La Dimension de Cendres
- Ma Léontine… Peio avait des crises de panique, des hallucinations. Aloïs ne l’a pas aidé en le malmenant et en lui mettant des idées dans la tête. Concentre-toi sur l’enfant que tu portes en toi et va de l’avant.
Léontine avait passé six mois dans l’espoir de revoir son amoureux. Ses recherches avec Alida et Aslan l’avaient redonné de l’énergie pour qu’elle se tarisse en cet après-midi pluvieuse.
Une servante apparue au bout du couloir.
- Désolé de vous déranger, monsieur Liosan. Votre client vous attend. Il s’est installé dans la salle de repos.
Dans le couloir qui donné accès au musée des curiosités, Liosan déposa un dernier baiser et laissa Léontine seule avec sa peine. L’homme d’affaire savait que lorsqu’aucun rendez-vous n’avait été prévu, il ne pouvait s’agir que de Baltazar.
Il arriva dans une simple pièce décorée de quelques tableaux de la famille Ferl. Un feu de cheminée avait été allumé. Les flammes étaient enfermées derrière des grilles d’aciers pourtant les cendres semblaient avoir recouvert l’homme assis à côté. Des particules grises recouvraient les cheveux de jais de Baltazar. Ses yeux étaient rougis et sa peau pâle lui donnait un air malade.
- Vous pouvez nous laisser…, répondit, dégoûté, Liosan.
La servante déposa une théière sur le coin d’une table et partit rapidement pour ne pas les déranger.
- Vous auriez au moins pu prendre une douche. Vous faites honte au fauteuil sur lequel vous êtes assis.
- J’ai reçu des ordres précis, répondit Baltazar d’une voix plus rauque que d’habitude.
- Dépêchez-vous donc. Je viens d’enterrer mon beau-fils, du moins celui que vous n’avez pas caché sous mon nez.
- Je ne sais où il est… Mais j’ai découvert une nouvelle dimension.
Le regard du démon fixait les flammes. Liosan sourit de cette nouvelle.
- Je commence à avoir de l’influence dans le Dédale et voilà que de nouvelle porte s’offre à moi. Peut-on y aller ?
- Pas d’ici, siffla entre ses dents Baltazar.
- D’où ?
- Plus à l’ouest. J’ai sombré dans mes meditations. Mes pouvoirs sont instables…
- Surtout lorsqu’il s’agit de m’enfermer dans les dimensions, l’arrêta Liosan.
Le démon détourna son regard vers l’homme d’affaires. Il reprit solidement :
- Je suis tombé dans un desert de cendre sans pouvoir changer de dimension avant sept de jour. J’ai traversé des forêts de tronc mort, des sols jonchés de cendres et un ciel rempli de nuage noir. Des kilomètres de vide, où rien ne subsiste. Je pensais m’être égaré dans une dimension détruite par je ne sais qu’elle démon. Au bout du sixième jour, j’y ai vu une bâtisse. Des gens m’ont nourri et logé. J’ai pu retourner dans cette dimension avec quelques informations sur ce sombre endroit.
- Je ne m’apitoierais pas sur votre sort. Cela aurait été contraignant qu’il vous arrive quelque chose, mais je sais que vous reviendrez toujours vers moi.
Liosan sortit son carnet. Il tourna les pages écrites pour y inscrire sur une page vierge : « la dimension de cendre ».
- Cette dimension est en chute libre, reprit Baltazar. J’en ai déduit que le volcan de l’île aux forges était en éruption. Les cendres recouvrent les terres, étouffant les cultures. Les coulées de lave traversent et détruisent village sur village. L’irruption et l’expulsion fréquente de rocher provoquent des raz de marée. Les navires chavirent et la plupart qui s’y aventure n’y reviennent jamais. Les populations se sont regroupées dans une ville à l’ouest de Biloaï. On peut le rejoindre en contournant les grandes montagnes.
- Intéressant, pensa à voix haute Liosan. Des démons ?
Baltazar passa sa main dans son cou.
- Sûrement. Les habitants ne connaissent pas les malédictions. Ils m’ont parlé seulement de leur princesse. Elle semble folle et incapable de gérer la catastrophe. Les hommes influents en profitent et ont instauré des impôts aux plus pauvres.
- Il me sera aisé d’y rentrer. Nous n’avons pas trouvé de dimension depuis quelques d’années et la dernière ne fut que peu intéressante puisque vide et inhabitable. S’il y a des Hommes dans celle-ci, nous pourrons toujours y tirer du bénéfice et s’il y a des démons, les obstacles seront moindres pour la suite.
Baltazar ne répondit guère. La façon dont Liosan abordé les malédictions le mettaient mal à l’aise. Plus loin il serait de ses congénères, mieux il se portera.
***
Léontine venait de poser l’oreille contre la porte du petit salon. Seule la fin de la phrase lui été parvenue. Des démons ? Qui lui permettrait d’affronter ses obstacles…
Depuis quelques minutes, un silence s’était imposé entre son père et le client. Puis la discussion reprit :
- Baltazar, vous pouvez vous en aller. J’ai eu assez d’information comme ça. Nous partons, demain, aux aurores.
Personne ne répondit. Léontine se dépêcha de disparaître pour ne pas se retrouver nez à nez avec maître Baltazar. La jeune femme monta les escaliers lentement, ralentie par son ventre arrondi. Pourtant, elle n’entendit personne sortir de la pièce. Elle s’arrêta, intriguée. Un instant plus tard, c’est son père qui franchit la porte. Aucune trace de Baltazar, l'un de ses nombreux associés. Heureusement, Liosan ne la vit pas et partit vers ses appartements.
Léontine ne comprit pas. Son père avait peut-être installé des passages inconnus pour ses clients les plus secrets. À quel genre d’obstacles son père avait-il à faire ? Ghazi Jurill était au plus haut du pouvoir. Ni lui, ni le père de Peio connaissait de problème actuellement.
Ses pensées s’embrumèrent. Elle aurait aimé poser des réponses sur la psyché de Peio. Un médecin lui avait dit que certaines personnes pouvaient être prises de crise, d’instabilité, de paranoïa. Les symptômes semblaient proches de ce que lui disait son fiancé. Pourtant, elle aurait voulu le revoir avant qu’il se donne la mort. Est-ce qu’on son état s’était aggravé ? Est-ce qu’il l’a aimé jusqu’à son dernier souffle ? Elle pleura en s’effondrant dans les escaliers.
Annotations
Versions