3 - Rencontre du troisième type
Prochaine étape : contacter l’huissier pour avoir accès aux différents courriers qu’ils sont censés nous avoir notifiés. Je les appelle à plusieurs reprises depuis mon portable américain. Personne ne décroche. Est-ce le mois de juillet ?
Le cabinet a trois associés, dont je cherche les coordonnées sur Internet.
Il ne me faut pas cinq minutes pour trouver le portable de l’un d’entre d’eux sur le réseau Linkedin. Nous avons apparemment un contact en commun. Il décroche dès que je l’appelle, me répond très civilement. J’apprends que je dois me déplacer pour obtenir les pièces de mon dossier.
Problème : j’habite à l’étranger. Je demande à ma sœur de s’y rendre avec un mandat signé et scanné de ma part. J’avoue qu’à ce stade, je doute de l’efficacité de la démarche. Mais ma sœur parvient à récupérer tous les courriers, à les scanner et me les renvoyer. Comment font ceux dont la sœur ne vit pas à proximité de l’étude d’huissiers qui saisit leurs comptes bancaires ?
Je me plonge dans les procès-verbaux incompréhensibles, au moins pour un néophyte comme moi. Je constate toutefois, comme je le pressentais, que les huissiers se sont focalisés sur l’adresse de l’appartement en location.
Ils y sont même allés à plusieurs reprises, comme s’ils se complaisaient dans leurs errements. Ou bien pour pouvoir prendre un petit ballon au bistrot du coin ? C’est vrai qu’il est particulièrement chaleureux.
Les procès-verbaux sont truffés d’erreur : le premier indique la bonne rue mais le mauvais numéro ; le second affirme qu’un courrier a été laissé dans la boîte aux lettres à mon nom… boite aux lettres qui n’existe pas ; le troisième enfin n’explicite pas les modalités de remise de l’acte mais n’en est pas moins signé et daté.
A ce niveau d’incompétence, le soupçon de faute professionnelle devient caractérisé.
Il est dit dans un des actes que des recherches ont été réalisées à l’aide de l’annuaire électronique sans succès. Je pense que ces braves gens en sont restés au minitel.
Parce que même moi qui ne suis pas « commissaire de justice », habitant à l’étranger, j’arrive à trouver le numéro de portable d’un des associés de leur cabinet, alors qu’ils sont incapables eux-mêmes d’interroger mes voisins ou mon banquier, ou encore de prendre contact avec moi sur les réseaux sociaux où je suis bien présent ?
Nous ne sommes que deux à porter mon nom sur cette terre : un cousin et moi-même. Ils avaient donc une chance sur deux de me contacter. Au pire, mon cousin aurait été ravi de transmettre mes coordonnées à l’huissier. Ne sont-ce pas des détails croustillants qui nourrissent les conversations dans les dîners de famille ?
Le scénario pourrait être celui d’une mauvaise comédie. Le problème, c’est que ma famille est loin de moi, et que le compte bancaire est vide. Par ailleurs, la banque nous a facturé des frais de saisie, le déblocage de mon compte épargne entreprise a eu un coût et je perds un temps fou à essayer de sortir de cette impasse à distance et au cœur de l’été… La situation est loin d’être risible.
La bienveillance ayant ses limites, je décide de porter plainte contre l’étude d’huissiers. Après tout, un officier public a menti sous serment, certains faits constituent un délit de faux et usage de faux et des actes ont été facturés de manière abusive. Et ça me rappelle mes lointaines études de droit en me donnant la sensation que le savoir collecté à ce moment là peut encore m’être utile des années après.
J’adresse donc un long courrier au procureur de la république, après avoir passé un certain temps à trouver son adresse sur Internet. Ce dernier n’accusera jamais réception de ma plainte.

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