Août 44

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En 1963, la philosophe allemande Hannah Arendt est envoyée par le journal le New-Yorker suivre le procès du criminel nazi Adolf Eichmann. En revenant de son reportage, elle soutient que les hommes coupables d’actes immondes et atroces ne ressemblent pas aux monstres que l’on peut imaginer, mais au contraire ce sont des hommes ordinaires. Comment alors un homme ordinaire peut-il devenir un bourreau ? Sa réponse est simple : il suffit de ne pas penser. Eichmann appliquait les ordres sans jamais questionner leur légitimité. Aussi, nous sommes tous potentiellement des bourreaux si nous n’actualisons pas notre faculté de penser. L’anniversaire du débarquement et de la Libération s’accompagne de nombreux portraits et émissions sur les belles figures courage de ces années. Ainsi celle de Madeleine Riffaud qui vient de fêter son centième anniversaire et qui témoigne encore de ce qu’elle a vu de l’enfer, des âmes errantes, de l’instinct de survie et de cette voix que, sa vie durant, elle a donné à tous ceux qui auront fait l’histoire et qui, toute leur vie, auront été un silence. Madeleine tire une taffe de son petit cigarillo et, les yeux fermés, nous prévient une fois encore, une fois dernière : « Au début, la majorité était loin d’être contre Pétain. C’est navrant, j’ai peur de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National. Mais il ne faut jamais renoncer à convaincre. » La majorité… Ce ventre mou de la société qui se laisse balloter au fil de l’eau, au mieux défaitiste, au pire passif sous le nuage, tel un bouchon flotteur qui danse à hue et à dia, allant vers où les vents le mènent, fussent-ils mauvais. Les commémorations sont aussi l’occasion de rappeler le chiendent et la crapule ordinaire, tous ces personnages de déshonneur qu’avec le temps, on a aisément et si facilement qualifié de salauds, collabos, ordures et autres traîtres. Et alors, humblement, on se questionne en fredonnant la chanson de Goldman. Et si j’étais né, en 17, à Leidenstadt sur les ruines d'un champ de bataille, ou si j'avais grandi dans les docklands de Belfast ou encore, si j'étais né blanc et riche à Johannesburg… Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens ?

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