Inhumain.

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 La bête, haute comme trois hommes, quitta son refuge ombreux pour révéler à la lueur des champignons une large gueule sans poils. Des filets de bave gouttaient sur le bitume ravagé, entre ses canines éparpillées maladroitement sur sa chair rosée et difforme. Elle précéda des épaules larges et musculeuses, ainsi que des bras trop massifs pour sa taille.

 Des griffes raclèrent le sol aux pieds de l’homme. La bête – les yeux masqués par des replis graisseux – se séparait des ténèbres qui lui caressaient les flancs, rachitiques. Une voix sortit de sa gorge sans qu’elle ne bouge ni langue, ni babines purulentes. Elle émit un râle de souffrance ignoble. Un ultime appel empreint de désespoir. Une nausée dérangea l’homme qui dut subir la fétidité de son haleine.

 « Mes salutations, articula lentement la voix caverneuse dans la créature. Une odeur alléchante est venue à ma rencontre. Et à la vôtre, je suis venu ; attiré par votre enivrant parfum. Une douceur onctueuse au milieu de l’aigreur des rats. »

 La chose ouvrit largement sa gueule, inspira profondément, et commença à couvrir l’homme immobile de sa mâchoire imposante. Il ne lui manquait plus qu’à la refermer pour planter ses crocs dans sa chair tendre et délicieuse. Cependant, c’est l’air qu’elle croqua.

 « Est-ce toi qui as insulté Ninil Mushroom ? le questionna l’homme, sans peur, face à la bête affamée.

 — Rat qui court, fait le plat du jour, lui répondit-elle. »

 La créature avança, libéra ses jambes des ombres et s’apprêta à bondir de toute sa puissance. Mais une petite voix l’arrêta vigoureusement :

 « Attention a tes fesses, margoulin ! » s’écria la maman araignée. Elle bondit sur l’épaule de l’homme et agita sévèrement une patte. « Croque-moi et Ka te tuera ! Croque-le et Ninil te dévorera ! Toi et toute ton espèce ! Nous ne traitons pas avec les mauvais clients qui tuent nos sponsors ! »

La bête se détendit et adressa ces quelques mots avant de regagner les ombres :

 « Je ne ternirai pas votre nom aujourd’hui, araignée. Préparez ma venue, car mon retour est imminent. »

 Les bébés quittèrent les mèches auburn pour se jeter sur leur maman en émettant des borborygmes et des couinements surexcités. Face à ce déluge de petites fripouilles en pleine admiration devant son autorité, elle ne put que se laisser ballotter dans tous les sens.

 « Voilà tout ce qui reste de l’humanité, ici-bas », apprit-elle à l’homme, un enfant gigotant entre ses chélicères.

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