Le Traitre
Ozanne ouvrit les yeux en entendant les marins manœuvrait le bâtiment. Elle ne prit pas plus de temps pour s’habiller de vieux habits que les matelots lui avaient passés et sortit sur le pont. Une chaîne de montagnes se présentait devant elle. La roche à nu plongeait dans le sombre océan. Sous la fraîcheur du petit matin, la jeune femme vit un rayon de soleil sortir d’une immense faille. Elle se pinça les lèvres.
Même si depuis leurs disputes, les deux amis ne s’étaient pas adressé la parole, Ozanne chercha le regard familier de Peio. Ne le voyant pas, elle se douta qu’il devait être avec les objets de Cyrille. Des souvenirs turbulents la prirent de court. Le navire avançait sur les plaines glacées. Elle alla à l’autre bout du pont et chercha du regard la capitale avant de se rappeler que la cité était engloutie par les océans. D’imposants navires de la garde côtière avançaient lentement pour repérer les bateaux des pilleurs d’épaves comme ceux d’Holi-Hop.
Elle hésita à donner quelques ordres aux marins qui flânaient sous le soleil, mais elle n’avait aucune idée de leur trajectoire. Elle se décida à entrer dans l’étroite cabine où Peio et Cyrille s’entretenaient. La simple arrivée d’Ozanne suffit pour imposer un silence glacial. La jeune femme souffla d’exaspération :
- Où allons-nous ?
Cyrille rivait son regard sur un parchemin gondolé.
- Nous allons prendre la faille. En temps normal, je longe les montagnes pour me diriger vers les autres ports. Cette fois, nous paierons la dote pour passer et nous continuerons vers la capitale.
Elle prit une pause en passant un chiffon sur son front.
- Croisons les doigts pour que les frontaliers ne nous confisquent pas les reliques. Déjà que le prix pour passer à augmenter. Vous devriez d’ailleurs vous cacher. Si vous êtes recherché par les Louse, il serait plus judicieux de vous camoufler en marin.
Ozanne hocha la tête. Peio sortit de la cabine sans lui adresser un quelconque mot. Cela suffit pour la jeune femme de ressentir la colère revenir. Elle sortit à son tour et escalada les cordes pour rejoindre les hauteurs du navire et retrouver l’air frais qui lui manquait. Des dizaines de bateaux mouillaient aux abords de la faille illuminée par le soleil levant. Ses yeux arpentèrent les environs pour en capter le moindre détail. Les cimes de ses montagnes sortaient de l’eau à l’image de l’île des forges. Ils se rapprochaient de Liosan. Son regard se posa sur les hauteurs où des villas de noble profitaient de la terre ferme. Peut-être que l’homme d’affaires s’y trouvait, scrutant la mer.
Des voix provenant d’un navire dans le contrebas obligèrent le bateau à se stabiliser par rapport au vent. Les marins eurent plus de mal sans personne pour les guider. Ozanne ne prit pas le risque d’attirer l’attention sur elle, laissant les matelots tentaient de maintenir le cap. Au bout de quelques minutes, la garde côtière perdit patience et lança des cordes pour stabiliser le navire avec le leur. Des hommes armés abordèrent, commençant à fouiller le navire. La jeune femme repéra Peio se confondant avec les marins. Il effectuait son rôle avec soin sans même trembler face aux gardes qui usaient de leurs cordes vocales pour obliger les maritains à effectuer leur boulot.
Après avoir fouillé la cabine, l’un des gardes se mit à escalader les cordes. Ozanne garda son calme, prête à accueillir le nouvel arrivant. Celui-ci se présenta portant une fine armure dorée et un casque recouvrant ses cheveux bruns. Ces yeux se faisaient rieurs :
- Vous êtes la vigie de ce navire ?
Ozanne acquiesça silencieusement, refaisant un nœud mal serré. Le soldat repris :
- Les vents se font capricieux ces temps-ci. Pas facile de garder le cap !
- C’est vrai, répondit-elle froidement.
Ozanne jura silencieusement. Elle n’avait aucune envie de discuter avec le garde. Celui-ci s’assit sur le mat profitant du soleil. Il jeta un coup d’œil rapide sur le cordage et les voiles. Le soldat plissa les yeux fixant le bout la partie gauche du mat.
