Épilogue (Part. 2)
– D’où viennent ces marques sur vos bras ?
Hermine examina sa peau brûlée. Elle ressentait la chaleur des flammes, la lueur éblouissante des braises sauvages, la terrible douleur qu’elle avait ressentie, seule, au milieu de l’incendie.
– Quand j’étais petite, j’ai failli périr brûlé dans ma propre maison, commença-t-elle. Ma mère fut cuisinière. Elle venait de préparer un plat pour le baron Selin. Elle avait posé la bougie, pendant quelques minutes, au-dessus des huiles de cuisson. Une étincelle tomba et embrasa la cuisine.
La jeune femme voyait ses draps. Elle dormait aux étages, pendant l’accident. Son esprit ressentait la terreur qui l’avait emparé à son réveil. Les larmes s’évaporaient avant d’atterrir sur le plancher de bois. La petite fille s’était retrouvée coincée, sans défense, sans pouvoir s’enfuir, destinée à finir sa vie brûlée dans les flammes.
– Qui vous a sauvé ? reprit la voix.
Hermine se souvint difficilement des événements. Les fumées toxiques avaient empli ses narines, lui donnant des vertiges. Elle était tombée de son lit. La petite fille avait senti une pression sur le col de sa chemise de nuit. Quelqu’un l'avait férocement tiré à travers les flammes. Elle s’était protégée des braises avec ses bras. La douleur fut telle qu’elle tomba inconsciente. À son réveil, elle se souvint d’avoir vu des poils brûlés. Elle émit un rire nerveux.
– Mon chien... Mon père était un soldat du baron Selin. C’était aussi lui qui dresser les chiens de garde, de chasses et de guerres de notre souverain. Nous avions une chienne. Elle s’appelait Tessa. De tout les chiens que mon père avait entraîné, c’était la meilleure, celle dont nous n'avons pu nous séparé. Elle savait réagir face à la situation. Un bon chien ne craint aucunement la mort s’il s’agit de sauver son maître. Ce fut le cas de Tessa. Son pelage crème avait viré au noir carbonisé quand elle a lâché son dernier souffle.
– C’est le cas de beaucoup de chien de combat, ajouta son interlocuteur. Ce sont des êtres bien plus nobles que nous autres les Hommes. À quel point, cet événement vous a-t-il traumatisé ?
Hermine revoyait la pierre tombale de sa mère et de la chienne. Celles de son père s’étaient rejointes peu de temps après.
– Ma mère est morte dans l’incendie. Sans sa chienne, mon père a succombé lors d’une attaque surprise de nos adversaires. Peu de temps après, le baron Selin est tombé et son bourg fut brûlé. J’ai eu si peur des feux que j’ai couru dans les forêts. J’ai erré pendant quelques jours, jusqu’à ce que des bourgeois me recueillent. Au départ, il voulait me vendre, mais ils ont commencé à s’attacher à moi. Il aimait tant mes cheveux blond-blanc qu’ils m’ont renommé Hermine, comme la fourrure qu’ils portaient sur leur luxueux manteau. Ils n’étaient, certes, pas très cultivés, mais ils m’ont payé de bonnes études.
– Et vous craignez toujours le feu ?
Hermine prit un peu de temps avant de trouver une réponse que lui convienne.
– Je suis mal à l’aise avec les flammes de torches, de bougies, de lampes à huile et de cheminée. Les feux de forêt m’empêchent de dormir même s’il se trouve à des kilomètres. Je suis à l’image des êtres que j’étudie. Les animaux craignent les flammes. Mais je serais capable de braver mes peurs pour, comme Tessa, me jeter dans le feu, s’il le faut !
– Vous n’en aurez pas besoin, mademoiselle Hermine. Nous cherchons des personnes qui travailleraient dans l’obscurité la plus totale. Pas une seule lumière ne doit pénétrer dans l’Ombre.
Hermine ouvrit les yeux. Ses cheveux blancs s’étalaient sur le sol de cendres. Des vautours tournaient autour d’elle. Elle tenta de les écarter, mais leurs instincts restaient inaccessibles. Le peu d’animaux qu’elle avait croisé dans cette dimension se montrait extrêmement agressif envers elle. La démone sentait que ce monde voulait l’éradiquer des paysages. Ces vautours auraient peut-être raison d’elle, la dévorant vivante. Les charognards commençaient à picorer sa peau nue. Des grognements retentir non loin. Elle se tourna et vit un chien noir de jais. Celui-ci se jeta sur les oiseaux les faisant fuir. Hermine se demanda s’il allait en finir avec elle. À la place, il s’assit la regardant avec calme. L’entité se releva et posa une main sur son museau. Il ne semblait ni content ni agressif. Le chien se leva et avança dans le paysage aride, puis il s’arrêta en la regardant. Hermine se leva et alla le rejoindre. Il s’éloigna davantage, s’arrêtant à quelques mètres d’elle. La démone comprit qu’il voulait l’emmener quelque part. Peut-être lui sauverait-il la vie...
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