Chapitre 1 Une fuite nocturne

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Le soleil se couche sur un horizon de flammes. La forêt se détache en ombre contre le ciel qui s’assombrit peu à peu, tandis que la lune, d’une teinte bleutée, entame sa course, et que les premières étoiles apparaissent.

En haut des murailles crénelées, le veilleur lutte pour rester éveillé. Il n’a pas dormi depuis deux jours, et le poids de son armure semble s’alourdir à mesure que la nuit tombe sur la forteresse. Il bâille : la nuit sera longue.

Un léger glissement le fait sursauter. Il se retourne brusquement. — Ne t’inquiète pas, ce n’est que moi.

L’homme s’incline respectueusement devant la jeune femme qui se tient devant lui.

  • Va te coucher, soldat. Je te remplace.
  • Mais, dame Elerrina, que dira—

Ne t’inquiète de rien. Va.

Il obéit, soulagé, et disparaît en direction de la salle de garde. Enfin, dormir.

Restée seule, la jeune femme soupire et passe une main lasse sur son visage. Elle est plus grande que la moyenne, et dégage une certaine noblesse. Elle dissimule une solide armure sous une tunique et une ample cape. Son visage est ferme, barré d’un pli amer sur le front. Mais c’est surtout son regard qui retient l’attention : elle a des yeux d’améthyste, qui changent parfois du bleu au gris.

Appuyée contre le mur, elle semble s’assoupir, enveloppée dans sa houpelande. Mais elle se redresse soudainement. S’appuyant contre le parapet, elle fixe le sol. Le cri de l’engoulevent qui l’a fait réagir résonne à nouveau. Elle y répond, puis détache de son poignet un bracelet de corde dont elle se sert pour se laisser glisser jusqu’au sol.

  • Te voilà enfin. Je désespérais de te voir un jour.
  • Tu crois donc que c’est simple de venir te chercher, sachant qu’au moindre faux pas, père nous fait enfermer tous les deux ?
  • C’est ma seule chance…
  • S’il t’arrivait quelque chose… J
  • Je peux mourir demain en tombant du lit.
  • Pff… Soit. Ne traînons pas, ou tu vas perdre ta liberté aussitôt gagnée.
  • Bien dit, mon frère.

Les deux jeunes gens disparaissent dans l’obscurité.

---

L’aube se lève, dissipant le brouillard nocturne. La vallée du Méliryan s'étend au pied de la Grande Forêt, traversée par le Fleuve de l'Haguession, scintillant sous les premiers rayons du soleil.

Les royaumes d'Aebraryon et de Shaexulian sont en conflit. Le second, dirigé par un tyran, cherche à obtenir les terres du premier : les champs proches du fleuve sont très fertiles.

Ce furent d'abord quelques escouades qui terrorisèrent les populations frontalières, puis de vraies équipes armées qui s'emparèrent des postes de surveillance.

Le souverain d'Aebraryon a envoyé le général Amlach et son armée pour bouter l'ennemi hors du pays.

Voici plusieurs jours que les soldats des deux camps s'affrontent. Aebraryon est parvenu à repousser Shaexulian contre la frontière. Affamée, fatiguée, leur armée est à bout de souffle.

Le général a décidé de donner le tout pour le tout et de lancer une bataille frontale pour finir le conflit au plus vite en minimisant les dégâts.

Le vent s'élève, déchirant les dernières brumes nocturnes. Les armures luisent, les lances et les casques étincellent. Les étendards claquent dans le vent.

Amlach abaisse calmement la visière de son casque.

  • Pour Aebraryon !
  • ET POUR LE ROI !

Les cavaliers s'élancent en avant à la rencontre des Shaexuliens. Ils ont l'avantage de connaître le terrain et d'être légèrement en descente.

La mêlée éclate.

Les escouades arrière ont contourné la vallée pour prendre Shaexulian à revers. Marko a laissé Elerrina pour rejoindre les cavaliers de l'avant, tandis qu'elle se joignait à l'une des équipes.

