Échos du néant
Les gardes ont gagné. Je les félicite, du fond de ce néant où je suis désormais plongé. Qu'ils se repaissent de cette victoire amère, de cette chair meurtrie qui n'est plus qu'une enveloppe vide. Qu'ils savourent l'odeur du sang et de la défaite. Qu'ils se glorifient d'avoir brisé un homme, un simple numéro, un Ageláda parmi tant d'autres.
Que vont-ils faire de mon corps à présent ? Vont-ils le profaner, le démembrer, le jeter aux chiens comme un vulgaire déchet ? Vont-ils se repaître de ma chair, nourrissant leur folie avec mes restes ? Ou vont-ils simplement me laisser suspendu, balloté par le vent froid, parmi les autres cadavres, symbole muet de leur cruauté sans bornes ?
Je l'ignore. Et, étrangement, cela ne m'intéresse guère. Je suis mort. L'enveloppe charnelle, le réceptacle de la douleur et de l'espoir, n'est plus qu'une coquille vide. Les tourments de ce monde n'ont plus de prise sur moi.
Du regret ? Non. Pas du tout. J'ai essayé. J'ai lutté. J'ai crié. J'ai donné tout ce que j'avais, jusqu'à la dernière goutte de sang. En vain. La machine a gagné. La mort a triomphé.
Ainsi va la vie. Enfin, ainsi va la vie dans ce monde. Un monde où l'innocence est bafouée, où la barbarie règne en maître, où la souffrance est une monnaie courante. Un monde où l'on vous arrache à votre famille, où l'on vous enferme, où l'on vous torture, où l'on vous exécute sans autre forme de procès.
Qui pourrait accepter que tout cela soit normal ? Qui pourrait fermer les yeux sur cette horreur et continuer à vivre comme si de rien n'était ? Je vous le demande. Du fond de mon abîme, je vous supplie de ne pas oublier. De ne pas laisser le silence engloutir la vérité. De vous souvenir de moi, de nous, de tous ceux qui ont péri dans ce lieu maudit.
Que notre mort ne soit pas vaine. Que notre souffrance serve à quelque chose. Que notre sacrifice éclaire le chemin de la justice et de la liberté.
Adieu.

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