Dialogue chiant.

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Après ma visite chez l’aubergiste, je me dirigeai vers le bureau du contrôleur qui faisait aussi office de perception et de bureau de poste, afin de me faire enregistrer. Cinq serviteurs fumaient ou dormaient devant la porte ; l'un d'eux s’avisa de ma présence et m’invita à m’asseoir sur un banc de pierre adossé au mur extérieur. Il revint, au bout d'une minute, pour me dire que, en tant que Reg, je n’avais aucune taxe à acquitter et que le Chef de Gare me recevrait quand je le voudrai. Le bureau du contrôleur jouxtait son habitation adossée à la muraille, tout près de l’entrée. Sur le sol sablonneux de cette première cour, vraiment spacieuse, s'entassait un grand nombre de bagages apportés par les caravanes. Ces marchandises séjournaient sur cette place, devant le bureau, jusqu'à ce que les droits de passage aient été acquittés. Après quoi, les caravaniers pouvaient ranger leurs affaires dans une des nombreuses loges voûtées surmontées d'une terrasse. Chacun de ces arceaux était attribué à un voyageur, dès son arrivée. Cependant, derrière cet amoncellement de ballots, j'aperçus un grand pylône hérissé d’antennes. C'était bien la preuve que ce caravansérail appartenait à la Guilde Souveraine.

En dehors des caravaniers et de leur escorte, la portion masculine des occupants du caravansérail était fort peu nombreuse, elle était constituée en majeure partie de soldats et de quelques fonctionnaires de la Guilde.

À Ksar-Migatana* - c’était le nom de ce comptoir -, qu'elles soient libres ou esclaves, les femmes pullulaient.

J’étais toujours surpris de la façon dont chaque espèce, animale ou végétale, pouvait évoluer dans le temps, dès qu’elle était un tant soit peu isolée, dans une zone géographique précise.

Aussi, bien qu’à l’origine, les colons ayant posé le pied sur Exo fussent en majorité issues de fermes à clones ou de race Néo-terrienne, donc assez uniformes, je ne pouvais que constater que j’avais là, devant moi, le résultat de certaines mutations génétiques, ce que certains auraient pu appeler : la création de nouvelles "races".

Aussi, par curiosité, à la façon d’un antique ethnologue, je m’amusais à classifier la "race" des femmes que je croisais dans ce vivier de femelles qu’était Ksar-Migatana*. Ainsi, je constatais que la majorité étaient des Lurédiennes*, puis venaient celles que je pouvais cataloguer comme Yuchekhaines* et enfin, en moins grand nombre, il restait les Koushites*. Le type ou plutôt les types étaient à peu près les mêmes dans les trois ethnies où d’ailleurs le vêtement était identique, malgré de nombreuses variétés de détails.

Pour ce qui était du physique, ici à Ksar-Migatana*, le type le plus répandu était, comme je l’ai dit, celui de la femme Lurédienne. En général, elle ne manquait ni d'élégance, ni d'une certaine dignité. Ses yeux étaient grands, plutôt en amande et noirs, son nez long, aux narines dilatées, busqué au centre puis se relevant un peu, des pommettes saillantes, une bouche aux lèvres pulpeuses dont la supérieure avançait peut-être un peu trop, un menton légèrement fuyant. Ses membres étaient fins et sa silhouette mince. Le reste paraissait peu développé, je veux dire que sa poitrine était plutôt petite.

L'autre type, celui de la Yuchekhaine*, avait plus d'ampleur dans ses formes. Son corps avait peut-être un peu moins de distinction, mais il était plus sensuel, car les fesses étaient plus rebondies et sa poitrine était beaucoup, mais alors, beaucoup plus opulente. Son front était plus haut, ses pommettes et ses joues plus charnues. Si l'œil était aussi immense et tout aussi noir que celui d'une Lurédienne, son nez était droit et plus petit, sans être camard, son menton était plus exigu, voire pointu. J’y retrouvais l'aspect des sphinx de l'ancienne Égypte, la forme de sa coiffure venait parfaire l'illusion. Cette coiffure, propre à la Yuchekhaine*, n'avait pas dû varier depuis des siècles. Elle ressemblait à une mitre, plus ou moins développée selon l’épaisseur de la chevelure. La frange était droite, les cheveux parfois teints en bleu ou en doré, toujours avec des extravagances propres à la gent féminine. Ainsi, cette coiffure portait des motifs tels que des bandes, des rayures, des étoiles, des cœurs… Et toujours dans des tonalités éclatantes, suivant le goût de la dame. Cet ouvrage d'art était toujours plus large que la tête et ne tombait jamais plus bas que le haut des épaules. Aussi, pour donner cette allure de chapeau à cette étrange coiffure, les cheveux étaient nattés avec de grosses tresses de laine teinte.

