La Journaliste
Ozanne se laissa traîner jusque dans le navire. La vision de Peio se régalant du spectacle l’avait mise hors d’elle. Après s’être débattu comme un animal sauvage prise au piège, l’un des gardes l’avait frappé de la hanse de son arme la mettant dans une semi-convalescence. Les soldats l’enfermèrent dans un sombre cachot. Malgré le fait qu’elle ait les mains liées, elle réussit à se relever et voir au travers de la petite fenêtre. Ses yeux fixèrent avec haine le navire de Cyrille s’avançant vers la faille. Qu’avait dit Peio au garde pour qu’il tente de l’envoyer dans le vide ? S’il voulait l’éliminer, le faire au travers d'une autre personne était une réaction de lâche. Retrouvant une partie de ses esprits, elle ravala sa haine et se rassit sur le bois frais. Elle sentit le sang dégoulinant de sa plaie. Ozanne attendit pendant des heures dans la petite cellule, si bien que la journée passa avec lenteur. Elle entendait l’abordage de la garde côtiere sur les navires voulant se diriger vers la capitale. La jeune femme ne trouvait aucune solution pour se sortir de là et personne ne pouvait l’aider. Lorsque la nuit tomba, le navire se dirigea vers la faille pour rentrer au port. Ozanne se dit qu’elle pourra aviser une fois qu’elle se trouvera dans le détroit.
Face à la fatigue, elle commença à s’endormir contre la paroi du navire. Elle fut réveillée quelques heures après par une main puissante qui lui empoigna les cheveux et colla son nez au sol. La brutalité du soldat lui réveilla sa plaie.
- Cette saloperie a balancé un collègue du haut d’un navire contrôlé, tonna une voix.
Une autre plus grave vint ramener le calme :
- Il n’est pas mort de la chute, mais du poison d’un guilio puissant sur une dent d’encérodes.
Ozanne vit les pieds de trois personnes dans sa cellule. Elle devina les deux soldats et repéra les jambes fines d’une femme. Celle-ci s’exprima d’une voix sévère :
- Dangereux mélange… elle était donc en possession d’arme proscrite. Elle n’a pu que le récupérer sur un marché noir de la jungle.
Ozanne tenta de parler, mais le soldat qui lui empoignait toujours sa chevelure, lui bloqua la tête contre le bois pour que cela soit impossible :
- Tais-toi ! hurla-t-il.
La femme reprit en énumérant les méfaits :
- Contrebande illégale, refus de se laisser faire, meurtre d’un membre de l’autorité. Je vous rassure, Messieurs, elle ne passera pas à côté du Tribunal et il ne sera pas clément.
- J’espère qu’elle sera condamnée à mort, reprit son agresseur.
La femme inscrit la plainte. Elle se retourna vers l’homme en retrait :
- Sergent, faites-moi un rapport détaillé de l’accident !
- À vos ordres, répondit-il calmement. Vous pensez qu’il pourrait s’agir de l’hystérique ?
L’examinatrice prit un peu de temps :
- Si c’est le cas, le tribunal saura donner la réponse. Restez vigilant ! Elle pourrait recommencer…
Le silence retomba et la juge partit de la cellule, bientôt suivie des deux hommes. Celui qui l’avait maintenu se retourna vers elle la fixant de ses yeux clairs :
- Le navire qui te mènera vers la mort arrive dans une heure !
Dés qu’elle n’entendit plus les pas des gardes, elle se mit à chercher activement comment s’enfuir. Le soldat avait resserré ses liens. La petite fenêtre était solide et efficace. Les barreaux en face d’elle ne lui permettaient ni de passer à travers par sa petite taille, ni de siller les barres pour s’enfuir. Elle n’avait aucune solution pour se sortir de cette impasse. Alors qu’elle essayait de ronger le fer avec ses dents, un caillou traversa la fenêtre et atterrit au milieu de sa cellule. Intriguée, elle s’avança vers l’extérieur. Le visage affûté d’une femme d’âge avancé la fixait avec intérêt. Elle semblait avoir escaladé la coque du navire. Une corde la maintenait en suspension devant le cachot alors qu’en contrebas, un petit groupe l’assuré.
Elle commença à prendre des notes et l’examinait avec attention.
- Qui êtes-vous ? demanda Ozanne, interloquée.
- Je suis une journaliste. Ne bougez pas, je prends vos contours de visages pour le journal de la capitale.
Ozanne ne fut pas très resceptive. Elle regarda le vide à travers les barreaux en bois de la fenêtre.
- Vous pouvez peut-être me libérer ? reprit Ozanne.
La femme leva ses yeux marron, étonnée, par sa demande.
- Je ne libère pas des meurtriers. Je suis là pour nourrir les faits divers. Ce que je fais n’est, certes, pas des plus légal, mais un visage réel rend le dessin et l’histoire plus attirante.
Ozanne jura. Si elle avait pu, elle l’aurait fait tomber dans le vide.
- Laissez-moi tranquille, alors !
Elle s’assit sous la fenêtre pour ne plus être vue de la dessinatrice. Quelques instants après, elle entendit qu’on la faisait descendre. Ozanne se résolut à ne pouvoir s’enfuir de cette prison. Elle mit sa tête dans ses mains. Après tout ce qu’elle avait vécu, la jeune femme ne pouvait abandonner maintenant.
Bientôt, les gardes l’emportèrent et la traînèrent jusqu’à une cellule plus grande, mais encore plus sophistiquée. On remplaça ses liens par des menottes d’aciers puissantes et on lui lava la plaie de sa tête. Le navire quitta le port et continua son trajet dans le détroit.
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