Première chaînes

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On m'arrache à ma famille. Ce souvenir, aussi vif que la brûlure du soleil sur ma peau, me hante depuis mes cinq ans. Ageláda, c'est le nom que porte mon peuple, ou du moins, le nom que j'ai appris plus tard, dans ce camp. Avant, il n'y avait que la peur et les visages familiers de ma mère et de mes frères et sœurs, tous entassés dans ces baraquements insalubres. Une vie déjà confinée, mais une vie, malgré tout.

Puis, les cris. Les hurlements gutturaux de ceux qui se disaient supérieurs, dont l'apparence difforme et inhumaine me terrifiait. Je me souviens des mains, brutales, qui me séparent de ma mère, de son regard noyé de larmes, impuissant. On me jette dans un autre camp, un "centre d'élevage et d'éducation", comme ils l'appellent. Un élevage d'Ageláda, rien de plus.

Aujourd'hui, j'ai vingt et un ans. Un âge que je n'aurais jamais cru atteindre ici. Et aujourd'hui, l'impensable se produit. L'un de ces êtres monstrueux, un dirigeant, ouvre les portes du camp. Derrière lui, une armée de gardes, armés jusqu'aux dents, et des camions, noirs et menaçants.

La panique est palpable. Certains tentent de résister, de s'enfuir. Des cris, des coups, le claquement sec des armes. La violence éclate, froide et implacable. Mais il n'y a nulle part où aller. Nous sommes forcés, un par un, de monter dans ces véhicules.

Le voyage est un cauchemar sans fin. L'intérieur du camion est une boîte de métal glaciale, sans fenêtres. Nous sommes entassés les uns sur les autres, privés d'air, de lumière, d'espace vital. Le froid mord nos os, la faim nous tenaille l'estomac. Pas une goutte d'eau, pas un morceau de pain. Les corps s'affaiblissent, les maladies se propagent. La crasse et la sueur forment une croûte répugnante sur nos peaux. Certains, les plus fragiles, les plus jeunes, lâchent prise. Leurs corps inertes, serrés contre nous, nous rappellent notre propre fragilité.

Les jours et les nuits se fondent en une seule et longue agonie. Le camion cahote. Où nous emmènent-ils? Quel sort nous réservent-ils? La question hante nos esprits, alimentant une terreur sourde. Le silence est rare, ponctué de toux rauques, de gémissements étouffés, de prières murmurées. L'espoir, lui, s'étiole peu à peu.

Je sens le corps d'un enfant trembler contre le mien. Ses yeux, grands et sombres, me fixent, remplis d'une peur que je connais trop bien. Je lui serre la main, essayant de lui transmettre un peu de courage, un peu de réconfort. Mais au fond de moi, je sais que je ne peux rien lui promettre. Je ne sais même pas si je survivrai à ce voyage.

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