Pour ce qui était des Koushites* qui étaient à mes yeux les plus belles, elles avaient généralement la peau foncée, presque noire, éclatante, lisse et sans imperfections. Leurs yeux étaient comme ceux de leurs voisines, toujours grands et expressifs, avec des iris brun foncé ou noirs qui semblaient receler un monde d'émotions et de mystères. Leurs cils longs et épais encadraient gracieusement les yeux et soulignaient leur beauté.

L’une des caractéristiques d’une belle Koushite était son visage à la forme unique, souvent ovale ou en forme de cœur. Ses pommettes hautes et bien définies ajoutaient une touche d'élégance à son apparence. Ses lèvres étaient charnues et naturellement colorées d’un carmin foncé.

Les Koushites avaient souvent les cheveux noirs ondulés, frisés, voire crépus, mais toujours volumineux. Chaque Koushite était fière de ses cheveux et pouvait les orner d’accessoires, tels que des perles ou divers ornements, pour exprimer sa beauté.

Une belle Koushite avait généralement une silhouette élancée et gracieuse, avec une taille et des hanches naturellement cambrées. Elle se mouvait avec confiance et grâce et son langage corporel respirait la féminité et l'équilibre.

Souvent, les femmes de ces trois ethnies avaient le visage, les bras et les mains ornées de petits tatouages.

Quant à leur vêture, elles portaient l’àodàipisah*. C'était une robe dont la partie supérieure avait une coupe très près du corps, avec un large décolleté qui, pour certaines, dégageait complètement la poitrine, la longueur des manches était variable. L’àodàipisah* avait aussi plusieurs autres caractéristiques : tout d’abord sa longueur, comme celles des manches, était variable, elle avait d’autres particularités, comme le fait qu’elle était fendue des deux côtés et qu’une seule des échancrures pouvait être lacée ou boutonnée, soit à gauche pour une célibataire, soit à droite pour une femme mariée, si aucun coté n’était fermé cela voulait dire simplement que la belle était disponible à toutes les propositions.

En général, les femmes de ces ethnies étaient plutôt volages, elles n'avaient pour but que d'amasser une dot et devenir mères de famille. Cette dot était portée en colliers autours du cou et sur la poitrine, sous forme de pièces d'or et d’argent. Quelques-uns de ces colliers atteignaient une dimension considérable.

Sur Exo, où l'homme achète sa, ou ses femmes, on est étonné de voir aussi ces trois ethnies et quelques autres s’offrir leurs maris. En règle générale, ces ménages n'étaient absolument pas mal vus. Car, chez ces peuples, le mari est souvent un combattant mercenaire qui considère sa femme comme son employeur, d’ailleurs c’est elle qui l’arme de pied en cape. Il lui doit donc un large pourcentage sur un potentiel butin. Il reste donc dans un état d’infériorité pécuniaire, d’autant que c’est la femme qui possède la fortune et transmet aussi le nom de famille. Quand elle invite un étranger à prendre le café ou le tchaï, le mari discret s'éloigne tant que dure la visite. Il se contente de retirer un instant son anneau de mariage. En général, ces dames sont laborieuses, économes, sobres et elles sont des négociantes habiles, mais honnêtes. L'homme marié qui s'absente et retrouve, après plusieurs années, des enfants qui ne sont pas de lui, se garde bien de les jeter avec leur mère hors de la maison, car d’une part celle-ci ne lui appartient pas, et d’autre part la rupture d’un contrat de mariage lui coûterait trop cher. Aussi les adopte-t-il, en ne faisant aucune différence entre eux et les siens propres. Sans connaitre ces coutumes, on pourrait s’étonner que ces peuples puissent grossir en force et en nombre, malgré les continuels déplacements des maris, mais c’est sans compter sur la fécondité des femmes et la complaisance raisonnée de ceux-ci.