- Il me semble qu’il manque une corde sur cette partie. Veuillez me suivre.
Il s’aventura sur les fines planches, se tenant fermement aux prises. Ozanne le suivit avec habilité. Elle ne connaissait aucunement les normes d’un navire, mais cela l’étonnée que Cyrille est omis de vérifier la viabilité du mat. Arrivé au bout de celui-ci, le soldat tira sur un fil, défaisant un nœud.
- Quel maladroit ! Cela vous dérangerait de la refaire, dit-il joyeusement.
Ozanne se pencha pour atteindre la ficelle, en sifflant entre ses dents de colère. Alors qu’elle se trouvait à moitié en face du vide, elle reçut un violent coup de pied dans les côtes. Par un réflexe qui lui revenait de ses mois de navigation sur le navire pirate, elle se propulsa en arrière pour se rattraper de justesse sur le mat. Ozanne en eut le souffle coupé. Malgré tout, elle riposta violemment, poignardant la jambe du soldat qui avait voulu la faire tomber avec sa dent d’encérode. Celui-ci émit un cri brutal.
- Vous êtes folle ! s’énerva-t-il en s’abaissant pour se tenir sa jambe.
- Vous avez voulu me faire tomber, se défendit Ozanne.
Le garde avait les yeux exorbités face à la douleur.
- Mademoiselle, vous êtes en état d’arrestation !
Il sortit une fine lame courbée accrochée à sa hanche et commença à l’attaquer avec de grand geste de son arme. Ozanne recula rapidement face à la menace, prenant soin de ne pas tomber. Ses yeux quittèrent quelques secondes son assaillant pour regarder ses pieds. Celui-ci en profita pour se jeter férocement sur elle, la déstabilisant. Ils tombèrent à deux sur le fin mat. Ozanne se retenu de toute ses forces aux cordages comme au beau milieu des tempêtes ou des attaques des miliciens côtiers. Le soldat se retenu aux planches de bois. Déboussolé, il se releva, récupérant son sabre. Affaibli, il se mit à tituber. Ses yeux la regardèrent avec haine. Quelques mots sortirent de ses lèvres :
- Po… Poison ?
Ozanne se souvenue. Elle avait poignardé un guilio dans la jungle qui voulait attaquer Peio. La jeune fille ne savait pas qu’il se conservait aussi longtemps. Le milicien tenta de la faire tomber en coupant les cordes, mais il frappa pendant quelques instants dans le vide, jusqu’à celui-ci ne l’emporte. Sa jambe affaiblie avait manqué le mat. Il s’écrasa sur le pont du navire, alertant les gardes.
Ozanne regarda, sonnée, la scène : le corps désarticulé du soldat. Pourquoi l’avait-elle frappé pour la faire tomber ? En se balançant, elle tenta de sautait sur le bois. Il lui fallut quelques minutes et de nombreux efforts pour atteindre le mat. La douleur assaillait ses côtes. Non loin, la garde côtière tendait leur lame. Une voix grave se confronta à la jeune femme :
- Marine, vous êtes en état d’arrestation ! Lâchez votre arme !
Ozanne fit le tour des possibilités. Une petite dizaine de gardes entraînés l’attendait d’un côté. Le vide l’entourait de part et d’autre et la mer derrière elle, ne lui laisserait que trop peu de possibilités à part celle de finir trouer de flèche. À contrecœur, elle lâcha sa dent affûtée jusqu’à ce qu’elle tombe sur le pont du navire. La puissante voix reprit :
- Les mains dans votre dos !
Ozanne le fit et s’aplatit contre le mat. La honte et un sentiment d’infériorité la traversèrent lorsqu’on lui lia les mains et qu’on la fit descendre de force. Elle croisa d’abord les yeux de Cyrille totalement dépassée par la situation. Les matelots baissèrent leurs regards, voilés d’une certaine tristesse. Ozanne chercha ceux de Peio. Il devait être tant déçu d’elle. Son ami avait peut-être raison. Les plaines glacées l’avaient changé à jamais. Pourtant, qu'elles avaient été ses options ? Le garde avait voulu la jeter dans le vide. La jeune femme n’avait fait que se défendre. En soulevant ses paupières, elle le vit dans un coin du pont.
Un fin sourire traversait le visage de Peio…
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