La guerrière égorge un soldat d’un mouvement rapide, plonge son épée dans le ventre du second. La tête du troisième s'envole quelques pas plus loin. Le sang éclabousse son visage de gouttelettes écarlates.

Elle virevolte, ses pas volants sur le sol.

L'arrière de l'armée shaexulienne n'est pas bien organisée. Son escouade s'est divisée pour attaquer plusieurs petits groupes simultanément.

Elerrina reprend son souffle après un duel particulièrement éprouvant. Autour d'elle, le sol est imbibé de sang. Un fantassin est épinglé à un arbre avec une épée entre les côtes. Elle grimace en sautillant pour défaire une crampe.

Elle bouge ses doigts en fronçant les sourcils. Ses défenses magiques s'éteignent dans un crépitement doré.

  • Fuck, jure-t-elle.

Elle est seule, sens en alerte. Pas de seconde chance sans magie de défense. Une flèche passe à un pouce de son visage.
Elle tressaille, attrape son poignard dans la poitrine d'un cadavre et le lance dans la direction de l’agression, guidée par son seul instinct.

Un gémissement de douleur précède l’apparition de son assaillant : un tout jeune homme, mince, blond, effrayé. Il a lâché son arc pour une épée et tremble, le bras gauche ensanglanté.

Elerrina lui jette un bouclier avec un clin d’œil.

  • Fais attention, petit. Tous ne sont pas aussi indulgents que moi.

Elle agite la main et son poignard vient s’y placer, sous les yeux médusés du garçon, qui n’attend pas qu’elle s’en serve pour s’enfuir sans demander son reste.

De loin, la guerrière entend des sons sourds de combat. Lame bien en main, elle court prêter main-forte à l’un de ses compagnons, seul, entouré de six hommes.

Trop occupés pour la remarquer, elle peut les jauger rapidement. Bandant son arc, elle transperce le plus grand de part en part. Il s'effondre sans un bruit.

L'équilibre du groupe est déstabilisé. Elle profite de l’effet de surprise et se jette sur deux soldats, leur coupant la gorge avant qu'ils n'aient le temps de se défendre. Ils tombent à genoux dans des gargouillements ignobles.

Le jeune soldat se bat contre un nain musclé armé d'une immense épée qu'il manie à deux mains avec violence et dextérité.

Ses camarades s'enfuient. Elerrina bande son arc et vise calmement. Sa flèche empennée de blanc fuse avec un sifflement. Le premier fuyard tombe sur le second, qui parvient à se relever et disparaître.

Elerrina se retourne au moment précis où son camarade enfonce son épée dans l'estomac de son adversaire. Il essuie sa lame dégoulinante sur sa tunique brune déjà maculée de taches sombres.

  • Merci.

Elerrina prend note de son souffle égal, de son regard calme, de ses oreilles légèrement pointues et de l'odeur acidulée de pin sauvage qui se dégage de lui.

  • À charge de revanche, Galaeron.

La guerrière met un genou à terre pour ramasser ses flèches. Elle vérifie les pointes avant de glisser celles encore en bon état dans son carquois.

Son poignard est introuvable. L’elfe le lui tend lorsqu’elle se redresse. Elle le remercie d'un regard bref, appuyé d'un hochement de tête. Elle essuie la lame rougie sur sa cuisse, puis la glisse dans sa gaine.

Un grondement l'alerte. Elle se retourne brusquement.

  • Attention !

Le cri d’alerte lancé par Galaeron vient trop tard. Elerrina tente de se jeter au sol pour éviter l'immense lance de magie sombre qui se dirige droit sur elle.

Trop tard. Une douleur fulgurante lui transperce l’épaule, irradiant dans tout son corps. Des points lumineux dansent devant ses yeux qui se voilent.

Elle sombre dans l’inconscience.

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