Même si ce caravansérail était à l’écart des nouvelles routes commerciales, je savais que ses coffres regorgeaient de monnaies de toutes sortes.

J’étais retourné sous une des arcades où mes bagages étaient entreposés, j’en retirai deux lourdes besaces que je jetai sur mes épaules : après le bureau des douanes, il était temps que je transforme mon encombrant et lourd butin en monnaies sonnante et trébuchantes. J’entrai dans un commerce qui faisait le prêt sur gage, ainsi que le change. La pièce principale, blanchie à neuf, était coquette et lumineuse, les trois grandes fenêtres avaient un vitrage en cul de bouteilles. J’étalai sur le comptoir le bric-à-brac de mes pillages. Une jeune fille, derrière des grilles en fer forgé, se chargea de faire le tri, de peser, bref d’évaluer le résultat de mes larcins. Une autre, qui devait faire office de réceptionniste, se chargea de me faire patienter, en me servant à profusion, café, lait, tchaï, thé, dattes et petits gâteaux. Il commençait à se faire tard, le soleil allait bientôt disparaître. De temps en temps, elle venait s’excuser de la durée que mettait sa compagne à évaluer mon bien. Elle avait déjà allumé les nombreuses lampes à huile quand, enfin, elle me tendit une petite tabulæ. Je l’ouvris : sur la plaquette de gauche, dans une cire teinte en rouge, était inscrits en pattes de mouches, le nombre et la dénomination des articles déposés, et sur la tablette de droite, dans de la cire verte, était inscrites l’estimation de mon butin, ainsi que la commission pour le bureau. La somme proposée me parut conséquente, de toute façon, j’aurais été bien incapable d’évaluer quoi que ce soit mais, pour marquer le coup, je fis une moue qui devais dire « oui, mais il y a moyen de faire plus ? » Puis, je demandai :

_ Je pense que même pour une première offre… C’est un peu léger. Je fermai en claquant la tabulæ que je rendis à la jeune fille. Je jetai quelques pièces de bronze sur la table devant moi et, faisant semblant de me lever, je poursuivis, ça c’est pour la collation, j’imagine que vous ne pouvez pas faire mieux ?

_ Reg Teixó, attendez encore un peu, il y a sûrement moyen de s’entendre.

_ Si tu le dis ma jolie, je veux bien vous laisser encore une chance, après je remballe ma quincaillerie, je trouverai bien à la fourguer ailleurs.

À peine avais-je fini ma phrase que, déjà, elle me retendit la tabulæ. Je l’ouvris : la proposition était meilleure.

_ C’est bon, on peut faire affaire. Je pris le stylet, je signai et juste au-dessus, j’appliquai sur la tablette le sceau gravé sur le chaton de la bague que je portais au majeur de la main gauche.

À la suite de quoi, on m’apporta une bourse bien garnie et une bouteille de whisky Cimmérien. Je dû trinquer avec les deux jeunes femmes avant de les quitter, car c’était la coutume.

Il n’y avait pas à dire, ces deux Lurédiennes* tenaient bien l’alcool. Néanmoins, j’avais sauvé un peu la face, en me faisant un peu moins flouer que prévu. Mais comme on dit souvent, qui vole un voleur est à demi pardonné, et comme mes deux arnaqueuses étaient plutôt jolies, elles l’étaient tout à fait.

Je m’engageai donc dans la deuxième cour, celle-ci était traversée par une allée de mûriers centenaires. Maintenant qu’une des deux lunes brillait dans le ciel, et va savoir laquelle lorsque l’on a un petit coup dans le nez, je pouvais sentir la fraîcheur envahir ce grand atrium, je pouvais même entendre de claires fontaines chanter. En m’approchant de la tour forte du Chef de Gare - le vrai titre du Gouverneur de ces lieux -, je me promis de ne plus jamais traiter avec une Lurédienne.

