Bloquée

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Ozanne aurait voulu disparaître sous le carrelage de la villa de la Kiolasse.

- Je n’ai pas à rendre des comptes dans cette affaire, souffla Ozanne.

Elle regarda Baltazar qui continua à se faire absent. Pourrait-il être courageux, pour une fois ? La situation était embarrassante et c’est lui qui l’avait amené dans cette dimension. Léontine n’abandonna pas, et reprit avec force :

- Je ne cherche que des réponses ! Pourquoi m’a-t-il tourné le dos sans raison ? Qu’est qu’il l’a amené à se jeter d’une falaise ?

Ozanne tenta de se relever malgré sa jambe qui lui causait de fortes souffrances. Elle croisa les yeux émeraude de Léontine, larmoyant, mais gardant une certaine solidité. Peio lui en avait beaucoup parlé pendant les six mois de souffrance passé sur le navire d’Holi-Hop. Pourtant, la voir enceinte la mettait mal à l’aise. Le jeune homme l’avait accusé de nombreux torts, de tous les sacrifices qu’il avait laissés derrière lui pour elle, mais Ozanne n’aurait jamais imaginé qu’elle attendrait son enfant et qu’elle le croirait mort. L’aventurière aurait voulu que Baltazar parle, mais rien ne pouvait défaire sa langue. Elle en avait fait l’expérience, quand elle l’avait rencontré avec Peio. Une fois debout, Ozanne la regarda dans les yeux :

- Il y a un complot… de sombres organisations qui causent des dégâts immenses. Effleurer les problèmes suffit pour s’y brûler. J’ai énormément sacrifié, des êtres qui m’ont été chers, des idéologies qui ne sont que mirages. Peio et moi avons plongé ensemble, par hasard sans qu’aucun de nous puisse vraiment comprendre ce qui nous arriver. Je vous prie de me pardonner…

Les larmes sur les joues de Léontine coulèrent silencieusement. Ozanne grimaça de douleur et reprit :

- Je vous conseille de ne plus chercher. Plus vous en saurez, plus vous serez en danger et votre enfant avec. Peio vous aime et aurez voulu que vous gardiez prudence !

Alida avait toujours dans ses bras Léontine. Ses sourcils s’arquèrent légèrement ne savant si Ozanne avait fait une erreur en prononçant « Peio vous aime » comme à l’instant présent. Ne voulant pas retourner le couteau dans le vide qui habitait Léontine, elle se tut. Néanmoins, la veuve ne voulait pas abandonner. Elle cherchait cette femme depuis des mois et sa souffrance ne faisait qu'emerger face à cette Ozanne :

-Qu'est qui l'aurait pousser à braver ses peurs. Vous êtes peut-être maline mais je connaissais Peio depuis des années. Je croyais le connaitre parfaitement avant que vous n'apparaissiez dans sa vie. Qu'est ce que mon père à a voir avec toute cette tragédie ?

Ozanne se mordit les lèvres en regardant Baltazar. Elle avait vu Liosan Ferl se faire déchiqueté par la machoire du prédateur. Le démon lui avait expliqué rapidement dans la dimension des cendres que ce n'était pas lui. La jeune femme souffla d'éxaspération et se décida à en dévoiler un peu sans pour autant évoquer démon et dimension :

- Mademoiselle Léontine, je ne vous cacherais pas que c'est en partie de ma faute... Une infime partie car je ne suis pas la seule fautive dans cette histoire. J'ai voulu croire en la justice. J'ai été séparé de ma famille, enfant et Peio s'est engagé à m'aider à la retrouver. Ma mère est une révolutionnaire et m'a mené dans un sombre conflit que votre père, Liosan Ferl, ne cautionnait pas vraiment.

- Et qu'a mon fils a voir dans cette histoire, s'interposa la mère d'Aloïs.

Celui-ci se trouvait recroquevillé dans un coin de la pièce en pointant du doigts la jeune fille et en répétant son prénom.

- Je ne le connais pas, répondit, maussade, Ozanne.

- Vous ne le connaissez pas ? répéta interloquée la vieille femme. Pourtant, il ne parlait que de vous sortit de prison. Que vous etiez l'invisible, que vous craignez les démons. Quoique si vous êtes une ennemi de Liosan, cela ne m'étone guère. Par contre, il vous a vendu. Nous avons des méthodes qui permet de redonner vite la mémoire.

La jeune femme se trouva un peu déboussolée face à la menace de la propriétaire de la villa. Ozanne réflechit à toute vitesse :

- Il s'agit d'Aloïs Horla ?

- Tout à fait, jeune fille..., répondit-elle méfiante.

- Je...je ne le connais pas, répéta la jeune femme. Je crains que Peio n'en est dévoilé trop sur nos affaires et que cela lui a porté beaucoup de préjudices.

