La vieille Najoie

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Nathanaëlle vérifia que les menottes accrochées autour des poignets du prince soit efficacement serrées. Avec quelques conseillers, elle accompagna Lars à travers les couloirs. Celui-ci ne comprenait aucunement ce qui se passait et regarder autour de lui comme un animal apeuré. Jamais personne n’avait remis en cause les membres royales au point de les emprisonner. La générale analysait les moindres mouvements de son prince. L’hystérique s’accaparait de l’esprit et des souvenirs. Rien n’était plus simple que de se cacher en Lars qui n’avait connu que cela de sa vie. Après une série de couloirs interminable, ils atteignirent la cellule dorée. Ce n’était pas à proprement parler une prison. La famille du Lars l’utilisait pour se reclure et méditer. Sauf que cette fois-ci, ce ne serait pas lui qui aurait les clés, mais un garde équipé comme aucun des miliciens de la cité. La jeune femme l’analysa. Son armure d’acier semblait épaisse ainsi que son épée fine et aiguisée. Son casque lui recouvrait le visage et seuls ses yeux se voyaient à travers son armement.

Le jeune prince s'accrocha aux barres de fer de sa prison. Ana attendit que les conseillers retournent à l’assemblée pour se renseigner auprès du prisonnier. Celui-ci la supplia :

- Nathanaëlle, je n’ai rien fait… Laissez-moi sortir !

Des larmes coulaient le long de ses joues. La jeune femme n’aurait jamais pensé que l’enfermer le mettrait dans un tel état. Elle garda son air militaire pour s’exprimer à lui :

- Ne faites pas semblant !

- De quoi parlez-vous ? se défendit-il.

- Je parle à vous, à l’hystérique. Cessez de nous faire miroiter de vos belles paroles.

Lars se recula, totalement déboussolée :

- Mais… non… Je… Ezyld n’est pas là. Elle n’est pas là, croyez-moi !

Nathanaëlle prit son visage dans ses mains pour qu’il la regarde dans les yeux. Son regard larmoyant ne la mettait pas à l’aise.

- Ne me prenez pas pour une sans-cervelle ! J’ai bonne mémoire, ma très chère, la menaça-t-elle.

Le prince fit non de la tête. Ses yeux verts papillonnaient devant elle.

- Je vous jure que je ne suis pas sous ses ordres, générale. À quoi je lui servirais aussi minable que je suis dans cette prison ? Elle me voudrait sur le trône.

Nathanaëlle joua la comédie et cracha sur le sol de dégoût en détachant ses mains du visage du prince terrifié. Elle marcha pour quitter la prison. La voix suppliante de Lars s’entendit dans son dos :

- Je vous en supplie, Ana. Trouvez-moi un grelot. Je n’arrive pas à me calmer.

La jeune femme laissa le prince seul, livré à ses crises de panique. Elle ne savait pas si elle pouvait le croire. De toute façon, si le prince restait dans sa cellule, elle pouvait être sûre que l’hystérique n’avait d’autre moyen que de le libéré pour régner. Les membres influençables du conseil étaient en minorité et peu écoutés en ses temps sombres. Nathanaëlle avait les jambes qui faiblissaient à force de frapper ses talons sur le carrelage du palais.

"Deuxième objectif : Attirer et Isoler Peio."

Elle se rendit dans une petite pièce où Cyrille se reposait. Ses mains tenaient fermement une poche de glace pour guérir son genou endolori. La générale lui informa dans la situation :

- Le prince est enfermé ! Je vais patienter un peu avant de mettre en place la deuxième partie du plan.

Rapidement, elle ouvrit les placards un à un.

- Vous cherchez quelques choses ? demanda Cyrille d’une voix monotone.

- Un grelot. Lars en cache dans tous les placards, mais les femmes de ménage les jettent sous les ordres des conseillers. Il est livré à lui-même et je ne voudrais pas qu’il devienne fou sans la voix d’Ezyld.

Elle finit par trouver une petite clochette.

- Cela fera l’affaire ! souffla-t-elle.

La générale s’assit au côté de Cyrille.

- Un garde, reprit-elle.

- Juste un ? s’étonna la vendeuse.

- Oui, mais le meilleur de tous. Inébranlable, imbattable au combat et sur tous les terrains. Je ne sais pas combien de temps nous faudra-t-il pour le neutraliser.

Cyrille serra des dents. Effectivement, cette partie de leur plan se basait sur beaucoup de facteurs hasardeux et à deux femmes dont l’une blessé et l’autre à cran, il semblait que cela était perdu d’avance. Pour le moment, il n’y avait que le mur de l’échec devant eux.

