La Science du Courage
Dès le lendemain, Léontine avait rejoint le repère d’Alida : les écuries du Théâtre. Après lui avoir partagé ce qu’il s’était passé pendant la soirée, elles s’étaient dirigées sur la scène. La sœur de Peio tenait le cheval au bout d’une longe et lui faisait faire des tours pour l’échauffer dans le froid de l’hiver. Au bout d’une heure, Aslan entra dans la carrière. Sa cousine s’enthousiasma de le voir et l’enlaça. Alida l’avait fait venir pour qu’ils réfléchissent ensemble sur la situation. Ils montèrent dans les gradins pour rejoindre Léontine. Le guide la salua amicalement :
- Un enfant se précipite chez moi pour me dire que mademoiselle Léontine se jette dans les bras de dangereux criminel.
Celle-ci lui répondit d’un haussement d’épaules et d’un sourire joyeux.
- Il se pourrait que ce soit le criminel qui se soit jeté sur moi et un autre m’aurait sauvé la vie, rectifia-t-elle.
- Vous connaissant, je ne suis pas sûr de ce que vous affirmez.
Ils rirent ensemble. Cela fit du bien à Léontine qui passait plus de temps à pleurer, ces derniers semaines. Aslan reprit un peu de sérieux :
- Comment se passe votre grossesse ?
Léontine laissa divaguer ses yeux sur le cheval qui attendait sur le sable :
- Le bébé bouge un peu. Quand j’ai voulu me marier à Peio, j’étais prête à gravir des montagnes pour lui. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’il pourrait disparaître ainsi. Je ne me voyais pas mère sans lui…
- C’est normal, Léontine, reprit Aslan. Quand ma femme a accouché de ma fille, elle était inquiète de ne pas y arriver. Les Jurill sont des casse-cous, mais ont bon cœur !
Le peu de joie qui traversait les paroles de ses amis lui ramena le soleil qui lui manquait dans son hiver. Ses yeux croisèrent ceux d’Alida qui l’invita à raconter ce qu’il s’était passé :
- Hier, je suis rentré chez moi. Sur le retour, j’ai trouvé un chien errant. Je m’en suis occupé en tentant de le cacher dans ma chambre. Pendant la soirée, un homme m’a parlé, à essayer de me séduire, puis à tenter de m’assassiner en me transperçant de son poignard.
Aslan exprima son étonnement en arquant ses sourcils broussailleux.
- Ce n’est pas courant ! Et vous allez bien ?
- Oui, reprit Léontine. L’homme de main de mon père m’a sauvé la vie en m’attrapant par le bras, puis mon père m’a emmené à mes appartements et là, j’apprends que le chien que j’avais ramassé dans la rue était celui d’une de ses collaboratrices.
- Bien étrange toute cette affaire, commenta Alida.
- C’est sûr ! ajouta son cousin.
Léontine acquiesça de la tête. Ses yeux verts regardèrent Alsan :
- Puis, j’ai eu une discussion avec mon père au sujet de Peio. Il m’a dit qu’il avait agi en tant que terroriste face à mon père et qu’il n’avait, certes pas toute sa tête, mais qu’il en voulait en la politique de Ghazi.
- Moi aussi, j’en veux en la politique de mon père, mais je n’irais pas jusqu’à me jeter d’une falaise, la coupa Alida. Je connais mon frère et je suis la plus anarchiste de nous deux. Aloïs reste muet et l’invisible est… invisible.
- Oui, mais nous avons des noms. Je connais celui de l’homme qui a essayé de me poignarder et je sais d’où il vient ! C’est pourquoi je voulais parler à Aslan. C’est lui qui connaît le mieux les petits empires voisins.
- Je t’écoute, fit Aslan en acquiesçant.
Léontine prit un temps pour se souvenir de la prononciation.
- Je crois qu’il s’appelait Méristone de Larialle.
Le cousin de Peio réfléchit un moment, se grattant sa barbe brune.
- Je suis désolé, mais Larialle ne me dit rien. Neanmoins nous pouvons peut-être trouver des informations dans la bibliothèque du Théâtre. Quand je viens ici, j’aime arpenter les livres de politique. Il y en a des centaines, mais je connais les plus précis.
Alida approuva l’idée. Léontine fit une grimace. La bibliothèque se trouvait cachée dans les nombreux étages du bâtiment et les escaliers étroits et déséquilibrés lui causer des difficultés. La sœur de Peio reprit la longe du cheval qu’elle confia à un palefrenier de passage. Ils prirent une dizaine de minutes pour faire monter Léontine marche après marche. À bout de souffle, ils atteignirent les étagères de livres cachés sous les impressionnantes arches. L’odeur de poussière envahit ses narines alors que de nouveaux souvenirs vinrent frapper Léontine. Peio avait passé son enfance en ces lieux et sa présence était de pair avec les livres d’histoire. Elle n’avait pas osé y retourner. Léontine s’assit, épuisée, sur un vieux fauteuil. Aslan partit fouiller les livres de géographie alors qu’Alida retourner chaque poussière à la recherche de quelque chose.
