Naissance brisée
Alors que je crois avoir atteint les limites de l'horreur, le processus reprend. Une nouvelle sélection. Cette fois, ce sont les femmes enceintes qui sont mises à part. Un mince espoir naît dans mon cœur. Une lueur d'humanité ? Un geste de pitié, enfin ? Naïf que je suis. L'illusion se brise net. Les gardes les emmènent à l'écart, vers une zone que je ne peux distinguer que partiellement. Un bruit sourd, humide, me parvient. Un cri étouffé. Puis, le silence. La vérité me frappe avec la violence d'un coup de poing. Ils leur ouvrent le ventre. Vivantes. Je tremble de tout mon corps. Mon estomac se noue. Je lutte contre la nausée qui monte en moi.
Je vois ensuite des silhouettes s'agiter. Des foetus, extraits de leurs mères, sont portés comme des trophées. Puis, ils sont déposés sur des plaques de métal froides, impersonnelles. Des plaques qui ressemblent à des tables d'opération, mais qui sont en réalité des instruments de mort. Une aiguille est plantée dans leur chair minuscule. Leur sang, source de vie, est aspiré, drainé. Certains, les plus "chanceux", s'étouffent dans leur propre vomi, un râle bref qui met fin à leur supplice. Les autres, plus résistants, agonisent, leur corps se vidant lentement de leur sang. Leurs petits membres se contractent, leur bouche s'ouvre dans un appel muet. Leurs yeux, déjà ternes, se figent dans un regard vide.
Je détourne les yeux, incapable de supporter plus longtemps ce spectacle d'une cruauté inouïe. Je voudrais crier, hurler ma rage, mais ma voix est bloquée dans ma gorge. Je suis pétrifié, anéanti. Comment peut-on infliger une telle souffrance à des êtres aussi vulnérables ? Comment peut-on détruire ainsi la vie, à peine éclose ? Je me sens souillé, contaminé par cette horreur. Une partie de moi meurt avec chacun de ces foetus assassinés

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