Chapitre 4 L'offre de Reine
Le lendemain, Elerrina reçoit une convocation en bonne et due forme : la Souveraine des Elfes du Nord, Hyliréâ, exige sa présence.
Nullement nerveuse, la jeune femme se contente de peigner ses cheveux, puis d’enfiler une tunique mi-longue, blanche, et de simples sandales de cuir. Il lui semble, à présent, que plus rien ne peut l’ébranler. Elle est apaisée, enfin sûre d’elle. L’incertitude de son avenir, difficile, dangereux même, ne l’effraie pas. Elle se fait confiance — comme elle l’avait promis à sa mère.
Hyliréâ, Reine respectée du Royaume Elfique du Nord, l’attend dans son bureau du Palais royal. Si la demeure de Lord Celeborn est déjà majestueuse, elle n’est rien comparée au Palais : niché en pleine forêt, façonné de cristal et de pur diamant, il laisse sans voix tout visiteur. C’est là son principal atout.
La Reine n’y vit pas. Comme bien des Elfes, elle habite un arbre. Les siens possèdent le don de "chanter" les plantes — par leurs chants, les végétaux se modèlent, prenant la forme désirée par le chanteur. Celeborn est l’un des rares du Royaume à vivre dans une demeure de pierre, car il y accueille ceux qui désirent apprendre magie et maniement des armes. Il forme les meilleurs soldats, assisté d’autres Maîtres.
Arrivée devant l’immense porte de chêne, Elerrina s’arrête. Autrefois, son rang de princesse d’Aebraryon lui permettait d’être introduite sans se présenter. Mais elle tient à marquer son indépendance.
Elle s’adresse donc au garde :
- Elerrina, fille de Miriel, demande audience auprès de Sa Majesté, sur sa convocation.
L’elfe incline la tête et ouvre la porte.
- Entre, Elerrina.
La Reine est debout, de dos, derrière son bureau. Elle contemple le paysage majestueux qui s’étend au-delà de l’immense baie vitrée.
- Sais-tu pourquoi je t’ai fait venir, Elerrina ?
- Oui, Majesté.
Hyliréâ se tourne vers elle. Son visage est impassible, mais son regard s’attarde. A-t-elle changé ? Il semble bien...
- Elerrina, fille de Miriel, je te félicite pour ton courage durant le combat qui a opposé Aebraryon et notre Royaume au tyran Elros de Shaexulian. Ton intervention fut précieuse, et je sais ce que tu as sacrifié par ce choix. Tu as ma déférence.
- Merci, Majesté.
- Je constate aussi que tu sembles remise. Mais je dois te prévenir : la blessure était profonde. Tu as été très malade, nous avons craint pour ta vie. Il y aura des réminiscences. Le magicien qui t’a frappée est puissant, dangereux. Sois prudente : vous pourriez vous recroiser.
Elerrina incline la tête. Si la Reine elle-même tient à l’avertir, la menace est sérieuse.
- Pour finir, jeune princesse, je dois te parler d’autre chose.
Un silence.
- Comme tu le sais, Miriel était des nôtres. Ta naissance n’y change rien. Et puisque tu n’as plus de royaume, accepte le nôtre. Il ne tient qu’à toi d’en faire partie. Je sais que tu dissimules tes traits elfiques pour ressembler aux Hommes. Ce n’est plus nécessaire.
- Je...
- Ne prends pas cela pour un reproche. Je te propose une place parmi nous.
Elerrina mesure la portée immense des paroles qu’elle s’apprête à prononcer. Elle prend le temps.
- Majesté, je tiens d’abord à vous remercier de l’intérêt que vous me portez. Soyez assurée de ma plus profonde reconnaissance pour avoir veillé personnellement à ma guérison.
Hyliréâ sourit doucement.
- Mais, malgré tout mon respect, je me vois contrainte — momentanément, je l’espère — de refuser votre offre si généreuse.
Le silence qui suit lui glace brièvement le sang. A-t-elle offensé la Reine ? Elle ne tient pas à se mettre en conflit avec deux monarques — surtout lorsque le second est bien plus puissant que le premier.
Mais les dés sont jetés.
Un sourire amusé éclaire le visage de la Reine.
- Je m’en doutais. Je devais te le proposer, mais je comprends.
Émue par sa compréhension, Elerrina s’apprête à la remercier encore. Mais la Dame l’interrompt d’un geste calme.
- Ne me remercie pas. Tu es plus que digne de ton épée. Va où bon te semble. Accomplis ton destin, sang-mêlée. Ne rejette jamais tes racines. Elles font partie de toi. C’est tout ce que je peux te conseiller. Va. Et vis.
Des larmes brillent dans les yeux d’Elerrina. Elle pose un genou à terre en signe de respect.
Dans un geste empreint de douceur, presque maternel, la Reine pose la main sur sa tête inclinée. Un sourire lumineux traverse son visage, effaçant un instant la majesté qui la rendait si lointaine.
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