Un Soupçon d'Art

10 minutes de lecture

-C'est elle. Vous devez revenir. Ils arriveront dans quelques jours. Vous n'avez plus de choix désormais. Faites ce que l'on avez prévu. Et reviens. Je t'en prie, reviens au Refuge. C'est la destinée de l'enfant. Elle va changer le monde.

Reviens.

Lylith ouvrit les yeux mais ne vit pas. Son esprit était occupé ailleurs. Étranges paroles qui résonnaient dans sa tête. Où les avait-elle entendues ? Ou n'était-ce qu'un simple rêve ? Étonnement, la soldate ne croyait pas à cette deuxième question qui restait sans réponse. Et quel était le sens de ce discours ? Le Refuge ? Cela lui semblait familier mais elle ne put associer d'image ou de paroles à ce nom. La voix. Cette voix Lylith l'avait identifiée. C'était celle d'un certain Gaston, un pêcheur dans son village. Il ne s'entendait pas bien avec sa mère et vivait seul. Mais pourquoi avait-elle entendu sa voix ? Cet enfant dont le rêve parlait...Lylith eut un mauvais pressentiment et frissonna, chassant ses pensées insensées. Qui était-ce ? Faisait-il nuit ? Tout était sombre. Non. La soldate sentait la bonne odeur du pain. Qui devait revenir ? Pourquoi ? Pourquoi avait-elle une part de l'Art d'Orpheus en elle ? Pourquoi le dragon lui était-il apparu ? Quelle était cette force dont la jeune femme ignorait l'existence auparavant et qui désormais l'habitait ? Se rapprochait-elle d'un parasite ? Ou était-elle bienfaitrice ? Rien n'a de sens. Rien. Rien.

Désormais elle descendait des escaliers en bois d'une auberge. On l'avait couchée sur une paillasse et couverte par un fin drap. Lylith portait toujours sa légère armure de cuir usé et ses armes avaient été rangées à côté de son chevet. Elle s'était endormie profondément sur le Oclock alors que sa petite compagnie galopait vers les Mines.

Hector lui fit signe à une table dans un coin de cette grande auberge. Il avait un verre de jus de fruit à sa main et arborait un sourire chaleureux. Orpheus était là, lui aussi, et se contenta d'adresser un simple signe de tête à leur camarde. Cette dernière sourit et s'empressa de descendre les quelques marches en bois qui lui restait afin de les rejoindre joyeusement.

-Comment va notre fière aventurière ? S'exclama le blondinet. Reposée ?

Le rêve revint à l'esprit de la jeune femme qui marqua une pause avant de répondre sur un sourire forcé:

-Oui, ce somme m'a fait énormément de bien. Pouvez-vous me dire où nous sommes par tout hasard ? Demanda t'elle avec un air qu'elle voulait détaché.

-Aux Mines des Montagnes Grises, Lylith, annonça Orpheus, sortant de son silence. Au village plus exactement. Vous vous êtes endormie hier soir après les récents événements, nous vous avons donc portée dans la chambre dans laquelle vous vous êtes réveillée ce matin.

Lylith battit des paupières, tentant de se rappeler un moindre détail de son transport du cheval au lit de l'auberge, mais rien ne lui vint.

-A ce propos, fit Hector d'un ton hésitant. Pourrait-on parler de ce qu'il s'est passé la veille ?

Orpheus n'ajouta rien mais bu silencieusement, attendant visiblement une réponse de la part de sa coéquipière. Cette dernière prit un morceau de pain posé devant elle et le couvrit de beurre frais avant de mordre dedans. Lylith mâcha lentement, le regard fixé sur le bois de la table, cherchant comment débuter son récit.

-J'ignore comment, commença-t'elle, mais j'ai réussi à pénétrer dans le subconscient du soldat. J'ai vu des souvenirs, de lui, et de sa femme, mais je ne crois pas qu'il l'ait fait volontairement. Il m'avait l'air...soumis à ses pensées. On dit que lorsque nous sommes sur le point de mourir, le Premier Arbre nous montre nos plus beaux moments dans la vie. C'est ce qu'il s'est passé quand je suis entrée dans sa tête.

Lylith marqua une pause et posa sa tartine.

-Comment était-ce ? S'enquit Hector, amère. Voyait-il les moments où il tuait des Ensorceleurs ?

Orpheus esquissa un sourire mais reporta son attention sur Lylith.

-Non Hector, rétorqua t'elle. Ce que j'ai vu, n'étaient que des souvenirs mêlant rires, amitié et amour. C'était une personne tout à fait respectable, appelée à faire de grandes choses. Sa femme...

La voix de la soldate trembla, et elle tenta de se ressaisir.

-Sa femme, reprit-elle, attendait leur premier enfant.

Le sourire narquois de l'ancien général disparut et il marmonna, secouant la tête:

-Oh bon sang...pauvre femme.

-Continue Lylith, l'encouragea Orpheus. Que s'est-il passé ensuite ?