J’arrivai donc devant la porte de la tour forte, une porte blindée, sûrement de plus d’une coudée d’épaisseur. Le boitier métallique scellé au mur adjacent, faisant office de portier, s’adressa à moi. Je déclinai mon identité, tout en mettant mon Oracle non pas en sommeil, mais en mode défense active ultra-vigilante.

Les sonorités pneumatiques et les chuintements des vérins hydrauliques m’avertirent que la porte s’ouvrait. Je pénétrai dans une salle éclairée par une dizaine de grands candélabres de bronze. La pièce, bien que luxueusement décorée par de nombreuses fresques, devait servir de vestibule, ou plutôt de sas, avec les autres parties de la tour. Une des nombreuses portes tout aussi blindée, toute aussi bruyante s’ouvrit sur un escalier en colimaçon, éclairé par des sortes de néons bleuâtres. Vingt mètres plus haut, une porte s’ouvrit sur un bureau.

Tout de suite, je reconnus un androïde de type 24EB3. À première vue, on aurait pu le confondre avec un cyborg, vu que plus de 70 % de sa personne était constituée de matière organique. Mais je connaissais la convention martienne de l’UDI : celle-ci stipulait que l’organe régissant le classement était le Ghost ; chez mon interlocuteur, son Ghost résidait dans une boite crânienne de conception néo synthétique, branchée sur un squelette en titane électromécanique.

J’avais donc en face de moi un être à l’apparence quasi humaine.

_ Bonjour Reg Teixó, cela fait bien longtemps que personne de la Guilde n’a croisé ton chemin, que deviens-tu ?

_ Bonjour, Chef de Gare, mais à qui la faute ? Et à qui ai-je l’honneur ?

_ Oh, excuse-moi, je m’appelle Gontran.

_ Gontran tout court ?

_ Oui, un nom de famille serait inapproprié… Ne trouves-tu pas ?

_ Si fait, si tu le dis, mais… Tu sais Gontran tout court, je voulais un peu me faire oublier, surtout après l’affaire calamiteuse du sac de Valdhore. Je n’ai pas du tout apprécié la façon dont on m’a traité. Aussi j’ai trouvé un endroit tranquille, entre les Bois Étranges et le marais, un endroit où personne ne viendrait me faire chier.

_ Oui je te comprends, il est parfois bon de se faire oublier. Surtout que ta théorie fumeuse sur les Valdhoriennes n’a pas su convaincre la Guilde.

_ Oui, on peut dire cela. De toute façon, la Guilde est à la botte d’Avallon, ce n’est pas prêt de changer. Je pense que, pour toi, tout humain peut se tromper. Mais ce n’était pas une raison pour laisser Subarnipal piller cette cité, à croire que cela arrangeait pas mal de monde. Et puis, j’en avais marre d’obéir à un gamin qui se prenait pour Alexandre le Grand. De toute manière, le temps travaille pour moi.

_ Je vois que ton Oracle est en mode défense, pour un peu je pourrais me vexer.

_ Allons donc, vexer un Andro ? Et comme on disait chez moi : comme on connait ses saints, on les honore.

_ Tu nous en veux tant que ça ?

_ Disons que je sais ce que vous avez fait à pas mal de Reg… Heureusement que nos Oracles ont un mode autodestruction. Cinquante kilomètres carrés d’anéantissement, cela fait réfléchir. Je ne pense pas que vous ayez fini de reconstruire votre Gare Principale de Nicovédi. D’ailleurs je ne pense pas que vous ayez les moyens de la reconstruire, c’est moche, tant d’artéfacts ultras performants détruits pour toujours… ! Je pense que nous sommes encore assez nombreux pour vous détruire, ainsi que votre troupeau d’humains. Tu vois, Gontran tout court, je pense que vous vous prenez pour des bergers, et vous pensez que nous sommes les loups. Bien évidemment, vous avez su domestiquer certains Reg, comme Garm, pour en faire vos chiens de garde. Mais qui est plus dangereux : le loup solitaire ou le berger qui exploite son troupeau jusqu’à le mener à l’abattoir ?

_ À l’abattoir ? Comme tu y vas ! Je pense que tu réfléchis beaucoup...

