Raconte et Rencontre !

6 minutes de lecture

Les fougères ne manquaient pas dans le coin et malgré que de nombreuses torches éclairent l’endroit, Ozanne et Peio pouvaient aisément se cacher à l’abri des regards. Les trois personnes encapuchonnées avancèrent confiant vers une trappe et l’un d’eux tapa du talon dessus. Une personne ouvrit, s’exclamant en les voyant :

- Bienvenue ! Rentrer donc, les invités attendent dans les sous-sols. Vous avez fait bonne route ?

Ils hochèrent de la tête et descendirent par la trappe.

Peio se paralysa. La scène lui était de plus en plus commune.

- Je crois savoir ce que font tous ces gens…

- Raconte-moi, demanda Ozanne en plissant les yeux.

- Je ne serais comment l’expliquer, commença Peio, mais je connais cette… tradition. Dans ma ville natale, j’étais allé dans la maison de Liosan et j’y avais croisé des domestiques revêtues des mêmes capes et des mêmes masques que ceux qui viennent d’entrer. Je t’avais parlé d’enchère… tu te souviens ? Je crois que c’est la même chose.

Ozanne ne dit rien pendant un moment. La jeune fille resta contemplative avant de le questionner :

- Comment étais-tu entré ?

- On me présentant comme invité. Mais ça pourrait être un piège de Lio…

Ozanne était sortie à découvert et frappa de son talon sur la trappe. Peio la suivit à contrecœur. Le sous-sol s’ouvrit et une jeune femme brune se présenta joyeusement :

- Bienvenue ! Rentrer donc, les invités attendent dans les sous-sols. Vous avez fait bonne route ?

Ozanne hocha la tête et descendu l’échelle, Peio à sa suite. Quelques minutes plus tard, ils atteignirent le sol de pierre et un couloir éclairé les mena vers une vaste pièce ou plusieurs dizaines de personnes discutaient ensemble. Identiquement à Biloaï, un promontoire et des vitrines avaient été installés. Peio lâcha aux oreilles d’Ozanne, des murmures angoissés :

- Mais quelle folie !

Ozanne resta ferme et avança au milieu des convives. Ils réussirent à s’isoler dans un coin. La jeune fille reprit la parole :

- Quelle est la suite logique de cette soirée ?

- Euh… quelqu’un va présenter des objets effrayants aux enchères, les prix vont s’enflammer et pour ma part, j’en avais bien assez vu en partant… Mais le destin en a voulu autrement.

L’aventurière acquiesça, pensive.

- Baltazar était là durant la soirée ?

- Il est passé cinq minutes et est directement parti, rectifia Peio. Mais Liosan connaissait ces enchères des plus étrange. Je voulais te prévenir, cela pourrait être un piège de sa part.

- Je l’attends de pied ferme. Je ne monterai plus sur le navire d’Holi-Hop, ni ne plongerait dans les cités englouties avec les encérodes…

Ils furent interrompus par un homme étrangement habillé arborant un sourire convivial. Ses cheveux blonds tombaient sur ses épaules et un haut de forme coloré était posé dessus.

- Consœur, confrère, la jungle ne vous a pas trop fait faux bond ? demanda-t-il.

Ozanne se mit sur ses gardes prêt à le tuer si celui-ci se montrait trop curieux. Peio s’était figée et acquiesça doucement, avant de reprendre d’une petite voix :

- Un peu mouvementé… notre torche s’est éteinte.

Le nouvel arrivant prit une mine compatissante :

- Il faut faire attention aux guilios ! Ces bestioles se mettent toujours sous nos pieds. Vous étiez en danger ? Pourquoi ce camouflage d’esclaves ?

Ozanne recula avec méfiance, alors que Peio tenait le coup. Il n’avait pas remarqué que les autres invités portaient des habits de nobles ou des capes d’acheteurs. Eux, qui voulaient se faire discret, ressortaient des invités à cause de leurs apparences.

- Disons que ces derniers mois n’ont pas été de tout repos…, se contenta de répondre le jeune homme à bout de souffle.

- Je ne vous le fais pas dire ! s’exclama-t-il. Les frontaliers ont augmenté leurs patrouilles et les navires de contrebandier peinent à rejoindre l’archipel ou inversement à retourner dans l’honnête civilisation.

- Oui, le général Ana a repris la mer, s’étrangla Peio en maintenant la discussion.

Le visage de l’autre homme se ternit soudainement. Ozanne sentit que son camarade venait de dire quelque chose qui ne fallait pas. Dans ses habits d’esclaves était caché un poignard en dent d’encérodes. Le contact froid de la dent tranchante lui permit de garder son calme, mais elle était à deux doigts de lui trancher la gorge.

- Mesdames et Messieurs, approchez-vous pour découvrir nos fabuleux objets !

