La Course

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Un jour plus tard...

Cyrille était assis à même la pierre. Ses mains étaient liées et sa peur lui creusait le ventre. En se réveillant, elle avait compris qu’on la menait à tort jusqu’au tribunal et que personne ne revenait jamais de son jugement. Elle avait compté les minutes comme des heures en attendant que son numéro de criminel soit appelé. Pourtant, dés que le duc Méristone de Larialle avait franchi le pas de la grotte vers sa mort, le calme pris sa suite. Un silence de mort que la jeune vendeuse avait déjà entendu dans la jungle. Les animaux cessaient de chanter, l’air semblait s’opacifier et des clochettes tintaient brutalement dans la grotte. Lorsque le tracho terrifié sortit en terreur du boyau, Cyrille comprit qu’il était trop tard. Un Enel se trouvait non loin d'eux. Une nouvelle crise s’était déclenché au sein même de ceux qui avaient réussi à la contrecarrer des années avant. Elle se mordit les lèvres en priant que Peio soit arrêté avant que trop de malheure ne se répende sur la capitale.

De son côté, elle se coucha contre la roche, comme elle l’aurait fait dans la jungle entre les racines. Son estomac se bloqua et son cœur battait à tout rompre. Des cris de panique se rependirent dans les criminels, certains tentèrent de fuir alors que les gardes maintenaient leur lance face à eux. Rien ne servait de lutter face aux esprits de la forêt, il fallait s’oublier, se renfermer et ne plus penser à rien. Cyrille comptait désormais les secondes comme des minutes. La sueur se rependait sur elle alors que l’Enel avait débouché de l’autre côté du tunnel. Elle eut l’impression de sombrer, de perdre conscience, mais elle se força à rester éveillée, sentant une chaleur humide et étouffante la recouvrir.

La jeune femme tenta de se remémorer la première fois qu’elle en avait vu un. Alors qu’elle avait pris la mer, exclu par ses parents à cause de ses échecs, elle s’était enfoncée en pleine nuit dans la jungle et les quelques repères de sa carte avaient disparu dans la dense végétation. C’est alors qu’elle l’avait vu. Étant naïve, Cyrille était restée bouche bée devant le spectre. La douleur mentale qu’inflige un Enel est de l’ordre de la torture. Quelques minutes sur son chemin et elle était resté recroquevillée sur elle-même pendant des jours. Prise d’hallucination et de crise de panique en se reveillant, elle avait traversé la forêt pendant les semaines suivantes sans savoir où elle allait. Puis, elle tomba dans un piège de trappeur. Ceux utilisés pour attraper les errants comme elle et les vendre comme esclave. Holi-Hop l’avait acheté et envoyé dans les fonds marins. Sa connaissance en commerce l’avait, ensuite, intéressé pour l'achat-revente qu’il effectué de port pirate en port pirate. La jungle l’avait forgé, l’avait appris à se défendre, mais son envie de réussir n’était pas partie avec les années. Peio où ce qu’il l’habitait en lui avait ruiné ses rêves. Désormais, Larialle tout entier était en danger par sa faute.

Les hurlements se turent. Cyrille craignit un instant qu’elle avait cédé à la torture psychique. Elle ouvrit ses yeux qui prirent un temps à s’habituer à la noirceur de la grotte. En se retournant vers la grande cavité, plus rien ne bougé. Ses liens la gênant, elle essaya tout de même de s’asseoir. L’Enel était partie. Un bruit à l’opposé de la sortit la fit sursauter. Un homme habillé d’une cape boitillait. Son importante moustache se mêlait dans le sang qui coulait de son nez. Cyrille tenta de se faire discrète, mais le juge la repéra. D’une voix suppliante, il l’appela :

- Jeune fille, venez…

Cyrille regarda autour d’elle. Tous ceux qui étaient restés semblaient endormis dans des songes qu’elle n’aurait pas voulu vivre, mêlée de terreur et des pires cauchemars de chacun. Seule une personne livrée à elle-même pendant plusieurs années dans la terrible jungle pouvait se protéger des Enels. Seule elle était encore capable de se lever. Elle s’approcha de lui. Celui-ci la reconnut. La noblesse de Larialle était un petit monde, encore plus depuis qu’ils avaient jeté leur compère dans la forêt :

- Mademoiselle Disganti… Je vous en supplie… Montez jusqu’à l’arche et prévenez le conseil…

Elle hocha la tête avec rapidité et présenta ses mains liées dans son dos. Le vieux juge sortit une clé et l’encocha dans la serrure en tentant de maîtriser ses tremblements.