_ C’est vrai… Je pense que raisonner est le propre d’un individu comme moi ; alors que les individus comme toi calculent. Et dans votre équation, il convient que vous mainteniez dans l’ignorance la majeure partie d’une population dont vous exploitez les ressources. Une chose cependant m’échappe : pourquoi cette subordination à Avallon ?

_ Tu dis que nous sommes des exploiteurs. Mais peut-on faire autrement ? Les humains sont belliqueux. Pour nous, c’est aussi une question de survie. Et si, comme tu le dis, les humains sont des moutons… Où as-tu vu un troupeau combattre son berger ? Non, n’est-ce pas ? Mais je ne crois pas que tu sois ici pour parler politique, histoire ou sémantique ?

_ Je devrais te retourner la question. C’est vrai, j’ai quitté ma retraite pour vendre un peu de mon bric-à-brac. Mais, sur mon Oracle, j’ai vu que j’avais une requête de la Guilde, donc c’est plus par curiosité que par besoin que je suis venu ici, à Ksar-Migatana*. Et puis, cela fait des années que je n’ai pas fait la mise à jour de mon Oracle, alors comme je passais par là…

_ Ben voyons, je me disais aussi… Un Esculape* va te prendre en charge. Au fait, je ne sais pas si tu es au courant, mais il paraît que le Grand Argentier, Théodor Argrigent, serait dans la panade, un de ses mercenaire lui aurait dérobé son trésor le plus précieux.

_ Ah bon ? Non je n’étais pas au courant… Comme je te l’ai dit, j’ai mené une existence d’ermite. Et il y a peut-être une prime ?

_ Là, c’est le Reg Teixó que tous les androïdes 24EB3 connaissent, qui parle.

_ Oui, comme on dit, chassez le naturel…

_ Oui, en effet ! Dommage pour toi, la Guilde ne se mêle pas de ce genre de broutilles, même si, là en l’occurrence, le montant du vol est incalculable.

_ À ce point ? Il a volé quoi ? Cela pourrait m’intéresser.

_ Un plein sac de Jièms*.

_ Mazette ! Rien que pour cela, il mérite que je m’intéresse à lui, on sait comment il s’appelle et à quoi ressemble ce mercenaire ?

_ Pour ce qui est du nom, ses gars l’appelaient le Catalan, pour dire à quoi il ressemble, pas vraiment, mais il avait un roojas comme le tien.

(Correction à suivre.)

_ Tu m’en diras tant, tous les roojas se ressemblent, mais pour ce qui est du nom : le Catalan, j’ai peut-être une piste, mais tu ne m’en voudras pas si je la garde pour moi.

_ C’est cela, garde la pour toi. Sinon tu penses rester combien de temps au caravansérail ?

_ Bof ! Je ne sais pas trop, le temps de faire des provisions et de dégorger le poireau… C’est vrai que pour un gars comme toi… Tu ne peux pas comprendre.

_ Détrompe-toi, nous aussi nous avons maintenant ce genre de besoins, que veux-tu nous aussi nous évoluons. Ma banque de données m’informe que tu aimes bien les rousses, c’est toujours le cas ?

_ Oui, mais cela fait tellement longtemps que je n’ai pas baisé… Que même une chèvre ferait l’affaire.

_ Je ne pensais pas que tu en étais arrivé à une telle extrémité, et il partit d’un rire presque humain. Blague à part il y a une petite rousse à l’auberge, je te la ferai préparer. Et après tu pars pour où ?

_ Comme je te l’ai dit, la vie d’ermite a du bon.

_ Bon, si on arrêtait de jouer ? Je ne suis pas dupe et les élucubrations de Théodor Argrigent indiffèrent la Guilde. Que dirais-tu de reprendre un peu de service.

Je jouais à fond le faux cul :

_ Gontran, je ne vois pas de quoi tu parles et qu’entends-tu par reprendre du service ?

_ La Guilde et prête à passer l’éponge sur tes interventions intempestives à condition que tu lui rendes un ou deux petits services.

_ Je ne dois rien à la Guilde, fais travailler tes mémoires, tu sembles oublier que même si je n’en fais plus partie, j’en suis un des membres fondateurs. Être un Hors-Loi me suffit. Je ne suis pas un mercenaire qui coure le cacheton !

_ Je ne voulais pas te vexer, disons que la Guilde a vraiment besoin de toi. Tes conditions seront toutes acceptées sans discussion aucune.