-Tout s'est passé si vite que je n'ai même pas eu le temps de comprendre ce qu'il se tramait juste sous mes yeux, murmura Lylith. J'ai senti le soldat sombrer dans les eaux de la Mort, littéralement. J'ai tenté de le rattraper mais c'était trop tard, et si quelque chose ne m'avait pas sauvée, je ne serai pas là aujourd'hui.

Griffin fronça les sourcils.

-Quel genre de chose ? Demanda t'il.

La jeune femme lui jeta un regard hésitant avant de chuchoter:

-Un dragon noir aux yeux rouges.

Hector poussa un cri de surprise qui attira l'attention des tables autour d'eux. Lylith lui adressa un regard noir tandis que son ami soufflait un "désolé". Le noble resta stoïque mais serra les mâchoires.

-Tu as vu Helioth, l'incarnation du Mal et de la Mort elle-même, finit-il par lâcher. On dit que c'est lui qui vient chercher les âmes perdues pour les emmener dans le Ciel Noir.

-Dans ma région, ajouta Blark, on raconte que c'est le plus puissants des Sept Premiers et qu'il a été banni du Premier Arbre pour avoir été trop ambitieux. Pour se venger, Helioth s'est réfugié au Ciel Noir où il prépare sa vengeance.

-A Priexa, on dit que c'est le Messager des Ensorceleurs et qu'il serait le créateur de l'Art Originel, murmura Lylith. On ne le considérait pas comme une mauvaise âme, mais comme âme perdue qu'il fallait aider. Il est décrit comme une créature blanche et pure. Non comme celle que j'ai vue dans les Eaux Profondes. Et lorsque je suis rentrée brièvement en contact avec lui...

-Tu es quoi?! S'étouffa Orpheus.

-Laisse moi finir Griffin, ordonna sèchement la jeune femme.

Étonné de cette soudaine froideur, le Premier Sorcier se tut et laissa continuer son amie.

-Je disais que lorsque je suis rentrée en contact avec lui, reprit la soldate, je n'ai vu que douleur et solitude dans son cœur. Ce n'est pas un mauvais être, il souffre c'est tout.

Orpheus secoua la tête en riant sans chaleur.

-C'est le Mal incarné, Lylith, répliqua t'il. Il est particulièrement doué pour modifier son apparence et se faire passer pour un agneau blessé. Tu ne dois pas lui faire confiance.

La jeune femme se retourna vivement vers lui, les yeux brillants de colère.

-Tu ne sais rien de ce qu'il est, lâcha-t'elle. Tu ne sais rien de ce qu'il s'est passé lorsque ton Art, oui ton Art qui est en moi, s'est lié à ce Mal Incarné comme tu le dis. Tu me dis de ne pas me fier aux apparences, mais qui es-tu pour dire ceci? Hector et moi savons parfaitement qui tu es en vérité, et nous avons confiance en toi. Je sais ce que j'ai ressenti en voyant ce dragon, j'ai vu toutes les réponses aux questions que je me pose depuis que je t'ai touché ce jour dans la prairie. Depuis que j'ai une part de ton Art qui vit en moi. Mais maintenant qu'Helioth m'a sauvée, je me sens encore plus vivante et plus décidée à trouver ce que je suis réellement !

Le verre d'Hector se brisa dans un bruit sec, interrompant le flux de paroles de la jeune soldate. Elle cligna des yeux et regarda autour d'elle, se rendant compte que tout le monde dans l'auberge la dévisageait. Les bougies s'étaient éteintes et la pièce était plongée dans une obscurité menaçante. Lylith reprit son souffle et la lumière revint, ainsi que les discussions à chaque table voisines. Orpheus s'était crispé et ses yeux brillaient d'incompréhension.

-Que s'est-il passé ? Murmura Lylith, prise d'un étourdissement.

Le Sorcier ne répondit pas tout de suite, prenant du temps pour retrouver ses esprits.

-Tu étais énervée, et cette fameuse part d'Art s'est manifestée.

Hector regardait son amie comme si elle venait tout d'un coup de se transformer en orque, d'affreuses bêtes sauvages qui peuplent les Terres Arides. Une serveuse vint pour ramasser les éclats de verre et jeta un regard mauvais à Lylith avant de partir d'un pas pressé.

-Je te demande pardon ? Rétorqua aigrement Lylith en se tournant vers le Sorcier. Je croyais que les Sans-Pouvoirs ne pouvaient pas utiliser l'Art ?

-Tu l'as dit toi-même, Lylith, répondit calmement Orpheus. Une part de ton Art vit en toi et il semblerait qu'elle ait réagi au contact d'Helioth.

Il se tut un instant, laissant ainsi la soldate prendre la parole:

-Je ne pensais pas que je pouvais l'utiliser, bafouilla t'elle, surprise. Je croyais que cela finirait par me détruire, que je ne pouvais pas le contrôler.

