Les victimes du regard
Nous avançons, poussés par les gardes, à travers ce hangar immense et lugubre. Nous passons devant une salle, que je suppose être une salle de contrôle. À travers la vitre, je peux apercevoir des écrans, des dizaines d'écrans, chacun affichant l'image d'un camion différent. Des caméras braquées sur chaque véhicule, révélant l'horreur du transport.
Des dizaines d'ethnies différentes, toutes victimes du même sort. Je reconnais les Lagos, enfermés dans des cages métalliques. Mais ces cages sont des pièges mortels. Les trous sont trop gros. Les Lagos, avec leurs membres fragiles, se coincent, se tordent, se brisent. Ils finissent par perdre une ou plusieurs pattes, ce qui provoquera une infection, puis une mort certaine.
Je vois leurs yeux remplis de terreur, leurs corps se contorsionner dans une lutte désespérée. Mais il n'y a rien à faire. La cage est impitoyable. Et puis, il y a les bébés. Les petits Lagos, incapables de se tenir debout, glissent à travers les barreaux, tombant dans le vide. Les parents, pris de panique, tentent de toutes leurs forces de les remonter, de les retenir. Mais leurs efforts sont vains. Les bébés s'écrasent au sol, leurs corps minuscules brisés par la chute.
Un cri de douleur, déchirant, s'échappe de ma gorge. Je suis obligé de détourner le regard, incapable de supporter cette vision d'horreur. Comment peuvent-ils faire ça ? Comment peuvent-ils infliger une telle souffrance ?
Je reste figé, le souffle coupé, devant ces écrans qui vomissent l'inhumanité. Et puis, mon regard se pose sur d'autres cages. Celles des Kota. Plus solides en apparence, mais tout aussi cruelles. Je vois des silhouettes s'agiter, des tentatives d'évasion désespérées. Quelques-uns réussissent, un bref instant de liberté avant d'être rattrapés par les gardes.
La scène qui suit me glace le sang. Les gardes, sadiques, se ruent sur les fugitifs. Les coups pleuvent, les corps s'effondrent. Mais ce n'est pas fini. Les gardes, dans un accès de barbarie, transforment ces êtres humains en objets de jeu. Ils les frappent du pied, comme des ballons, les font voler dans les airs avant de les laisser retomber lourdement au sol. Leurs rires résonnent dans la salle, un écho sinistre à la souffrance muette des victimes. Elles périssent sous les coups, leurs vies fauchées par la cruauté gratuite.
Je serre les poings, la rage me consume. Je voudrais hurler, me jeter sur ces monstres, mais je suis paralysé par la peur et la conscience de mon impuissance. Je suis un spectateur, un témoin impuissant de cette horreur. Mais je sais, au fond de moi, que je ne pourrai jamais oublier ce que j'ai vu. Ces images resteront gravées dans ma mémoire, un fardeau que je porterai jusqu'à la fin de mes jours. Je me demande combien de temps encore je pourrai supporter cette réalité. Combien de temps avant que ma propre humanité ne soit anéantie par cette violence omniprésente.

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