La Furie des Océans
La folie gagnait le pont du navire. La dizaine d’hommes restés à bord s’agitaient pour déplier les voiles et gagnaient de la vitesse avec le vent.
- Dépêchez-vous ! Si vous ne voulez pas finir comme de nourriture aux encérodes !
La voix grave du capitaine raisonné avec puissance sur l’horizon bleuté. Au loin, un imposant navire de guerre se pointait prêt à en démordre.
- Sortez les rames, bande de fainéants ! continua-t-il.
Un marin vint timidement le contredire :
- Mais Capitaine, les plongeurs ne sont pas encore revenus !
Ce dernier, typique archétype de son rang, abordé une barbe rousse et épaisse. Dans ses mains, une arbalète plaquée d’or, carreaux enclenchés attendaient d’être utilisé pour dilapider n’importe qui se mettait en travers de son chemin. Le Capitaine Holi-hop se pencha avec difficulté pour regarder droit dans les yeux le marin :
- Je n’en ai que faire des plongeurs. J’en rachèterais à la pelle dans les îles ardentes. Rentrer des mers sans rafiot, cela n’a jamais fait partie de mes plans. Est-ce bien clair, moins que rien ? Retourne à ton poste !
L’homme ne se fit pas attendre et retourna à toute vitesse sur le pont. Soudainement, la vigie s’exclama avec crainte :
- Capitaine ! C’est encore le navire du général Ana…
Holi-hop se leva brusquement, scandant de nouveau :
- Encore celle-là ! On dirait qu’elle veut me poursuivre jusqu’au tréfonds des mers. Allez ramer, camarades. Je refuse d’y lâcher mon dernier souffle sous ses canons !
Un homme un peu à l’avant du navire, informa les autres :
- Les plongeurs sont bientôt remontés. Je l’ai vois revenir et les bras chargés !
Tous s’enchantèrent à cette nouvelle, se remotivant pour échapper à leurs adversaires.
Ozanne commençait à discerner la surface. Son souffle se faisait tenu par le manque d’oxygène. Son regard scruta les fonds marins. Les encérodes avaient eu l’une de leurs camarades. Même avec leurs harpons, ils n’avaient pu lui sauver la vie. Le regard de Peio se faisait vide. Eux deux haïssaient Baltazar. Le nombre de fois qu’il avait échappé aux dents tranchantes de ses monstres marins ne se comptait plus sur les doigts de la main. Son regard se reporta vers la surface ou le navire s’agitait. Les patrouilles devaient les avoir repérés.
À bout de souffle, elle atteint la coque du navire. On la souleva expressément, la faisant s’écroulait sur le pont, elle, ses camarades et quelques objets de valeurs déterrait dans la vase. Une femme blonde, le bleu du ciel dans ses yeux, un calepin et une plume dans sa main, se présenta à eux :
- Nous avions envoyé cinq plongeurs. Vous n’êtes que quatre, dit-elle d’une voix morne.
- Lara s’est fait dévorer, Mademoiselle Cyrille, répondit lassement Peio.
La tenancière marqua les quelques informations, puis son regard s’illumina légèrement lorsqu’il parcourut les objets qu’ils avaient apportés.
- Allez donc à votre poste pendant que j’analyse vos objets dans mon bureau.
Ozanne la foudroya du regard. Elle ne savait pas d’où elle sortait, mais Cyrille se comportait comme une noble sur un navire rempli de pirate sanguinaire. La plongeuse n’avait plus qu’une envie, celle de la jeter dans l’eau, qu’elles finissent comme nourriture aux encérodes.
Ozanne et Peio s’échangèrent un léger regard désespéré avant de partir chacun de leurs côtés. Ozanne avait été logiquement posté sur les mats pour déplier et replier les voiles. Elle se coltinait la vigie, un homme râblait qui racontait au capitaine les moindres faux pas des marins.
Peio, lui, se retrouvait aux rames, dans les cales du navire, avec cette brute de Captaine et son arbalète agressive.
