194
Ayamé promise à Kado dans la rumeur des jours : ils se l’ont dit plein de fois en baissant la tête, derrière des buissons de forêt doux pour eux, loin des noka quand les familles encore sortaient souvent se promener pour respirer l’air seulement et discutaient des heures et je les observais
Ils jouaient les enfants, souvent, toujours et leurs rires dans la poussière coloraient le village, la mère ville aimait et me disait : que j’aimerais que tu joues avec eux, que j’aimerais que tu ais eu cette enfance, que tu vives les mots qui se disent pas, les mots qui n’existent qu’en nous et se réveillent aux bords des yeux
À les voir simplement je n’avais de souvenir de la mienne d’enfance que le jour de la seringue et les mochi dans ma bouche mon air benêt et le bras qui souffrait la térébrante morsure, je n’avais pas d’Ayamé pour moi, seul souvent je les regardais les autres enfants du lointain, dans la forêt, à l’Inunaki Dam, leur petit corps chétif rentrer dans l’eau et ma machette solitaire et mère ville qui disait non, pas encore, un jour peut-être
Et puis les enfants s’en allèrent ou se marièrent, laissant la mort en absence de vie se dessiner dans le paysage, imposant le silence, un silence qui donne la voix de la mère ville plus pure, plus prégnante et je suis tombé sous le charme d’Ayamé, la dernière enfant avant longtemps, emmitouflée dans son joli uniforme et son parfum de cerise qu’elle trainait comme un voile
Elle et Kado toujours riaient aux quatre vents, cueillaient des baies, c’était plaie de les voir, plaie dans les chairs mais son sourire pansait mes maux d’amour de n’être plus un enfant et trop monstre pour elle et puis un jour il est venu, un démon homme perdu par là et qui voulait d’elle la douceur de son fruit caché, à y mettre ses doigts gras en elle, ouvrir par la force la fente de son intérieur ; il la violenta pour assouvir sa pulsion immonde
Ayamé se débattit de force et de cris et je les vis et noir plus que jamais dans la colère et mère ville me somma de détruire ce monstre qui lui fouillait les entrailles, qu’elle avait mal et des larmes de sang, des perles qui ruisselaient sur ses cuisses et des pleurs sur le visage et je les ai essuyé de mes mains neige, ses larmes chaudes de sel, et mon nez sentait le sang pas celui de l’homme que j’avais versé sur le tranchant de la machette, mais le sang frais de l’innocence et ce parfum me hanta si fort qu’il devint obsession
D’une voix atone et du lointain du ventre qui remue, je forçais Ayamé à m’en remettre un verre à saké : juste de quoi m’enivrer d’elle à compte goutte et la mère ville me gronda fort en moi dans les entrailles, remua dans mes tympans ses sifflements de démons comme une musique qui pousse à la folie et des excroissances poussèrent sur mes mains, des boutons comme des racines de plantes pleine d’une purulence aux odeurs de mort, chaude sur la peau et acide quand percés par les gestes et rouillant la machette en coulée de marécage
De second verre jamais je ne demandais, pas peur de ces bubons aux extrémités et sur ma verge recroquevillée de la peur des éclatements aux bandaisons sauvages, mais Ayamé me l’apporta ce verre, d’elle même en la forêt et sans voir que c’était elle sans l’odeur en moi, ne sentant que ma propre pourriture, je la tranchais comme une viande et m’écroulait de mes pleurs noirs sur son petit corps ensanglanté et je pleure toujours d’y penser, la haine en moi des hommes toujours plus féroce !
Suite >
En savoir plus sur la famille Murata : 138
En savoir plus sur la famille kato : 186
Arrivée de Simon et Doriane : 163
Annotations