-À moins que tu n'aies quelque chose en toi qui te le permette, ajouta le Faiseur d'Ombre. Quelque chose qui était déjà là avant même que je te transmette une part de mon Art. J'avais déjà eu quelques doutes mais désormais...il faut que nous allions à Priexa au plus vite. Nous récolterons les réponses à quelques questions avant de rejoindre Balkan le plus rapidement possible.

-Ça fait beaucoup de chose à faire rapidement, remarqua Hector, jusqu'ici silencieux. Et ensuite, je ne trouve pas ça juste que vous soyez deux à être de puissants Ensorceleurs.

-J'ai un ami qui pourrait nous aider, murmura Orpheus, sans se préoccuper de la remarque de l'ancien général. Cela ne sera pas sans risque et il faudra payer une jolie somme de Balzans Dorés bien sûr, mais ça vaut le coup. On pourrait être à Priexa avant la tombée de la nuit.

-Des Balzans Dorés ! S'étrangla Blark. Mais que fait votre ami pour avoir le privilège d'être payé par la monnaie royale ?

Orpheus sourit avant de répondre:

-C'est l'ancien Garde-Foi du Roi mon cher ami.

Lylith regarda le Premier Sorcier avec des yeux ronds. Que venait faire l'Ensorceleur le plus puissant de sa race, voire aussi efficace que des Sorciers, dans une ville pareille ? Les Gardes-Fois étaient des Ensorceleurs, de préférence des Naturels, chargés de maintenir la foi envers les Sept Dieux et le Premier Arbre.

Ce dernier était la source de toute vie sur le pays de Benzale. Les sept premiers animaux furent nommés comme les gardiens de ce havre de paix. Le premier était un loup, doué d'un grand esprit de groupe, fier et puissant. Il était sage et faisait passer les autres avant lui. Le deuxième se trouvait être un corbeau, malin et égoïste. Son intelligence était son fort mais il se servait des autres ouvertement pour arriver à ses fins, n'ayant aucune force physique. Le corbeau représentait ainsi le fait que même si l'on possédait un corps désavantageux au combat, la ruse était une solution des plus avisées. Un immense papillon aux ailes transparentes et aux rayures arc-en-ciel symbolisait la grâce et la beauté, rappelant que nous ne sommes là que pour un très court moment et que chaque minute doit être vécue avec le plus grand des bonheurs. Il fut le Troisième des Sept Originaux. Notre quatrième des Sept était une panthère des Montagnes Grises, représentant la maternité et l'amour familial réputée pour sa douceur et sa tendresse. Le cinquième n'était nul autre que cerf, symbolisant la noblesse la sagesse et la maturité. Ses bois énormes tendant vers le ciel seraient signe de royauté ainsi que de fierté. L'avant dernier des Sept fut le premier homme et le premier Ensorceleur.

Intelligent et habile de ses mains et de ses mots, l'homme prit rapidement le contrôle sur le Premier Arbre et ses cinq autres habitants, détruisant les biens que leur avait conférés le Premier Arbre afin de s'en servir pour construire la première ville: Balkan et la Cité des Ensorceleurs. L'Homme étant devenu incontrôlable, les Sept désormais cinq, envoyèrent le dernier des leurs. Une créature monstrueuse, qui n'avait nul égal dans le monde et les étoiles. On dit qu'une terrible bataille fut menée dans la Cité des Ensorceleurs où la population des Hommes et des Ensorceleurs s'était développée sans précédent. Selon la légende, la Bête fut vaincue et s'en retourna au Premier Arbre, laissant la race humaine s'étendre sur tout le territoire. Mais, le mythe raconte qu'avant de regagner sa tanière, la bête libéra une énergie pure et extrêmement puissante sous la forme d'une étoile à huit branches qu'elle cacha dans le ciel. La Forme Originelle de l'Art que les hommes ne font qu'effleurer encore aujourd'hui.

Ce sont ces Dieux que les Gardes-Foi sont chargés de prier chaque jour, et de transmettre leur foi à la famille royale et ceux qui souhaitent écouter. Le Garde-Foi prie l'Homme pour lui avoir donner le foyer dans lequel il chante ses prières, il prie les Animaux Originels pour lui avoir donner les terres que le pays a désormais, et il prie la Bête pour avoir épargner les Hommes et de leur avoir confié l'Art Originel. Ces Ensorceleurs sont très proches du Roi et peuvent vivre plus longtemps que la moyenne. Ils préfèrent généralement se retirer dans des appartements chauds et riches en soieries et broderies afin d'y périr en paix. Ceux qui refusaient une fin de vie douillette finissaient souvent pendus par des Veryas ou assassinés par jalousie. C'est pour cela que Lylith était étonnée de savoir qu'un des leurs se trouvait dans un trou à rats tel que le village des Mines.

-Bien, fit Hector, surpris par cette révélation. Je ne serai donc pas au bout de mes surprises aujourd'hui. Comment va-t'on le voir ?

Lylith cligna des yeux et jeta un regard interrogateur à Orpheus. A vrai dire elle se posait exactement la même question.

-Avec un soupçon d'Art mon cher ami, murmura énigmatiquement le Sorcier.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire OpheliaAshendown ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0