La foule se rapprocha des enchères séparant l’homme semblant menaçant et les esclaves. Caché dans la foule, Peio faillit tomber dans les vapes.

- Mais qu’est-ce que j’ai dit ?

- Quelques choses que ne fallait pas…

- Le général Ana coule les navires des contrebandiers, je ne pouvais pas savoir qu’un de ces partisans se trouvait dans les enchères.

Ozanne ne répondit pas et se pencha sur le spectacle où un homme secouait ses bras pour attirer l’attention :

- Mes chers invités, il est temps pour ma fille de monté sur scène !

La jeune brune le rejoingnit en secouant les mains vers le public. Le présentateur repris :

- Maintenons passons aux enchères. Soulèvez le drap noir !

Un sombre objet apparu. Une sorte de boule de voyance aussi noire qu’une nuit sans étoile.

- La boule du chamane Paraxis, aussi sombre que son maître. Nous l’avons retrouvé dans les eaux sombres des volcans, celle emplie de soufre mortel. On raconte que Paraxis y a changé le futur, prévoyant de sombres prophéties qui menèrent à de multiples meurtres, trahison, et nombreuses autres tragédies. Le prix s’élèverais à…

Le public retint son souffle. Paraxis semblait être un mage connu de tous, des chuchotements angoissés parcouraient la salle.

- Huit cent mille pics !

Tout le monde se mit à discuter du prix et les mains se levèrent pour commencer les enchères. Le prix s’enflamma. Une main saisit le bras d’Ozanne qui par réflexe sortit son croc. Elle l’enfonça dans le ventre de son agresseur. Peio écarquilla les yeux alors que l’homme aux hauts de forme s’écroula par terre.

- Fuyons, paniqua Ozanne en amenant Peio à sa suite.

La main ensanglantée, elle entraina le jeune homme pour s’enfuir à travers la foule. Des cris de panique parcoururent le sous-sol alors que les invités découvraient l’homme gisant sur la pierre. Les deux aventuriers reprirent le couloir et montèrent l’échelle à toute vitesse. Sans plus attendre, ils ouvrirent la trappe et se mirent à courir vers la forêt. Une voix familière essaya de les arrêter :

- Vous ne trouverez que la mort dans la jungle.

Peio se retourna paniqué et vit mademoiselle Cyrille, la trésorière du navire d’Holi-Hop. Elle était habillée d’une cape et avait retiré son masque. Ozanne se mit sur ses gardes telle un animal sauvage, prête à bondit. Peio voulait disparaître sous terre.

- C’est la soirée des Enels. Si vous m’avez suivi depuis Helestia, il est possible que vous en ayez croisé. Il y en avait un sur notre route. Ces spectres sont très agressifs et attaquent hommes et animaux. Je ne vous conseille pas de vous aventurer au hasard. Nous connaissons les zones les moins fréquentées et vous, non. Il serait dommage que vous y perdiez la vie.

- Je n’ai que faire de mourir dans cette forêt, s’écria Ozanne.

- Nous devrions l’écouter, supposa Peio.

- Et finir sur ce navire pouilleux le restant de ma vie, je refuse.

Ozanne partit vers les zones sombres. Peio lui ne bougea pas. Cyrille resta des plus inexpressives, pourtant elle regardait Ozanne avec une certaine curiosité.

- Qui êtes-vous ? se demanda-t-elle.

Cette remarque intrigua Ozanne qui fit mine de chercher une torche qui pourrait lui durait le long du trajet pour en entendre un peu plus.

- Des esclaves, répondit Peio au bord de s’écrouler de peur.

- Des drôles d’esclaves… répondirent pensive Cyrille. Nos esclaves sont de pauvres villageois, séparé de leur famille et sans la moindre habilité à la nage et aux fouilles sous-marines. Holi-Hop les achète dans des villes de pirates à faible prix. Ils ne les trouvent pas au milieu des océans à fouiller l’une des plus grandes cités englouties par les eaux. De plus, la date de votre arrivée sur le navire coïncide avec celle de la remise à l'eau du général Ana. Elle semble vouloir vous traquer et vous voir manger par les encérodes. Alors je répète ma question : qui êtes-vous ?

- Des baroudeurs, répondit mystérieusement Ozanne. Et on ne compte pas revenir sur ce navire.

Cyrille ne sembla guère convaincu de la réponse. Le temps pressé. L’acheteuse leur tendit des capes, des masques et leur demanda de les suivre. Ozanne s’y plia à contrecœur. Des hommes montèrent et les croisèrent :

- Par où sont-ils partis ?

- Par la forêt, je ne donne peu de chance à ces petits baroudeurs, dit Cyrille d’une voix morne.

Ils retournèrent dans le sous-sol, camouflés en acheteurs.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Blanche Demay ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0