Psyché

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Depuis quelques jours la pluie avait cessé. Le navire de Cyrille longeait le rivage dense de végétation. Peio contemplait de ses sombres yeux les arbres qui défilaient avec lenteur. Il avait pensé que les honnêtes côtes seraient davantage structurées que les îles pirates, mais la forêt parasitait chaque surface de roche, de sable et de maison. Les villages côtiers s’espaçaient d’interminables heures de navigations entre le vert émeraude de la jungle et le bleu scintillant de l’océan.

Pour patienter, Ozanne avait forcé les matelots a réparé le navire qui souffrait des années de mer et de la tempête d’il y a quelques jours. À chaque escale, les quelques hommes du navire prenaient des haches rouillées et faisaient tomber des arbres sous l’œil attentif de la chasseuse. Ozanne observait chaque mouvement pour éviter que les guillios n’attaquent les marins.

Quant à Cyrille, elle ne sortait plus de sa cabine et passait son temps à analyser chaque détail des objets achetés. Peio n’y trouvait pas grand intérêt. Ils n’avaient vraiment rien d’extraordinaire. Pendant les heures passées avec elle, il avait tout de même appris à mieux la connaître. La jeune femme avait commencé une formation à la capitale de sa dimension pour travailler dans le commerciale. Ayant échoué face à la difficulté et déçu sa famille, elle avait alors hérité du vieux navire de son grand-père, de quelques contacts douteux et avait monté sa petite entreprise. Néanmoins, elle était mauvaise en affaire et sa vie était aussi vide d’intérêt que les objets qu’elles vendaient. Peio ressentait un peu de peine pour leure hébergeuse qui portait la honte de son échec sur son vieux navire délabré. Sans pour autant en dévoiler davantage sur sa vie, Peio avait taché de la rassurer en expliquant qu’Ozanne et lui n’avaient pas non plus briller de leur réussite.

Un soir, Cyrille sortit en boitillant sur le pont et ordonna à ses marins de mouiller l’encre à l’orée des bois. Son regard morne indiqua à Ozanne et Peio qu’ils étaient arrivés chez l’antiquaire. Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent à traverser la jungle sans échanger le moindre mot. Leurs torches et les yeux affûtés d’Ozanne leur permettaient de marcher entre les racines sans s’attirer davantage d’ennui qu’ils en avaient déjà.

Une heure fut nécessaire pour rejoindre un petit village en suspension. Les maisons avaient été surélevées et des ponts de bois les relier pour éviter d’être mordu. Peio observa la façon dont les habitants avaient organisé leurs vies malgré la faune sauvage. Des torches illuminaient la moindre ombre, mais les arbres restaient étouffants au point de cacher le ciel étoilé.

- Cela ne doit pas être simple de vivre sans voir le soleil, s’exprima l’historien en regardant la cime des arbres.

- Ça n’a pas toujours été le cas, répondit Cyrille ensommeillée. Il y a quelques années, il n’y avait qu’une végétation rase.

Peio se souvint des dires de la vendeuse.

- La forêt s’étend.

Cyrille acquiesça sans y porter plus d’attention. Ils montèrent sur les ponts en suspension et avancèrent de palier en palier jusqu’à se trouver devant une vieille maison. Le bois semblait pourri par l’humidité comme bon nombre de bâtisses dans les environs. En arrivant Cyrille secoua des grelots pour prévenir de sa présence. Un instant plus tard, un homme trapu ouvrit la porte et scruta avec méfiance ses invités attendant sur le pas de la porte.

- C’est qui ? fit-il en pointant du doigt Ozanne et Peio.

- De nouveau associés, répondit froidement Cyrille.

Le vieil homme sans dents bougonna dans son épaisse barbe brune. Effectivement, cet antiquaire n’inspirait pas la moindre confiance à Peio. Ils entrèrent dans la cabane où des centaines d’objets s’entassaient dans chaque coin de pièce. Le jeune homme se tourna vers Ozanne qui semblait sur ses gardes.

Cyrille ne fit guère attention à l’ambiance lugubre qui régnait en ce lieu et après avoir débarrasser la table des insectes et objets, elle y déposa les siens avec beaucoup de soin. Elle s’adressa avec rapidité à l’ermite :

- Qu’avez-vous à me dire sur mes trouvailles ?

Le vieil homme continua à mastiquer des mots incompréhensibles. La porte à l’arrière était restée ouverte. Les courants d’air y faisaient tinter les grelots. Ozanne se glissa au côté de Peio :

- Une incompétente… Cet endroit est angoissant et sent l’entourloupe à plein nez.

Le jeune homme était frigorifié de peur. L’antiquaire s’était assis en face des objets et les observait avec intérêt. Ses yeux exorbités parcouraient chacun d’eux. Cyrille lui avait mis son carnet sous les yeux. Les objets de la jeune vendeuse destiner à la noblesse étaient examinés par les doigts, les ongles les plus sales que l'historien n’avait jamais vus. Peio n’aimait pas juger sur l’apparence, mais Ozanne avait raison, cet homme semblait fou. Parmi les mots qu’ils semblaient mâchonnés dans sa bouche quelques-uns à peine audible sortirent :

- Intéressant… Bel objet… Belle histoire.