- Alida, qu’est-ce que tu cherches ? s’étonna Léontine
- Mon frère passait beaucoup de temps. Je voudrais trouver quelque chose qui pourrait lui appartenir.
Pendant que la jeune femme travailler à sa recherche quasi archéologique, Léontine aida Aslan à trouver Larialle, dans les livres. Les heures tournèrent si bien que les cartes furent toutes sorties de leur étui de cuir. La cité était introuvable, en aucun coin perdu de ce monde. Léontine commença à douter d’avoir bien entendu le nom de la ville. À moins que le duc ne l’ait dupé sur cela. Alors que la veuve fatiguée de revoir les mêmes empires dans lesquels elle n’ira jamais, elle vit Aslan revenir en plissant les sourcils.
- Tu as trouvé quelque chose ?
- Non, pas vraiment, répondit-t-il. J’ai abandonné les cartes. Je suis allé me renseigner sur le prénom Méristone. Je le trouve peu commun. Dans les mythes, c’était un guerrier. Il a levé des armées pour défendre sa ville, puis est devenu fou.
- Fou ? demanda Alida de l’autre côté de la bibliothèque.
- Oui, enfin c’est un faible mot. Psychopathe, plutôt. Il a été reconnu comme un scientifique du courage. C’est le nom qu’on donnait à ceux qui tester le courage des soldats. Mais les techniques utilisées sont de l’ordre de la torture psychique. Je cherche un exemple qui ne vous choquera pas trop.
Aslan tourna les pages du vieil ouvrage en grimaçant, puis s’arrêta en lisant quelques paragraphes.
- Ce livre reprend point par point la science du courage qui était instauré dans nos empires mille avant. Cet exemple est terrifiant. Le concept était de placer deux groupes de soldat face à face. Chaque groupe devait courir l’un vers l’autre, arme à découverte et prêt à s’entretuer. Si l’un baisser les armes de peur, des mines plaçait sous leur pied les tuer tous. Ils étaient résigné à s’entretuer, à défaut de faire sauter tout le monde.
Léontine en eut froid dans le dos. Ces méthodes étaient extrêmes. Heureusement, qu’elles avaient été abolie !
- Et Méristone utilisait ce genre de méthode ?
- Oui, il a été pionner de nombreuse de celle inscrite dans ce livre.
- Comment peut-on appeler son fils Méristone ? fit, consternée, Alida en éternuant.
- Je me posais la même question, dit la veuve.
Léontine pensa soudainement qu’a deux mois de l’accouchement, elle n’avait pas pensé à un prénom pour son enfant. Elle vérifira qu’il ne s’agissait pas de celui d’un tortionnaire. Aslan reprit :
- Un homme du nom de Méristone qui essaye de tuer quelqu’un est une nouvelle étrange coïncidence. Ces parents devaient être connaisseur de la science du courage et de ce général, à moins que ce ne soit qu’un malheureux hasard.
Léontine hocha la tête et rajouta :
- Mon père a supposé que Méristone avait perdu sa notoriété et qu'il voulait surement se venger.
La jeune femme réfléchit un instant pour trouver d’autre nom. Alida arriva, ses cheveux bouclés et brins recouverts de poussière.
- De mon côté, j’ai aussi trouvé autre chose ! Ce sont des carnets de recherche de Peio. La plupart parlent de ses cours, mais l’un d’eux a attiré mon attention. Il était caché derrière un livre et les dernières pages comportent une représentation du collier des Jurill.
Léontine y jeta un regard intéressé. Le dessin était précis, pourtant il semblait assez diffèrent de celui d’Alida. Peio l’avait dessiné en enlevant des pierres précieuses et certaines parties semblaient usées.
- C’est étrange, souffla-t-elle.
- Oui, dit Alida. Je n’avais pas fait la liaison, mais quand mon frère est devenu bizarre, il m’a demandé de m’emprunter le collier. Je n’étais d’ailleurs pas trop pour. Il me l’a rendu des mois après et c’était dans les quelques semaines qui ont suivie les festivités chez les Horla. Mais je n’aurais pas parié qu’il comptait refaire le monde avec.
Le cousin d’Alida reprit d’un air soucieux :
- J’ai suivi Peio pendant le mariage et disons-le, il n’avait pas la carrure d’être un soldat ou un combattant. Son seul atout était l’Histoire. C’est normal que sa guerre soit sur ce terrain-là.
- Tu as raison, Alsan ! s’écria la dresseuse de cheval.
- Méristone, le collier… peut-être que tu peux chercher le nom de Baltazar, intervint Léontine. C’est celui de l’homme de main de mon père, mais il m’a dit qu’il n’était pas fréquentable.
Aslan chercha de suite, tournant les pages jusqu’à la lettre B, mais son visage resta perplexe :
- C’est un ancien nom, mais plus commun que Méristone. La seule chose marquante est qu’il était plutôt donné dans les familles pauvres. Je ne vois pas d'autre information dessus.
Léontine haussa les épaules et retourna dans ses recherches sur l’histoire du collier des Jurill.
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