Les Spectres de la Jungle

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Quelques jours plus tard, le navire s’accosta à Helestia, un vieux port de pirates où les baraques de bois s’entassaient contre une falaise. La végétation s’y faisait dense et envahissait les rues de leurs racines.

Ozanne put descendre de son poste et traînait sa carcasse jusqu’à une vieille auberge du coin. Peio la rejoignit quelque temps après. Il se devait de laver le navire avant de se reposer. Il prit deux chopes de bière au comptoir et s’assit en face de sa camarade. Un léger silence les mit mal à l’aise. Peio s’exprima en premier :

- C’est de la folie…

Ozanne le regarda d’un œil mauvais.

- Le dire à chaque fin d’excursion ne changera pas notre situation.

Peio baissa les yeux, désespéré, et regarda le liquide trouble de son verre.

- Six mois, bientôt, continua Peio. Je… Ozanne, j’allais me marier !

- Qu’est-ce que tu veux que je te dise, se contenta-t-elle de répondre. J’étais sur le point de faire tomber la gouvernance de ma dimension et de sauver les Hommes des inégalités. C’était soi ça, soit ont été mort… J’aurais préféré mourir…

La fatigue emportait l’esprit des deux voyageurs jusqu’à ce que la nuit ne vienne les conforter dans leurs sommeils. Ils se levèrent tels des fantômes et arpentèrent les rues dans l’euphorie de la fête. Dans la nuit fraîche, leurs esprits s’échauffèrent :

- On pourrait s’enfuir ? tenta Peio.

- Ou ça ? Par la jungle ? Le capitaine a dit qu’il existait pire que les encérodes… répondit, las, Ozanne.

- Peut être que c’est pour nous faire peur, se contenta de dire Peio dont le désespoir avait surpassé sa peur.

Ozanne regarda la dense forêt avec perplexité. Des bruits peu attrayants de la faune locale ne semblaient guère prétendre que le capitaine mentait. Pourtant, elle ne pourrait passer une semaine de plus dans ce navire avec un corbeau comme vigie. Elle acquiesça et s’approcha silencieusement de la lisière. Ozanne s’abaissa. Il était plus simple de traquer l’animal dans la neige, mais elle pouvait se débrouiller dans la boue de la jungle. Ses yeux parcoururent le sol. Elle grimaça :

- Peio, tu vois cette trace ?

Le jeune homme se pencha et distingua une emprunte étroite, quatre doigts et sûrement des griffes. Il pensa au symbole de son pays : le lion. Peut-être que l’animal qui se trouvait ici n’était peut-être pas différent…

Ozanne continua :

- Ça doit être ceux dans les cages que le Capitaine Holi-Hop achète pour les revendre un peu plus loin.

Peio resta blême.

- Tu dois avoir raison.

L’animal en question surpassait en taille un homme. C’était un prédateur recouvert de pelage noir et à la mâchoire brisante n’importe quel os. Certains arrivaient même à tordre l’acier de leurs cages et à s’enfuir dans la forêt.

Ozanne et Peio longèrent les arbres avec de plus en plus de réticence. La jeune fille s’arrêta net :

- Ne touche pas à cette liane, cela doit être un guilio.

Peio observa la sorte de serpent que se camouflait en végétaux. Un camouflage parfait qui lui faisait prendre n’importe quelle couleur pour se confondre dans n’importe quelle situation. Son poison tuer facilement un homme en quelques heures et l’antidote n’était pas aisé à trouver.

- Comment peut-on vivre par ici ? paniqua Peio. Je comprends que Liosan est déserté ce lieu et que l’endroit est un archipel de pirates et de contrebandier.

Ozanne ne dit rien, mais resta ferme. Il fallait être attentif pour ne pas mourir dans d’atroces souffrances. Alors qu’ils s’éloignaient du port sans pour autant rentrer dans la dangereuse forêt, des chuchotements les interpellèrent. Les deux esclaves voulurent se cacher derrière les arbres, mais après quelques réflexions, ils s’aplatirent dans l’herbe haute en essayant de ne pas éveiller une plante carnivore ou un guilio cachait dans les fourrages. Trois personnes encapuchonnées des pieds à la tête se détachèrent des maisons pour se dirigeaient vers la jungle. L’un deux illuminaient leur direction par une torche. Tous trois portaient un sombre masque. Peio sentit la scène trop familière à son goût, alors qu’Ozanne chuchota :

- Mais oui, c’est du feu qu’il nous faut. Les animaux ont peur du feu comme dans ma dimension.

