Enterré

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 Habillé d’une veste sombre, le temps semblait aussi morose que l’ambiance qui pesait dans le cimetière. Au côté de ses ancêtres, une petite épitaphe souhaitée un adieu à Peio Jurill. Liosan se mordait les lèvres tout en veillant sur les aiguilles de sa montre. Une pluie hivernale s’abattait sur le sol meuble. Sur la pierre tombale, des fleurs y avaient été déposées et les pleurs rejoignaient les gouttes tombant du ciel sombre. Ghazi vint se poser à ses côtés.

- Triste affaire, marmonna-t-il, peiné.

L’homme d’affaires acquiesça silencieusement. En relevant la tête, il croisa le regard d’Alida Jurill. Dans ses yeux sombres se terrait une haine noire. À ses côtés, sa mère était courbée comme écroulé sous le poids de la souffrance. De la famille lointaine se rejoignit à la cérémonie pour y glisser prière et mots d’au revoir au-dessus d’une tombe trop silencieuse. Liosan garda une expression impassible. Les morts ne parlaient pas et bien heureusement, celui-ci dirait qu’il y aurait erreur sur la personne.

En effet, Peio avait été introuvable. Chaque recoin du royaume avait été minutieusement fouillé dans toutes les dimensions auquel Liosan pouvait accéder. Des avis de recherche étaient placardés, ses alliés sur leurs gardes, mais impossible de mettre la main dessus. Pour les parleurs qui critiquaient la monté au pouvoir de Ghazi, son fils représenté un véritable souffle de liberté.

Liosan avait agi. Trouver un homme qui lui ressemblait, l’habiller de ses vêtements et le jeter d’une falaise pour qu’il ne soit pas reconnaissable avait été plus simple qu’il ne l’aurait pensé. Peio était mort, son idéologie avec et sa fille pourrait tenter de reprendre sa vie.

Léontine, non loin, avait perdu de son éclat. Aucune larme ne coulait sur ses joues. Son regard émeraude était vide. Un immense troue lui avait vidé le cœur alors que dans son ventre un être la remplissait. Ses mains se posaient non loin de son nombril arrondi. Dans trois mois, elle donnerait naissance à un petit Jurill. De ce côté-là, Liosan n’avait pas été très observateur. Aloïs et Peio avaient été vifs. Il avait faillit perdre son couloir d’honneur qui le mènerait au pouvoir. Maintenant qu’il en avait pris possession, agir sur le continent était bien plus facile. Mais les autres dimensions lui donnaient du fil à retordre et Baltazar n’était pas des plus dociles. Il ne l’avait jamais été, mais il n’avait pas été facile à maîtriser ces derniers mois. Heureusement, Liosan avait l’un des pouvoirs les plus puissants de son époque : celui de faire chanter les démons comme bon lui semblait.

La pluie cessa et Liosan put partir sans qu'aucun des membres Jurill ne soit froissé par son absence. De retour à son manoir, l’homme d’affaires qu’il était reprit son air professionnel. Il rejoint son musée des curiosités et accéda à la salle circulaire. Baltazar avait réactivé les portails. Il prit soin d’inscrire sur un carnet ses missions. Pour la soirée, il n’avait qu’un aller-retour à faire. Il s’habilla d’un épais manteau de fourrure blanc, de gants rembourrés et d’un sac de cuir de voyageur. Il y mit soigneusement un pot de fleurs dedans et posa sur son nez une écharpe pour cacher son visage. Liosan traversa l’une des portes et le froid le frappa de plein fouet.

Il serra les dents et s’acclimata doucement. Autour de lui, des ruines lugubres d’une ville dévastée prenaient place. Seul le bruit des bourrasques de vent régnait en maître dans ce lieu détruit par les années. L’homme d’affaires avança sans un bruit dans la neige. Cet endroit lui donnait la chair de poule. Il avait entendu des histoires de démons déments enfermés depuis des siècles. Il ne voulait en aucun cas les réveillaient. D’après les échos qu’il avait entendus des derniers évènements, les hommes désespérés s’étaient aventurés dans les confins du Dédale et avaient brisé des sceaux. Depuis la prise de pouvoir de celle qu’on appelait la reine des racines, l’état de la dimension s’était nettement dégradé opposant des puissances démoniaques depuis longtemps oubliées. Liosan se pressait pour en finir avec son client.