Libre, elle partit en courant à travers sa cité natale. Cyrille avait passer son enfance à Larialle. Dés qu’elle sortit à l’air libre, les effluves de la ville qui l’a dégoûté tant lui rappela qu’elle était née ici. Elle longea rapidement la faille et débarqua à folle vitesse dans le port. Des cris lui parvinrent de l’est. L’Enel devait commençait à semer le chaos dans la ville. Elle décida de traverser de navire en navire pour rejoindre les escaliers ouest. Le port avait toujours senti le renfermer et le poisson pourrit, étendu trop longtemps dans les étals. Il faisait chaud, mais ce n’était pas le moment d’abandonner. L’hystérique pouvait être partout dans la cité et Cyrille était pour elle une ennemie, du moins plus qu’enchaîné et livré au tribunal. Alors qu’elle s’engagea dans l’escalier, un pied se cogna au sien la faisant s’écrouler sur le sol. Ses yeux se fixèrent dans ceux d’une femme aux cheveux châtain et au sourire malsain. Elle l’a reconnu de suite et se pinça les lèvres en tentant de faire abstraction de son genou qui avait cogné le sol. Celle-ci s’exprima :

- Ma-de-moi-selle Dis-gan-ti court dans les rues de Larialle. Cela ne me surprend qu’à peine.

- Ce n’est pas le moment, Hayette ! Un Enel terrorise le marché.

- Je le sais bien, répondit-elle. Je ne suis point aveugle ! Mais restons franche, les navires s’en vont et l’Enel reste avec les petits bourgeois. Tu aurais dû faire de même avant que je ne vienne réclamer mon dû.

Cyrille tenta de se relever, mais Hayette frappa de nouveau dans son genou la mettant de nouveau à terre. Elle s’abaissa à son niveau, lui rappelant la somme :

- Dix mille pics, ma puce. Maintenant !

Son sourire mit en fureur Cyrille. Elle était habillée de haillons de prisonniers. Elle ne pouvait en aucun cas sortir l’argent qu’elle n’avait pas. Hayette reprit avec malice :

- Tu n’as toujours pas accepté que tu es différente ? Tu n’as pas changé depuis la dernière fois que je t’ai vue. Te promener avec un homme n’y changera rien, ma belle… Je te resterai supérieur par ma lucidité !

Cyrille avait vu plus de choses horribles en quelques années que sa racketteuse dans toute sa vie. Les enels, la vie d’esclave, les morsures de guillios. Même avec tout ça, elle n’avait plus rien à faire de ce qu’elle était actuellement, mais elle savait ce qu’elle devait absolument accomplir. Elle retenta de se lever.

- Tu en veux encore ? s’écria son agresseur

Ligna embrassa fugacement Hayette, ce qui valut à son attaquante quelques secondes d’inattention. Assez pour que la jeune missionnaire, lui frappe au visage. Sonnée, Hayette se teint le visage, le sang coulant de son nez.

- C’est qu’elle en a dans le ventre, la petite ! répliqua-t-elle avec difficulté.

La vendeuse trouva non loin une barre de fer qu’elle prit et elle frappa brutalement Hayette dans le dos, la faisant tomber sur le sol. Cyrille profita de l’avoir blesser pour commencer à gravir les marches en boitant, des larmes de douleur lui coulant sur ses joues.

Les escaliers lui parurent interminables. Elle suffoquait et suait à grosse goutte. Cyrille jura. Pourquoi avait-il fallu que Hayette se mêle de ses affaires au pire moment ? En prenant de la hauteur, elle vit que celle-ci avait raison. Les navires quittaient le port à toute vitesse à cause de la panique qu’avait instaurée l’enel. Sur les étroites marches, elle dut se collait contre la paroi pour laisser passer des gardes en armures dorés. La milice avait été déployée, mais que pouvait-il faire pour le moment ? En un quart d’heure, elle atteignit le plateau ouest. Les nobles commençaient à se barricader de peur. Cyrille faiblissait. Alors qu’elle sentait ses forces la quittaient et que l’arche du prince se faisait toujours aussi loin, une voix paniquée essayait en vain de faire sortir quelques bourgeois de leur maison. La vendeuse aurait pu la reconnaître entre mille même si elle ne l’avait jamais vu. Sa chevelure rousse et ondulée s’agitait en tous sens. Elle l’entendit crier :

- Ne vous défilez pas, maître Donnés. Le prince a besoin de vous et votre famille est l’une des plus solides du royaume. Vous ne craignez pas les charmes de l’hystérique.

- Non, répondit le noble. Je n’ai pas peur de l’hystérique, mais les Enels sont des êtres vils et sans âme !

Il lui ferma la porte au nez alors que celle-ci jura de colère. Ses cernes semblaient être le signe du peu de sommeil qu’elle avait passé ses derniers jours. Cyrille la rejoignit et s’écroula au sol. Nathanaëlle Louse la regarda de haut :

- Qui êtes-vous ?

La vendeuse prit un peu de temps pour retrouver ses esprits :

- Cy… Cyrille Disganti. Je viens du tribunal. L’Enel qui terrorise le port en est sortie. L’un des juges m’a confié la mission de prévenir le conseil !

Le général Ana la défigura du regard un instant :

- C’est vous qui avez fait venir l’hystérique ! Vous étiez avec Peio ?

Toujours à terre, la jeune femme acquiesça.

- J’étais chez les Hajouack quand j’ai été capturé…

- Chez les Hajouack ? s’écria Nathanaëlle en se prenant la tête. Lars ! L’hystérique nous a toutes les deux bernés. Tâchons de réparer nos erreurs.

La générale lui tendit la main avec sérieux et reprit :

- Mademoiselle Disganti, j’ai un plan, mais il va falloir le suivre à la lettre et agir rapidement. Compris ?

- Oui, fit-elle solidement.

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