Les hommes en capes rentrèrent dans la forêt sans la moindre hésitation. Sans plus attendre, Ozanne se leva et marcha vers le village.

- Nous allons empruntait une torche et suivre ces gens, s’exclama-t-elle.

Peio scrutait la forêt. Il avait perdu son goût de l’aventure, mais quelques choses le perturbaient. À deux, ils se retrouvèrent dans une rue éclairée et empruntèrent l’un des flambeaux.

- Et si elle s’éteint ? paniqua Peio.

- Nous n'avons pas le temps. Espérons qu'il ne s’enfonce pas trop profondément dans la jungle. Dépêche-toi, nous allons les perdre.

À petite foulée, ils se dirigèrent vers les arbres et s’arrêtèrent un instant a la lisière.

- Tu es sûr de vouloir y laisser ta vie ? fit Peio.

- C’est ton idée, s’emporta Ozanne.

Elle posa le premier pied à travers les racines et les guilios. La torche en main, elle commença à se frayer un chemin dans les branchages. Son cœur se serra aux souvenirs des frayeurs qu’Agatha lui avait fait subir. Peio était de plus en plus pâle. Seule la curiosité le poussait à suivre son amie. Pour se donner de la force, il se promit de ne plus remonter sur le navire de Holi-Hop.

À petit pas, ils progressèrent suivant discrètement la lueur de ceux qui leur montrait la voie. La torche se consumait, brûlant de plus en plus les doigts d’Ozanne. Peio chuchota en panique :

- Je savais qu’elle ne tiendrait pas !

- Mais tais-toi un peu. Je me concentre pour ne pas éveiller la forêt.

Leur balade improvisée s’éternisa encore et encore. Les heures semblaient si longues et les hommes encapuchonnés continuaient leur trajet sans faire de pause. La torche finit par s’éteindre laissant les deux jeunes aventuriers de la noirceur des arbres.

- Accélérons le pas et suivons ces gens.

Dans l’obscurité, ils prièrent de ne pas se faire mordre et rattrapèrent difficilement leurs poursuivants qui avançait dans le silence. Peio tremblait de tous ses membres. Ozanne se contrôlait, mais son cœur s’emballait chaque fois qu’une branche craquait.

Soudainement, un son de clochette resonna dans les bois. Les hommes masqués s’arrêtèrent net, se cachant derrière un arbre. Quelques instants après, un être étrange, sans consistance, aussi sombre que la nuit erra, entouré de centaine de lucioles autour. La clochette tinta davantage lorsqu’il s’approche d’eux. Ozanne se paralysa de peur, son cœur seul battant dans son esprit vide et Peio était à deux doigts de tomber dans les vapes. Des sueurs froides lui parcouraient le front. Une odeur putride le poursuivait. Les minutes durèrent des heures et le spectre s’éloigna furtivement. Les aventuriers repartirent, Peio et Ozanne à leurs suites.

- Qu’est-ce que c’était ? suffoqua Peio.

- Je ne sais pas, mais ils en avaient autant peur que nous.

- Il ne faudra plus jamais m’écouter. C’était la pire idée que j’ai eue, s’emporta-t-il.

- Non, c’est de bon augure, le rassura Ozanne. Des animaux dangereux, rien de nouveau pour moi. Mais des spectres aux lucioles, c’est anormal.

- C’est démoniaque… répondit sombrement Peio.

Ozanne acquiesça doucement :

- La montée des eaux est forcément lié à un démon aussi, mais toutes nos recherches ont été peu fructueuses. Nous sommes peut-être sur la bonne voie.

- Et que faisons-nous si nous voyons un démon devant nous ? se paralysa Peio.

- On lui livre les pouvoirs de Baltazar. C’est le seul moyen de le faire venir à nous pour rejoindre nos dimensions.

Peio hocha la tête silencieusement. Les fourrés s’entourèrent de lumière. Ozanne reprit surprise :

- Nous sommes arrivés ! Voyons, ce que nous allons découvrir.

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