Baltazar avait tenté de l’enfermer dans le Dédale. Mais avec ses importants contacts, il avait eu raison de ce démon capricieux. Il l’avait racheté avec ses propres moyens et celui-ci été redevenue aussitôt docile. Les démons… Des êtres aux pouvoirs destructeurs. Mettre fin au simple homme qu’il été serait simple. Mais, ils étaient trop obsédés par la puissance à en oublier qu’ils ne seraient rien sans les esclaves qui peuplaient leurs terres. Liosan était un esclave profitant des grands maîtres de ce monde.

Il atteignit les flancs rocheux du cirque. Son client l’attendait habiller d’une épaisse cape émeraude.

- Vous avez ce que je demande ?

Liosan sortit de son sac le petit pot de fleurs.

- Que vous faut-il, maître des plantes ? continua le demandeur, rassuré.

- De vos oreilles…, répondit, tendu, Liosan. Aucune nouvelle de la révolutionnaire Ozanne ?

- Non… Vous n’êtes toujours pas la seule à la chercher. Maître Onur, mon mentor veut la retrouver pour en savoir plus sur les graines qu’elles nous avaient rapporté. Il a promis à notre Reine de la faire venir jusqu’à elle. Elle a courte mémoire, mais les graines de pruniers semblent avoir réveillé son pouvoir et le visage d’Ozanne lui reste gravé en elle. Les patrouilles parcourent les moindres recoins sans trouver aucune trace. La révolutionnaire a disparu.

Liosan hocha doucement de la tête. Il avait déjà eu des versions similaires à celle-ci. Ozanne avait disparu en même temps que son beau-fils. Cela devait être lié. L’homme d’affaire continue :

- Et son frère ?

- Son frère ? Ah oui, le milicien… Il a rejoint la montagne pour protéger les habitants des démons et animaux sauvages. Mais cette bataille est perdue d’avance. Même les gisus sont devenus fous. C’est à cause du dévoreur de démon. Même enfermer à nouveau dans ces ruines, elle ne perd pas de sa puissance.

Liosan hocha la tête. Il sortit son carnet pour vérifier que rien ne lui échappait. Il aimerait parler davantage avec la famille d’Ozanne. La mère et la sœur étaient restées dans leur maison à la capitale. Ghazi retournera bientôt sur son poste de conseiller. Liosan l'y rejoindrait. Il finit :

- Avez-vous les informations que j’ai demandée à maître Onur ?

Le client prit une sombre expression avant de lui donner. Liosan la cacha dans une poche et partit sans rien dire. Il se dépêcha de rejoindre la vieille porte, vérifia de ne pas être suivie et franchi le portail avec une certaine appréhension d’y voir les ruines de l’autre côté. À la place, la salle ovale l’entoura chaleureusement. Il se dévêtit et mis le manteau dans l’armoire a coté de deux capes d’acheteurs. Il déplia le papier. Liosan sourit.

Il enleva son écharpe et sortit de la salle des portails. Dans le couloir, il croisa sa fille. Léontine était restée devant sa porte. Son père laissa tomber son expression d’homme d’affaires.

- Comment vas-tu ? lui demanda-t-il avec tendresse.

Celle-ci explosa en pleurs. Il la prit doucement dans ses bras. Baltazar avait frappé au plus près de lui et de sa famille. Il fallait qu’il le garde à l’œil pour que ça ne recommence plus. Avoir Peio se baladant librement l’empêchait de trouver la paix. Il déposa un baiser sur la tête de sa fille tout en essayant de la consoler.

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