Trahison

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Agatha se battit de toutes ses forces, réussissant à enfermer une nouvelle fois le prédateur et à retenir d’un bouclier de branche Hermine qui passait à l’attaque. Recroquevillée dans un cocon de tiges, l'entité était intouchable. Le dévoreur de démon ne comptait tout de même entacher sa réputation et changea d’adversaire en s’attaquant à Baltazar. D’un saut élégant, elle fit volte-face et posa ses deux pattes avant de chaque côté de Baltazar rapprochant sa gueule béante.

L'entité ne bougea pas. Ses mains avaient rejoint le sol de neige et de sang. Ozanne se demanda s’il trouverait la force de se téléporter à temps. Hermine le regardait d’un air cruel, de la bave sortit entre ses dents, comme si elle salivait d’avance de pouvoir en finir avec lui. Ozanne voulut les rejoindre. Elle s’empara de l’épée des sacrifices et parcourut l’ancien jardin. Le prédateur ne pouvant plus bouger, les Hommes retrouvaient un peu de répit pour récupérer les blessés. Agatha ne réagissait plus. La jeune aventurière cria à travers le vent brutal :

- Attendez, Hermine ! Je dois lui parler !

La démone resta au-dessus, mâchoire découverte à deux doigts de le trancher de ses crocs jaunis :

- Il est temps d’en finir avec ce couard !

Ozanne eut un pincement au cœur. Elle accéléra sa course, son cœur battant brutalement, des craintes bousculant son esprit.

- Attendez, hurla-t-elle de nouveau.

Elle glissa sur le sol, roula sur elle-même et arriva de justesse au côté de Baltazar plaçant l’épée du sacrifice vers le ciel, vers la gueule d’Hermine.

- Que fais-tu, Ozanne ? s’exclama la démone brutalement. Ne me dis pas que cette chose t'importune ?

- Pas Baltazar ! Vous comptez le tuer ? C’est possible ? demanda Ozanne, timidement. Je ne tiens pas à ce démon, mais je tiens à Peio. C’est un ami d’une autre dimension. J’aimerais pouvoir le revoir au moins à travers le fil de la vie de Baltazar. Existera-t-il après sa mort ?

Peio l’avait dénoncé, certes, mais elle songeait au pouvoir d’Ezyld, aux dires de Lars et jamais son ami n’avait agi avec agressivité contre elle. Ils avaient passé six mois sur le navire d’Holi-Hop, soudés, sans que rien ne les sépare. Elle lui en voulait, mais songeait à cette possibilité. De toute manière, elle voulait des explications de sa part et Baltazar était son unique moyen de le retrouver. Hermine l’observa étrangement. Elle ferma sa mâchoire et se redressa habilement.

- Ozanne, j’ai vécu durant des siècles. J’ai vu nombreuses injustices, nombreuses persécutions. Chaque fois, j’ai pris soin d’observer que chaque animal gardait de sa noblesse. Je voulais rétablir la paix, mais les Hommes sont constamment en désaccords, rabaissant leurs natures à celle de viles créatures indignes de tous les paysages, de toutes les dimensions. Abattons cette foudre qui viendrais à tous les détruire pour rétablir l’équilibre ! J’ai insufflé l’ordre de mort imminente pour chaque prédateur, dans toutes les dimensions, celle de ton ami y comprise.

Ozanne ne comprit pas de suite. Baltazar glissa quelques mots sombres :

- La sélection naturelle, Ozanne…

La jeune femme lâcha l’épée, des larmes parcourant ses joues. Tout ce combat pour détruire l’humanité. Toutes ces personnes mortes pour perpétrer ce massacre. Derrière elle, un élégant Hui apparut, s’attaquant férocement à un milicien de son museau effilé, tachant son pelage blanc immaculé de sang.

- Meurs dignement, jeune fille. Prends l’épée sacrée et enfonce là dans ta poitrine !