La vieille femme montra une expression maussade :

- Je m'attendais, malheuresement, à cette réponse. L'historien parle. Mon fils se mefie et entre dans la meule de Liosan Ferl. J'espère que votre version est la bonne, jeune fille. J'ai passé beaucoup de temps avec mon fils et c'est ce que j'avais compris de ces sombres songes.

Aslan qui tenait toujours en joug l’un des apprentis se prononça :

- Madame Horla pouvez-vous garder ces hommes dans un coin de votre villa ? Il faudrait emmener Mademoiselle Ozanne à Biloaï pour qu’on la soigne. Je pense que nous avons tous besoin de réponse et de beaucoup de repos.

- Pas besoin, se justifia Ozanne. Baltazar va me ramener chez moi.

- Non, coupa Léontine entre deux sanglots. Je n'en est pas fini avec vous !

Baltazar approuva les dires de Léontine d’un air gêné. Ozanne la fusilla du regard. La mère Horla intervint :

- Mademoiselle Ozanne, vous comptez me rembourser ou je marque une note au nom de Liosan Ferl en mettant la cause des dégâts sur le dos sur ce sale de rat de Baltazar ?

- Je prends, répondit le démon. À mon nom, Baltazar Hachemi.

Ozanne fut assez surprise. La vieille femme reprit :

- Bien ! Vous allez payer cher… Et jeune femme, mon fils Aloïs, vous a défendu de toute sa rationalité. J’espère, au moins, que retrouver votre nom le mènera vers le chemin de la raison…

L’aventurière hocha la tête, épuisée par cette nuit. Les valets des Horla se mirent à attacher les deux apprentis encore vivants. Aslan porta doucement Ozanne et la posa sur un cheval de la famille d’Aloïs. Alida et Léontine montèrent sur une autre monture. Le cousin de Peio calma sa jument et réussit à la guider avec soin. Baltazar en emprunta un aussi et le colla auprès de celui d’Ozanne ralentissant pour s’entretenir avec elle. Les proches de Peio les regardèrent d’un mauvais œil. Il ne fit pas attention et commença :

- Liosan… Il nous a joué un sale tour. J’aurais dû m’y attendre, mais le corps n’était pas le sien ! Il nous a envoyé seul pour gérer cette affaire. Le banquier doit avoir fait un pacte avec Gadratique et a envoyé quelqu’un sous son apparence. À la mort de cet homme de substitution, celui-ci a repris sa vraie forme.

- Ceci explique pourquoi vous m’avez attendu. Vous aviez besoin de quelqu’un pour vous guider, répondit, énervée, Ozanne. Pourquoi ne changeons-nous pas de dimension ?

- Mes pouvoirs ne sont pas illimités. C’est déjà de l’ordre du miracle que j’ai trouvé la dimension des cendres. Je n’ai pas réussi à rejoindre celle que je voulais et désormais je suis bloqué avec vous dans la dimension de Peio.

Ozanne regarda une dernière fois la villa de la Kiolasse des hauteurs, comme Peio l’avait vu, dix mois avant. De belles colonnes de marbre, des étendards fiers, des lignes d’arbustes sans feuille. Son cœur se pinça :

-Vous êtes si faible ! Vous me téléporter dans une mauvaise dimension, ne rattraper même pas vos erreurs et me laisser seul face à l'épouse de Peio...

Elle s'arreta un moment et reprit avec conviction :

-Si je vous ai sauver la vie face à Hermine, c'est que je voulais revoir Peio pour qu'il s'explique devant moi !

- La générale Ana doit le rapporter à Liosan, murmura Baltazar.

- C’est ce qu’a dit le capitaine qui m'a transporté jusqu'ici.

Baltazar prit un air embarrassé.

- Je dois activer le portail pour Nathanaëlle. Si elle a réussi à gérer la crise de Larialle, elle saura attendre dans sa maison à Biloaï avant de voir la vrai Liosan.

- Peio va avoir un enfant, le reprit Ozanne. Vous n’allez pas le donner à son beau-père !

- Je n’ai pas le choix, Ozanne. Nathanaëlle n’est pas du genre à laisser tomber les missions que lui confie Liosan Ferl. C’était une erreur de vous lier, de même que vous envoyer dans les océans.

- Lâche !

Ozanne frappa de sa jambe valide et rattrapa maladroitement le groupe, laissant le démon seul. Baltazar délaissa ses pensées au paysage. « Hachemi », il ne se souvenait pas qu’il portait un nom de famille, comme un véritable homme qui aurait travaillé durement dans les mines de l’Ombre. Son esprit réfléchit à l’ombre frêle d’Hermine arpentant difficilement le sol de braise. Face à la mort, le factice Liosan avait repris sa forme originelle, tout comme cette démone qu’il avait côtoyée des siècles. Baltazar était sûre de lui. Les démons avaient été humains, il y a très longtemps...

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