Chapitre 7 L'appel de la nuit
Assise en tailleur à l'écart, sous la voûte étoilée, le dos appuyé contre un rocher encore tiède de soleil, Elerrina réfléchit. Les questions l'envahissent : qui est vraiment Bree ? Quelle est cette présence dans son esprit ? Quelle est la cause de sa métamorphose ? Peut-elle l'aider ?
Mais les réponses, elles, tardent.
Cette présence étrangère, en y repensant à froid, ne lui a pas semblée malveillante. Curieuse, peut-être, mais pas hostile. Ce n'était pas la même que celle qu'elle avait parfois sentie sur sa propre route. Pourtant, elle était puissante. Indéniablement.
Un magicien ? Ce serait là une explication plausible. Cela expliquerait les manifestations magiques de Bree, que la jeune fille semble craindre autant que subir.
Elerrina ravive d'un claquement de doigts le feu qui s'éteint. Elle se perd dans la contemplation des flammes, mouvantes et fuyantes. La journée, elle a évité le village. Elle ne veut pas s'imposer. Mais elle sait : la curiosité ou le besoin ramènera Bree vers elle.
Elle a profité de ce temps pour récolter des plantes, confectionner des galettes pour la route. Elle a aussi pris soin de s'entraîner à l'épée, en pleine lande, visible, volontairement. Sous les regards curieux et craintifs de quelques enfants du village.
Elle voulait leur montrer sa puissance, oui. Mais aussi leur dire :
"Je pourrais vous faire du mal. Mais je ne le fais pas. Mes intentions sont pacifiques."
Arion, de son côté, court librement. Il s'ébroue, galope à perdre haleine. Elerrina sourit, heureuse pour lui. Elle change de position pour s'étendre, tête calée sur son bras. Le sommeil la fuit.
Les yeux plissés, elle scrute les constellations. Elle s'amuse à en dessiner de nouvelles. Une en particulier attire son regard. Claire, irradiante, évidente.
Le Dragon.
Elle murmure le mot. Il résonne dans la nuit, grave et ancien. Elle le sent : il contient en lui des siècles de sagesse, de magie, de mystère.
Dans le ciel nocturne, la constellation s'anime sous ses yeux intérieurs. Un dragon immense, ailé, majestueux, fend l'espace nocturne.
Un cri soudain déchire le silence. Elerrina se redresse, main sur la garde de son épée. Bree accourt, haletante, hors d'elle.
- Katarina est enceinte, l'accouchement se passe mal ! Vous pouvez l'aider ? Vite !
- Oui. Montre-moi le chemin.
Guidée par la torche de Bree, Elerrina se dirige vers une chaumière blanche. Des cris de douleur s'en échappent. Des hommes attendent dehors, tendus.
- Vous pouvez entrer, mais pas de sorcellerie, dit le père, les poings serrés.
- Ne vous inquiétez pas, murmure Elerrina.
Elle soupire : pourquoi cette coutume interdisant aux hommes de soutenir leurs femmes en couches ? Elle entre. La situation est grave. Le bébé descend, mais le bassin est étroit. Katarina hurle, en sueur.
Elerrina commence par rassurer la mère. Une main sur le front, elle lui envoie une onde d'apaisement. Katarina respire mieux.
- Mon enfant ?
- Il va bien. Il veut seulement naître.
Elle localise la douleur sous ses doigts. Les autres femmes dans la pièce la dévisagent, hostiles. Elle se tourne vers la future mère.
- Katarina, me faites-vous confiance ?
- Oui. Oui !
Ses mains s'illuminent d'une douce lueur bleue. Murmures horrifiés. Trop tard. Elle agit.
- Maintenant, poussez !
Katarina s'exécute. La tête du bébé apparaît. Trois poussées encore.
- Bree, prenez le bébé. Enveloppez-le. Quant à vous, sortez, dit-elle aux cousines, voisines, amies.
Elles obéissent, submergées par l'autorité naturelle de la guerrière.
Elerrina, essuyant son front, s'assure que la mère et l'enfant vont bien. L'accouchement a causé quelques lésions. Rien d'irréversible.
- Je devrais pouvoir arranger ça.
- Ma dame ?
Bree s'approche, le bébé dans les bras. Son visage est las, mais serein.
- Merci pour tout, Bree. Allez vous reposer. Je veille sur eux.
- Et vous ? Quand dormirez-vous ?
Un sourire fatigué lui répond.
- Oh, ça... Ce n'est pas important. Bonne nuit.
Bree s'efface avec une gracieuse révérence. Elerrina incline la tête.
La nuit sera longue.
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