1.Naissance.

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Les derniers rayons du crépuscule effleurèrent avec douceur les toits de chaume d'Utfeld, le soleil s'éclipsa lentement laissant la nuit enrober la paisible cité.

Aussitôt les ailes des oiseaux de l'ombre se déployèrent à la recherche de leur dîner.

Un hibou affamé se posa sur le toit d'une petite maison afin de déguster un mulot qui se contorsionnait encore entre les serres du rapace. D'un coup de bec, il réduisit à néant les espoirs de fuite du rongeur. Le repas du volatile fut abrégé par des pleurs strident montant de la cahute. L'oiseau effrayé oublia sa proie et s'envola.

Dans la petite hutte les ombres tanguaient au rythme vacillant des flammes des bougies. Des plantes grimpantes tapissaient les murs et un silence pesant venait de remplacer les premiers cris d'un nouveau venu sur les terres d'Utwald.

A son chevet, ses parents le regardaient d'un air anxieux et un vieil homme au regard intense et à la peau du visage crevassée psalmodiait quelques mots dans une langue ancienne et connue par une poignée d'êtres vivants à Utfeld.

Ce dernier détendit ses longs doigts osseux au-dessus du nouveau-né qui dormait paisiblement. De petites lianes vertes s'extirpèrent de sa peau et s'enroulèrent autour de sa main. Elles frôlèrent le visage du bébé.

Le vieillard ferma les yeux. Sa longue barbe broussailleuse semblait frémir.

- Lugren, prononça t-il avec une voix grave.

Les parents se regardèrent. Le désespoir se lisait sur leurs visages blêmes.

La mère implora le vieil homme.

- Utgror, c'est impossible. Recommencez.

Il secoua la tête et prit l'enfant dans ses bras faméliques.

- Non Igrelle. Il n'y a aucune erreur. Ma racine ne se trompe jamais.

- Recommencez! Cria le père de l'enfant en pointant du doigt son fils.

Utgror leva une main en signe d'apaisement.

- Calme toi Onen, Tu sais très bien que cela ne marche pas ainsi. C'est la loi d'Utfeld. Je le prends avec moi et tu n'as pas le choix.

Le père tapa sur la table de colère autant que de chagrin. La mère, dans une tentative qu'elle savait vouée à l'échec, tenta de récupérer son enfant mais l'Animiste leva son bras cerclé de lianes et Igrelle fut incapable ni de bouger ni de parler.

Le bébé et le vieillard disparurent par l'embrasure de la porte quelques secondes puis Utgror passa la tête par l'entrée.

- J'allais oublier. Quel est son prénom?

Le père releva la tête et fixa le vieil homme la gorge serrée.

- Sygwyn, il s'appelle Sygwyn.

Avant que l'Animiste ne disparaisse de nouveau, le père leva la main.

- Attends Utgror.

- Qu'y a t-il encore?

- Peut-on l'embrasser avant que tu l'emportes.

Les derniers mots d'Onen s'étaient perdus dans ses sanglots.

Le vieil homme rentra dans la maison.

- Tu sais que c'est contre les lois.

- C'est toi qui a les créé. Transgresse les.

Utgror soupira.

- Je n'ai rien créé mon ami. Regarde autour de toi Onen. Ecoute le vent qui glisse sur les eaux du Grand Lac, écoute le battement des ailes du hibou, goûte la pluie douce de l'été. Toutes les lois sont là autour de nous. Nous ne sommes que des invités ici. Ce n'est pas nous qui décidons et je ne suis que l'Animiste.

- Tu sais que je ne suis pas sensible à tes balivernes Utgror mais je n'ai jamais supplié personne jusqu'à ce soir.

Onen se mit à genoux.

- Je t'en supplie.

Le vieillard ferma les yeux un court instant et hocha la tête en guise d’acquiescement.

- Qu'il en soit ainsi mais ne parlez jamais de ce moment à quiconque. Jamais.

Il tendit délicatement l'enfant à son père et d'un geste de la main libéra la mère de son étreinte magique.

Onen embrassa son fils sur le front et huma son odeur, espérant ne jamais l'oublier, pourtant bientôt tout ceci ne serait qu'un vague souvenir comme un rêve qui se dissipe quelques instants après le réveil.

Il chuchota à son oreille comme on murmure un secret.

- Quoiqu'il arrive je t'aimerai toujours mon fils.

Il tendit, en tremblant, le bébé à sa femme.

Igrelle le serra contre elle comme un trésor inestimable.

- Je t'aime Sygwyn.

Elle posa un baiser sur les lèvres de son fils et lui caressa le front.

Les bras faméliques de l'Animiste s'emparèrent à nouveau du bébé et dans les ténèbres, ils disparurent. Les sanglots d'Igrelle et d'Onen s'égarèrent dans la nuit car comme à chaque naissance depuis la nuit des temps, les enfants Lugren disparaissaient dans les bras de l'Animiste.

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