_ Tien donc, et pourquoi ?

_ Pour une fois, ta mauvaise réputation serait pour toi, comme pour nous un atout.

_ C’est vrai, j’ai une espèce de notoriété qui me colle à la peau. Parfois, oui, je me demande ... Gontran, avec ses fables... Et toutes ces personnes qui inventent des histoires sur moi... Je me demande où cela va s’arrêter.

_ Je me suis posé la question aussi. Au cours des siècles les histoires de tes aventures n’ont jamais cessé. Pour beaucoup tu es le croque-mitaine. J’ai voyagé dans différentes régions d’Exo et partout où je suis allé, les gens racontent tes aventures, même s’ils ne se souviennent pas de toi, je veux dire pas de toi physiquement, pour certain tu es blond pour d’autres tu es un géant. Ce dont ils se souviennent, ce sont de frasques imaginaires ou pas, qui courent à ton sujet.

_ Mais je ne ... Peux comprendre. Pourquoi toutes ces histoires ? Qu’est-ce qui est si intéressant chez moi ? Depuis la chute de Valdhore et mon départ de l’Empire de Domina, j’ai passé cinq ans à l’écart des hommes et je n’ai vraiment rien accompli. J’ai survécu, rien de plus. En quelque milliers d’années, j’ai perdu tout un monde autour de moi, soit par la mort, soit simplement en leur disant adieu. Je suis aussi seul maintenant que lorsque je dérivais dans l’espace. Qu’y a-t-il de si excitant ou romantique là-dedans ?

_ Cinq ans, tu dis ? Mais mon pauvre, cinq ans ce n’est rien. Combien de temps va-t-il se passer avant que, et je mets des guillemets, le Catalan ne devienne Reg Teixó ? Je n’ai pas la réponse. Ou peut-être y en a-t-il plusieurs. J’aimerais bien t’aider. Je suppose que les gens racontent des histoires parce que c’est ce qu’ils aiment faire. Il semblerait que pour tous tu sois le Guerrier Éternel, n’oublie pas que tu as été le premier bourreau de la Guilde Souveraine, que tu es aussi celui qui a tué l’Ecclésiaste… Et ce ne sont que deux histoires te concernant. Deux parmi tant d’autres.

_ Alors Gontran, que dois-je faire ? Comment puis-je vivre n’importe où ? S’il y a toutes ces histoires étranges qui circulent sur moi partout où je vais ?

_ Ne te plains pas ! Durant des siècles tu as joué avec ta notoriété, regarde Garm, il a su rester discret, il est plus riche, plus puissant que toi. Mais je suppose, que cette façon de t’apitoyer sur ton misérable sort est une façon de noyer le poisson. De toute façon, nous ne sommes pas ici pour t’entendre te plaindre, de plus, je sais que tu te moques du qu’en dira-t-on.

_ Bon alors en quoi ma mauvaise réputation serait un atout ?

_ Nous avons quelques soucis avec la cité de Yuchekha, la gestion du Dépotoir* pose problème, il y a même un trafique de cocons*. Un androïde AW601RC3 de type explorateur a découvert l’épave d’un galion sidéral, que des Greenheads* ont pillé.

_ Pour Yuchekha, si j’ai carte blanche je veux bien. Mais ne venez pas vous plaindre après ! Je te rappelle que vous m’avez retiré le droit de haute et basse justice.

_ Tu veux parler de ton massacre à Shalmachar* ?

_ Parfaitement ! Je n’ai fait qu’anticiper sur une situation qui devenait incontrôlable. Je ne regrette rien de ce que j’ai accompli. Si à Valdhore, j’avais pu agir comme à Shalmachar*, cette ville ne serait pas tombée.

_ Bon on ne va pas revenir sur Valdhore, mais il est évident que non seulement, tu vas récupérer ton droit de haute et basse justice, mais qu’en plus tu auras le titre de Plénipotentiaire pour la Guilde Souveraine.

_ C’est pas que vous devez être dans la merde Gontran tout court ! Mais moi je gagne quoi dans tout ça ? Parce que les problèmes de la Guilde je m’en cogne. Tout comme je note que pour un caravansérail de la Guilde il est amusant de constater qu’il n’y a plus aucun signe de la ligne*.