Son regard croisa les yeux sombres de Baltazar. Seul du désespoir voilait ses iris. Ozanne se mit à trembler en reprenant l’épée. Ne savant plus ce qu’elle devait faire, elle tourna la lame et la posa contre sa poitrine. Sur le miroir brillant de la lame, ses larmes atterrirent, brouillant son reflet. Sig était mort de sa faute, tout cela pour que le génocide commence. Peio ne tarderait pas, sa famille avec. Elle ferma les yeux. Elle entendit les hurlements des miliciens un peu plus loin. La voix rauque de son frère traversa les cris de combats. Ozanne ne put les entendre correctement. Soudain, un contact lui chatouilla le poignet. Elle pensa à la brise fraîche, celle qui emplissait ses poumons depuis tant d’années, son souffle de liberté. Ozanne appuya fortement sur sa poitrine, la lame s’enfonça dans son cabas, déchirant une partie de sa peau puis fut retenu solidement. Elle ouvrit les yeux et une racine lui liait les deux mains autour du pommeau. Edgar arriva à côté d’elle, découpant les branches qui commençaient à la piéger et ils roulèrent ensemble dans la neige esquivant de justesse un coup de patte hasardeux d’Hermine. Des branches avaient coincé l’arrière-train du Dévoreur de Démon. L'entité tentait de s'échapper. Elle frappait sauvagement autour d’elle.

Profitant de cette opportunité, Baltazar se leva et se mit à courir vers le corps inanimé de Liosan Ferl. Ozanne jura en voyant la lâcheté de ce démon. Le maître Onur sortit des gravats en criant férocement :

- Attrapez cette traîtresse !

Des apprentis esquivèrent les coups violents des prédateurs qui affluaient en nombre. Edgar s’empara de l’épée des sacrifices et chuchota à l’oreille de sa sœur :

- Ozanne, tu as hérité de la cervelle de notre mère pour t’attirer des ennuis qu’importe la situation. J’ai promis de vous protéger auprès de père. Je la tiendrais. Si ce démon te permet de t’enfuir, rejoins-le ! Je te couvrirais comme je le peux…

Ozanne se mordit les lèvres. Son frère n’était pas au courant des dégâts, de la catastrophe qu’elle avait provoquée. Elle voulut ripostait, mais le sol trembla sous elle. Agatha venait de reprendre ses forces et plaquait férocement Hermine au sol. Pourtant la lame des sacrifices aurait dû l’affaiblir au point que le dévoreur de démon en aurait pris le dessus. Elle avait peut-être encore une chance. Les yeux bleus d’Ozanne s’écarquillèrent, soudainement. Hermine avait disparu du paysage. Les immenses lianes fourmillaient sur le sol, là où elle se trouvait auparavant.

- Que…, bredouilla Ozanne.

- Cours ! la coupa son frère.

Les apprentis arrivèrent, arc et couteau en main. La jeune fille se leva et courut le plus vite possible. Elle vit Baltazar se figeai en regardant vers elle. L’aventurière cria de l’attendre. Celui-ci se montra embarrassé en voyant ses poursuivants. Une flèche atterrit à quelques mètres d’elle. Heureusement, les apprentis n’étaient pas des guerriers aguerris. Elle serpenta pour esquiver les projectiles et les racines qui tentaient de lui attraper les mollets. La jeune fille dérapa plusieurs fois sur le sol. Elle fixait le corps étalé du banquier. Baltazar tournait autour d’impatience. Ozanne osa jeter un regard derrière son épaule. Elle vit qu’Edgar s’était éloigné et tiré sur les apprentis, la lame des sacrifices à l’abri dans son fourreau. L’aventurière serra les dents en voyant qu’un Hui, les talonnés non loin. Ne regardant plus le sol, elle se prit le pied dans un caillou, et se réceptionna brutalement.

Ses oreilles se mirent à siffler. L’air glacial et enragé du Dédale s’était volatilisé. Le sol lui brûlait sous son corps. Ozanne se retourna et observa le ciel empli de nuage sombre, effrayant.

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