Depuis les six mois qu’il était parti de leurs dimensions, il s’était fait récupérer par ce navire qui traversait les mers à la recherche de trésors sous-marins. Pour cela, le Capitaine Holi-hop, détestable personnage, affronter les lois en navigant sur les zones interdites, lâchait des esclaves dans les océans pour qu’il leur rapporte des objets précieux et retournait les vendre dans les îles ardentes qui n’était qu’autres que les sommets vertigineux des volcans de l’archipel des forges. Pour le coup, ce lieu n’était qu’un vaste repère de pirate et de malfrats, mais pas de Liosan ni de Baltazar en vue dans les environs.
Ces derniers temps, la générale Ana les poursuivait avec détermination. Son navire n’approchait jamais les îles, mais dés que le rafiot du capitaine se trouvait sur les eaux interdites, on pouvait s’attendre à tout moment de la voir apparaître à l’horizon. De ce qu’avait compris Peio, le Capitaine ne l’appréciait guère et la fuyait comme la peste. On lui avait raconté qu’elle avait coulé de nombreux navires de contrebande, qu’elle avait pris une retraite malgré son jeune âge, puis qu’elle avait repris soudainement la mer, il y a quelques mois. Comme si leurs situations n’étaient pas assez compliquées…
Le jeune homme pagayait en grimaçant. Les courants se faisaient violents et ses muscles peinaient à ramer après son excursion traumatisante dans les fonds. Les encérodes, une autre menace qui s’ajoutait à tout cela. Des puissants requins qui ne se laissaient pas faire. Dès qu’ils sentaient la présence des plongeurs, ils se précipitaient pour les éliminer. Peio serait mort sans les multiples interventions d’Ozanne, qui harpon en main, les écarter avec efficacité. Il lui devait plus que la vie. Leurs situations n’avaient rien de simple et Baltazar se faisait toujours aphone, comme à son habitude. Liosan Ferl avait peut-être eu raison de lui. Si c’était le cas, cela ne disait rien de bon. S’il y a bien une chose que Peio et Ozanne voulaient absolument, c’était de retourner dans leurs dimensions respectives.
Le Capitaine Holi-Hop s’énerva en voyant les canons de ses adversaires s’armer. Un des lieutenant du capitaine sortit les fouets. Peio serra les dents lorsque celui-ci frappa une nouvelle recrue derrière lui. Il accéléra pour éviter les coups, en baissant les yeux.
Du haut du mat, Ozanne voyait la mer s’agitait autour d’eux. Le vent la prenait de revers en fouettant les voiles. Son regard fixait le navire ennemi qui régnait sur les mers. Soudainement la vigie s’écria :
- Les îles Ardentes !
Ozanne se retourna pour voir la terre ferme. Les pics de l’archipel sortaient de l’océan se recouvrant d’une vaste végétation. Les yeux de la jeune femme parcoururent les forêts avec une certaine appréhension. Mais le danger vint de derrière.
La mer trembla. Un boulet de canon amerrit à quelques mètres du navire soulevant des vagues. Le bateau tangua brutalement. Ozanne se rattrapa de justesse à quelques cordages. Son regard se confronta face au vide… l’image d’un corps désarticulée sur le pont qui aurait pu être le sien. Elle retrouva son équilibre. Son cœur ne se calmait plus. Son regard croisa la mine déçue de la vigie. Ozanne l’aurait balancé si les hommes de Holi-Hop n’étaient pas dans le coin. Elle serra les dents. Bientôt le rivage les protégerait de leurs ennemies.
Un second projectile embrasa les eaux calmes. La coque avait du mal à affronter les vagues rugissantes. Le chaos s’installa dans l’équipage. Le troisième tir fit passer quelques marins par-dessus bord.
Ozanne s’accrocha au bois du mat, jurant d’une dizaine d’insultes que personne ne pouvait comprendre dans cette dimension.
Puis, le calme. Le navire du général Ana s’était immobilisé. La voix nasillarde de la vigie fit échos :
- Nous avons traversé la frontière !
Ozanne ferma les yeux, un instant, laissant son cœur reprendre sa douce cadence.
Peio dans les cales continua à ramer, mais ses bras voulaient tout arrêter. Les secousses avaient causé des blessés même à l’abri des vagues. Le jeune marin sentait que son épaule était douloureuse.
Le navire s’enfonça dans les méandres des îles ardentes.
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