- Il nous faut une tierce personne…, se hasarda Ana.

- Vous pensez à quelqu’un ?

Nathanaëlle réfléchit activement.

- Un conseiller, peut-être ou un garde puissant… Cela pourrait suffire…

- Il faudrait agir vite, supposa Cyrille.

La générale acquiesça difficilement en passant sa main sur son front pour essayer la sueur. Elle se leva et sourit de ses pleines dents.

- Nous devons jouer au même jeux qu'elle. Ce n'est pas d'un garde que nous avons besoin pour coincer Peio mais d'une intellectuelle. Je reviens ! dit-elle.

Cyrille croyait comprendre où la générale voulait en venir. Elle la laissa partir à toute vitesse vers les grandes bibliothèques de livre ancien. L’endroit semblait totalement vide d’Homme, pourtant elle savait qu’il restait la vielle Najoie dans un coin. Ana parcourut plusieurs fois les grandes étagères avant de s’arrêter dans l’une des allées. L'antique maîtresse des livres était assise en tailleur, parcourant les lignes d’un vieux parchemin décrépi.

- Maîtresse Najoie, l’interpella Nathanaëlle.

La vieille femme leva les yeux étonnés de la voir :

- Mademoiselle Louse ? Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas vue. Vous êtes toujours ravissante !

Ana lui sourit de sa bienveillance. Cette vieille femme avait toujours été invisible de tous. Elle sert la famille royale sans pour autant qu’elle ne la remarque. Lars avait passé la plupart de son temps dans les bibliothèques sans même lui parler une seule fois, même sans l’hystérique dans sa tête. La générale eut mal au cœur de l’utiliser.

- Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais Lars est enfermé dans la prison dorée. Il est totalement sous le choc et vous demande !

La vieille Najoie sourit d’attendrissement :

- Même à deux doigts de sa mort, le prince ne me demanderait pas. Venez-en au faîte, jeune femme !

Nathanaëlle s’abaissa timidement jusqu’aux oreilles de la vieille dame et lui chuchota le plan. Celle-ci aurait tout fait pour protéger le prince. Ses yeux pétillèrent de joie. Elle déplia ses jambes et d’un sourire partit pour voir Lars.

Quelques minutes plus tard, la vieille Najoie entra dans la cellule dorée. Peut-être pour la première fois de sa vie, Lars posa un regard sur elle. La dame lui sourit avec bienveillance et s’assit contre les barreaux. Le prince détourna ses yeux et regarda par la petite fenêtre. Najoie secoua la clochette qu’Ana avait trouvée dans un placard. Le jeune homme la scruta une nouvelle fois. Après une hésitation, il s’assit de l’autre côté des barres de fer et tendit sa main. La vieille femme lui donna. Lars regarda étrangement la clochette avant de l’approcher de son oreille avec soulagement.

- Nathanaëlle m’a demandé de vous l’apporter, lui expliqua-t-elle.

Lars n’y fit pas attention, mais resta assis auprès de la vieille femme. Celle-ci reprit avec amusement :

- Mon prince, je vous connais depuis que vous êtes petits. Vous êtes l’héritier, mais aussi celui qui n’arrive pas à faire semblant. Votre naïveté vous dépasse. Vos larmes sont vraies. Je suis persuadée qu’Ezyld ne vous soumet pas à ses charmes.

Le prince resta muet, ne voulant pas trahir les règles de sa famille. Pourtant, un sourire triste traversa son visage. Dans son rustre habillement, elle sortit un vieux livre et le tendit vers lui.

- J’ai pensé que vous vous ennuierez dans cette petite pièce. C’est un vieux bouquin qui parle de l’histoire de grands nobles de la cité engloutis. Malheureusement, l'oeuvre est inachevée.

Lars fixa l’autre bout de la pièce sans bouger. Najoie baissa la voix pour ne pas que le garde ne l’entende.

- Jeune homme, toute ma vie, j’ai servi Ezyld. Aucun conseiller sous les charmes de notre souveraine ne pourra vous rejoindre. Neanmoins, je connais un jeune homme talentueux. Un historien qui se balade en ville. Demandez quelqu’un de compétent dans ce domaine pour vous parlez de cet ouvrage. Ezyld n’aura pas trop de mal à le faire venir et de plus, un étranger attira moins l’attention de l’assemblée qu’un Homme de pouvoir. Tout le monde sait que c'est le savoir qui vous sauve de la folie...

Lars la regarda surpris. Celle-ci lui fit un clin d’œil attentionné.

- Je reste ici pour veillez sur vous ! finit-elle.

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