une grande ampleur. Le coeur de Lylith battit à tout rompre et une larme coula.

-Orpheus...murmura t'elle, sans parvenir à y croire.

Hector lui lança un regard rempli de compassion mais lui souffla:

-Il faut y aller Lylith, où d'autres arriveront et nous trouveront...

Elle le rejeta violemment.

-Non! Il faut aller sauver Orpheus, il est encore vivant je le sais ! Je ne peux pas le laisser brûler comme ça !

Lylith s'apprêtait à donner un coup de rênes au cheval noir quand Blark lui saisit les bras, n'établissant pas de contact direct avec sa peau.

-Je dois aller le sauver...s'il te plaît Hector...implora t'elle. Je...

L'intensité des flammes augmentait et l'espoir de la jeune femme diminuait en parallèle.

-Il nous a donné des ordres, Lylith, murmura doucement Hector. On se doit de les respecter...

Elle se dégagea de l'emprise de l'ex-général et lança le cheval au trot rapide loin de la forêt en feu, laissant ses larmes couler.

La jeune femme n'expliquait pas ce vide qu'elle ressentait en elle. Depuis qu'elle avait établi le contact physique avec le noble, Lylith se sentait plus proche de lui. Il la comprenait et elle le comprenait. La jeune fille n'avait besoin de rien de plus. Mais désormais, ses rires et sourires lui manquaient. Sa noblesse habituelle et son attitude fière changeait sa vision du monde et désormais, ce même monde lui paraissait fade. C'est comme si, lorsqu'elle avait récupéré sa force en Orpheus, la jeune fille en avait laissé une part et que cette même part était partie dans les flammes avec le Sorcier.

Les deux aventuriers continuaient à traverser la plaine aux herbes hautes au trot, avançant silencieusement dans la nuit. Au loin, brillaient les lumières de la ville fortifiée, Casteldroit. Ils galopèrent jusqu'au petit matin jusqu'aux grilles. Les Gardes qui tenaient les portes principales les appelèrent.

-Vous là! Héla le plus jeune d'entre eux. Vos papiers s'il vous plaît.

Le Garde s'approcha d'eux, se tenant sur leur droite, la main tendue.

-Nous ne les avons pas, commença Hector. Nous étions avec Orpheus quand...

L'autre se mit à rire d'un rire moqueur.

-Si vous croyez que je la connais pas celle-là. On me l'a déjà faite. Nous sommes des envoyés de Lord Orpheus d'une extrême importance, dit-il en prenant une voix aiguë et faisant des mimiques ridicules. Dégagea le passage et circulez.

Lylith, exténuée et énervée d'entendre le soldat parler ainsi de son défunt ami, tourna la tête vers lui et dit d'une voix menaçante.

-Laissez nous entrer, Garde.

Ce dernier se raidit et bégaya:

-T-Tout de sui-suite m-madame.

Et il se pressa d'ouvrir les lourdes grilles des portes, laissant passer le cheval noir et ses cavaliers.

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