Cyrille

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Dans la nuit obscure, Peio faisait pendre ses pieds au-dessus de l’eau. Pensif, son regard scrutait le reflet des étoiles sur l’océan. Il leva ses yeux pour observer les imposants murs de pierre. Il se souvenait de l’avoir franchi dans le sens inverse. Dans sa dimension, les falaises se faisaient davantage arides. Par ici, la végétation rase prenait ses aises sur la façade pentue.

Un sentiment pesait sur son cœur. Il n’arrivait pas à savoir ce que c’était. Il était sûr d’avoir été conscient de chacun des ses actes et d’avoir senti une plénitude le comblé de voir Ozanne enchaîné. Il s’était dit qu’à force de n’en faire qu’a sa tête, elle finirait pendue. Ses prédictions avaient eu raison d’elle. Peio avait réussi à se venger de ce qu’elle lui avait fait subir, pourtant quelques choses en fond de lui le rendaient penaud. Il n’aurait su dire quoi. Des pas arrivèrent dans son dos. La voix morne de Cyrille se posa doucement dans l’ambiance nocturne :

- Nous arriverons dans une heure.

Peio se retourna et la remercia d’un signe de tête pour l’information. Ses cheveux blonds à l’habitude lisse étaient ébouriffés sur sa tête. Ses yeux étaient rouges de fatigue. Elle s’assit au côté de l’historien et pendit ses jambes à son tour au-dessus de l’eau. Elle souffla d’exaspération :

- Quelle journée… Je ne comprends toujours pas bien ce qu’il s’est passé sur le mat avec Ozanne.

Peio laissa un petit silence pour réfléchir.

- Jamais elle n’a réfléchi avant d’agir…

- Elle déteste l’autorité. Ce n’est pas la première fois qu’elle tue des hommes de ses propres mains, fit Peio sombrement. Elle mérite d’être jugée.

Cyrille avait compris que la jeune aventurière posait des problèmes. Elle reprit tout de même avec une peine artificielle.

- Les marins l’aimaient bien. Le navire avait besoin de réparations. Je ne l’appréciais pas particulièrement, mais elle faisait une bonne capitaine et une bonne vigie avant qu’elle ne jette le soldat, bien sûr…

- Elle nous…

- Aurait gêné dans nos affaires, le rassura le jeune homme. Elle n’avait qu’une chose en tête : la Générale Ana. J’ai déjà eu assez d’ennui par sa faute. Certaines personnes sont mieux emprisonnées.

La vendeuse semblait épuisée. Elle posa sa main sur le bois du navire et ferma les yeux. L’air frais circulait sur sa peau. Ces effluves lui étaient familiers. Cyrille aimait ressentir les écumes, celles brute au milieu d’un océan à l’horizon infini, celles boisées de la jungle, celles minérales des ports qui longeait les terres arables. Mais les odeurs qui provenaient de Larialle lui provoquaient de forts dégoûts. Elle y avait passé son enfance et haïssait l’idée de revoir les contours de sa cité natale. Lorsqu’elle avait décroché l’encre du navire de son grand-père, elle avait senti la liberté s’offrir à elle. Rapidement, d’autres chaînes s’étaient refermées autours la vendeuse : les dettes. Elle en devait à tout le monde et beaucoup siégé à Larialle, attendant que son navire se pointe à nouveau pour en finir de la vendeuse si elle ne pouvait rembourser. Sauf qu’elle était riche désormais. Quelques enchères et elles se verraient bientôt libres de ne plus continuer son commerce. Cyrille rêvait d’en finir, de se poser dans un endroit paisible et d’attendre que le temps passe. Rien de plus, mais c’était déjà beaucoup.

Alors que l’odeur de la capitale lui sortait déjà par les narines, les doigts de Peio éraflèrent la sienne. Cyrille ne comprit pas tout de suite et resta sans bouger. Rapidement ce fut la paume de l’historien que se posa sur sa main. Elle la retira brutalement en ouvrant les yeux. Cyrille regarda le jeune homme, étonnée.

- Que faites-vous ? s’exclama-t-elle, interloquée.

Peio lui sourit d’un air séducteur. La nuit lui renvoyait des sombres reflets sur son visage. Cyrille se leva, inquiète. En quelques secondes, elle retrouva un peu de calme dans sa voix alors que son cœur battait à tout rompre.

- Monsieur Peio, je vous demande ne plus me faire d’avance. Je ne suis pas intéressée.

- Vous êtes sur ? lui dit-il en la scrutant attentivement.

- Oui !

Cyrille n’en avait pas la moindre envie. À vrai dire, elle n’y avait même pas pensé. D’ailleurs, l’historien n’avait montré aucune attirance pour elle. Même si il ne l’avait évoqué que très peu, elle était persuadée qu’il avait quelqu’un dans sa vie. Cyrille se décida à partir. Elle prit soin de s’enfermer dans sa cabine.

De son côté, Peio haussa les épaules.

- Ne vous en faites pas, Monsieur Jurill. Vous trouverez quelqu’un d’autre à la capitale.

Peio avait décidé de refaire sa vie. Baltazar et Liosan ne donnait pas signe de la leur. Le jeune homme en avait marre de les attendre. Pour ce qui était de Cyrille, il serait intéressant qu’elle disparaisse. Elle devenait encombrante pour les affaires…

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