- Combien ? demanda Ligna.

- Beaucoup de sous… Pour l’aristocratie… de la capitale.

Peio suait désormais à grosse goutte. Un froid l’avait emporté. Les grelots de l’entrée semblaient tinter désormais à l’intérieur de sa tête. Il voulut s’exprimer, mais aucun mot ne sortait. Pourtant, l’historien savait que l’ermite mentait. Ces objets n’avaient aucune valeur. Bientôt, les échanges entre lui et Cyrille lui semblèrent étouffés. Une voix suraiguë lui troua les tympans, résonnant dans sa boîte crânienne, accompagnée du bruit de grelots en fond :

- Monsieur Jurill, il ne serait pas beau de mentir !

Peio ne pouvait bouger. La force psychique de la femme qui parlait dans sa tête lui avait emprisonné le moindre de ses mouvements. Le jeune homme sentit son cœur accélérait face à la terreur d’être pris au piège. Il aurait voulu prévenir Ozanne, mais celle-ci semblait ne pas d’apercevoir de ce qu’il se passer. Entendre des voix ne pouvait qu’être de la folie ou… une démone.

- Ne vous en faites pas, mon petit. Il arrive de vouloir combattre nos certitudes de toutes nos forces, jusqu’à croire à l’inverse.

Le jeune homme n’avait aucune idée de quoi la voix perçante voulait le convaincre.

- Vous savez au fond de vous la vérité, mais vous ne voulez pas l’admettre. Vous avez peur. Vous craignez que votre beau-père mette la main sur vous et vous torture. Il faut s'en mefier. Ne pas s'en approcher. Fiez-vous au objet et mener les jusqu'a de bonnes mains.

Peio ne savait plus si les dires de la démone étaient un fait établi ou si c’était elle qui essayer de lui faire croire cela. Ozanne lui glissa quelques mots à l’oreille.

- Peio, j’ai une idée. Tu dois superviser les analyses de l’antiquaire, non ? Il veut que Cyrille aille à la capitale. Nous y rencontrerons le générale Ana, là-bas. Tu pourrais la pousser à nous y amener ?

Les grelots le rendaient à moitié sourd, poutant les paroles de son amie avaient été limpides.

- Effectivement ! reprit la démone. Mais inutile de chercher loin, Peio. Vous savez depuis le début que ces objets sont d’une valeur d’exception. Ozanne veut se rejoindre à votre beau-père. Elle n'agit que pour sa propre volonté. Elle vous trahira dés le moment venu. Mais vous pouvez vous en sortir ! Guidait ces reliques jusqu'a de nobles personnes et je vous aiderez. Vous savez qu'ils portent l'Histoire. Regardez : ce vase a été offert à la princesse Galina, il y a trois cents ans en guise de paix avec l’empire voisin.

Peio plissa des yeux pour mieux l’observer. Les pigments décolorés lui semblait effectivement familier.

- Le tableau est une pièce maîtresse de la collection du célèbre Fio, plus grand peintre de son siècle. Et la fourchette d’argent…

La fourchette d’argent fait partit de la vaisselle offerte des meilleurs artisans de la région à la famille royale du royaume. Un élément unique disparu depuis des centaines d’années qui aurait été tenu des plus grands stratèges, nobles et roi des environs. Comment a-t-il pu oublier ? Peio revoyait le banc de son école. Le professeur leur distribuant les examens de fin d’année et les questions précises à répondre sur ces objets.

Cyrille se retourna vers lui pour le questionner :

- Qu’en pensez-vous, maître Peio ?

Les yeux du vieil homme se firent suppliants, mais le jeune homme ne le vit pas. Peio s’abaissa jusqu’aux oreilles de Ligna et lui glissa les quelques mots malicieux :

- Je crois… non, je suis sûre que le vieux croûton a raison. Ce sont des objets de prestige que nous avons là.

- Vous sembliez pourtant incertains ? s’étonna-t-elle.

- Oui, mais je me suis souvenue en écoutant le vieil homme. Il n’y a pas d’odeur de poisson dans les parages.

Cyrille n’avait depuis le début de leur rencontre exposé aucune émotion sur son visage pourtant à cette information, elle sourit discrètement. Elle finit son échange avec Peio :

- Enfin…

Celui-ci lui rendu son rictus. Elle se leva et leur fit signe de reprendre les objets. Elle s’exclama fièrement :

- Nous irons à la capitale !

Ozanne fit un clin d’œil à Peio. Celui-ci haussa les épaules et s’empara avec grand soin des objets de Cyrille. La voix suraiguë revint brutalement :

- Et surtout, Monsieur Peio, vous n’avez rien entendu. Qui entendrait des voix ? C’est absurde, n’est-ce pas ?

Ils sortirent de la cabane délabrée, repartant vers le navire à grands pas. Peio avançait confiant. Sa mémoire lui avait fait défaut tout ce temps. Heureusement qu’il s’en était souvenu et qu’il n’avait pas mener Cyrille à vendre ces reliques à de vulgaires bourgeois.

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