_ Pour ce qui est de la ligne, on en reparlera plus tard.

_ Je te coupe, mais pourquoi ne pas faire appel à un autre Reg, à Garm par exemple ?

_ Pour Garm c’est impossible, il est trop impliqué avec l’Empire de Domina. Pour les autres Reg, ils ont trop à perdre, et c’est vrai, la Guilde et Avallon ne sont plus du tout crédibles pour les gens comme toi ; tous les Reg contactés, pensent à un piège, ils ont tous peur pour leur tête.

_ Vous n’avez qu’à vous en prendre qu’à vous-même, tous ceux que je connais vivent loin des lignes, loin de la Guilde et même loin des empires et des royaumes où il y a des gares de la Guilde. Voilà le résultat d’une politique gérée par une IA privilégiant un complexe comme Avallon. Plus je t’écoute plus j’ai envie de te laisser toi et ta clique dans votre merde. Comme quoi, il y a une justice quelque part. j’ai bien envie de retourner dans les bois étranges et de me mettre en stase pour trois ou quatre cents ans. À mon réveil, je serai curieux de voir où vous en êtes.

_ Tu es dur. L’IA m’avait prévenu que tu serais retors. Alors dictes tes conditions.

_ Juste une centaine de Jièms, une dizaine d’Oracles subordonnés ou plutôt une quinzaine, un accès aux armes interdites et le poids en or de mon roojas.

_ C’est accordé, mais pour de tels trésors tu as intérêt à être vraiment efficace.

_ Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme l’impression de m’être fait avoir.

_ Ah ça tu ne le sauras jamais.

_ Bien vu que nous sommes ok pour le paiement passons à vos problèmes. Pour Yuchekha et le Dépotoir, cela sera vite réglé, pour le trafique de cocons j’ai l’expérience de ce genre d’enquêtes. Reste l’affaire du galion, comment se fait-il qu’un androïde AW601RC3 n’ait pas résolu le problème ?

_ Justement si on le savait nous n’aurions pas besoin de toi.

_ Où est le loup ? Je ne pense pas que votre générosité soit suspendue à solutionner ces quelques problèmes ?

_ Ma foi, comme tu l’as vu, plusieurs de nos lignes secondaires ont disparu.

_ Oui j’ai vu.

_ Que sais-tu de la ligne ?

_ Oh deux ou trois petites choses, que les rails ou les bornes électromagnétiques sont remplacées par des petits murets en verroi de trois coudées de hauts, pour une largeur de dix coudées, sur une longueur de cent coudées, avec des intervalles de vingt coudées. Et c’est vrai je n’ai rien vu de tel ici.

_ Tu es observateur. Tu sais aussi que le verroi une fois qu’il est moulé ne peut plus prendre une autre forme, sinon il redevient du sable qu’il faut reconditionner.

_ Oui tout ça je connais, comme le fait que la difficulté d’exploiter les filons ferreux et l’absence de ressources énergétiques importantes explique le choix du verroi.

_ Oui c’est une excellente solution qui nécessite toutefois de remettre à niveau les murets sous peine qu’ils ne redeviennent des tas de sable.

_ Et alors rajoutez du sable.

_ Ce n’est pas si simple d’abord ce n’est pas du sable que l’on moule mais plutôt des plaques de verroi que l’on empile et que l’on moule.

_ Et alors ? Cela ne change pas grand-chose.

_ Sauf si notre seule source d’approvisionnement est fermée.

_ Ça vient d’où ?

_ D’une cité du nom de Ligérie.

_ Tu parles de Ligérie ? … De l’autre côté de la mer de Silex ?

_ Oui, celle-là même.

_ Et alors ?

_ Eh bien, c’était un Reg, un des rares qui comme Garm était affidé à la Guilde. Il semblerait que les routes d’approvisionnement soient coupées par une espèce de monstre du nom de Samaël.

_ Et c’est tout ?

_ Oui le reste c’est du détail.

_ Dans ce cas, je prends le contrat, bon tu sais où me trouver, il se fait tard et j’ai encore rendez-vous avec deux belles commerçantes Lurédiennes.

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