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Plus que l'asexualité d'Axelle, le problème était l’adoration qu'elle nourissait de façon presque fanatique envers Clémence. La petite blonde ne laissait pas la moindre place pour qu'une autre personne s'insinue entre elles.

Dire que j’ai le problème inverse de pratiquement tout le monde.

Comme lors de son premier appel, le téléphone se décrocha presque aussitôt.

— Vernier et associés, que puis-je faire pour vous ?

— Bonjour Monsieur Vernier, Clémence Nowac à l’appareil.

— Bonjour Madame Nowac. Y a-t-il quoi que ce soit que je puisse faire pour vous aider ?

— Absolument. J'ai besoin d'un rendez-vous.

Quatre jours plus tard, elle faisait face à Madame Vernier.

— Reposez-moi la question, demanda Clémence.

— Laquelle ?

— Vous savez laquelle.

Madame Vernier laissa échapper l’esquisse d’un sourire.

— Quelles sont vos préférences sexuelles, Clémence ?

Cette fois, elle sut quoi répondre et surtout comment se livrer. Sans la moindre marque de jugement, Madame Vernier l’écouta jusqu'au bout. Cette femme était un puits sans fond ; on ne voyait jamais la surface de l’eau bouger malgré tout ce qu'on y déversait.

— Je comprends mieux. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est assez peu commun et donc très difficile à satisfaire.

— Mais pas impossible, pas pour vous ?

— Nous ne satisfaisons pas les désirs, Clémence. Nous nous occupons de combler les besoins.

— Je ne crois pas qu’Axelle soit comblée. Moi, je ne le suis pas.

— Elle nous a pourtant gratifiée des remerciements et de sa grande satisfaction. Dès votre rencontre.

— Elle me l’a dit. Elle m’a aussi dit qu’elle avait payé pour nous deux.

— C’est exact.

— Parce qu’elle était certaine que je ne serais pas satisfaite de la rencontre.

— Mais vous l’avez été.

— Satisfaite ? Oui. Comblée, non.

Pour la première fois depuis leur rencontre, Madame Vernier laissa un brin d’exaspération percer en relâchant un léger soupir.

— Ce que vous cherchez ne sera que temporaire, même si vous réussissez. Pour y parvenir, vous pourriez sacrifier le bonheur construit jusque-là.

Clémence se sentait comme une droguée face à sa marraine d’abstinence. On lui recommandait la prudence, le renoncement, la volonté, alors que tout ce qu’elle désirait c’était sa prochaine dose.

— J’en suis consciente.

— Cette fois, vous serez la cliente et non simplement la partenaire idéale.

— On verra.

Les regards s’affrontèrent un long instant. Madame Vernier émit un second soupir.

— Le client est roi. Monsieur Vernier vous communiquera les détails financiers et techniques dès que nous aurons trouvé ce que vous nous demandez.

— Madame Vernier, c’est un plaisir de faire appel à vous.

— J’espère sincèrement que ce le sera jusqu’au bout Clémence. Sincèrement.

Tarifs prohibitifs, discrétion absolue, Monsieur Vernier avait pourvu à tous ses désirs. Les invités sur le canapé carmin était parfaits : une femme maladivement jalouse et un mari irrationnellement volage qui essayaient de sauver le couple voué à l’explosion. On leur avait proposé Clémence comme leur dernière chance.

— Mais vous, vous y gagnez quoi ? questionna Emma.

Dans la grande vingtaine, un corps splendide et un visage avantageux à l’exception du nez, trop aquilin. Emma était de loin la plus nerveuse de leur trio.

— Je vis un fantasme, tout comme vous, mentit Clémence. Êtes-vous droitière ou gauchère ?

— Je… gauchère. Pourquoi ?

— Avec votre physique, intervint Gregory, vous n’avez pas besoin de passer par les Vernier pour trouver un mari infidèle.

Contrairement à sa femme, Gregory n’avait pas de défaut visible majeur. C’était un homme massif à la mâchoire carré et au sourire ultrabright. Le genre à faire valser les cœurs et les jupes des secrétaires. Il avait au bas mot quinze ans de plus que sa femme. Des paillettes grises parsemaient déjà ses tempes et Clémence était pratiquement certaine que son front était saturé de botox.

— Sans doute, rétorqua Clémence, mais il est plus difficile de trouver un mari infidèle et sa femme.

Mensonge éhonté. Les sites et clubs échangistes auraient pu lui fournir aussi bien l’un que l’autre. Ce dont elle avait besoin, c’était la jalousie d’Emma, bien plus que le désir de Grégory ou le consentement de cette dernière. Ils n’avaient pas besoin de savoir, seulement de remplir leur rôle.

Rien qu’à les regarder, Clémence en salivait d’avance. Comment croyaient-ils préserver leur union en vivant précisément ce qui promettait de les séparer ? Peu lui importait, ils n’avaient pas plus de valeur que Thomas ou Karima, ce n'étaient que de simples outils au service de son plaisir. Ils en tireraient égoïstement le leur, tout le monde était gagnant. En principe.

Le rendez-vous était donné et le trio se sépara. Pour des raisons de sécurité, ils avaient déterminé le lieu ensemble à partir des proposition de Clémence. Un environnement neutre, à l’abri des regards. Le couple monterait en premier, chacun avec sa clé, avant que le mari ne redescende. Seul.

Deux jours passèrent et le moment tant attendu arriva. Clémence attendait dans un café, le ventre noué par un délicieux mélange d’appréhension et d’anticipation. Les laisser s’approprier les lieux en premier était le meilleur moyen de les rassurer. Les laisser faire les préparatifs était un risque à prendre. La minuscule télécommande rose roula entre les doigts de Clémence, objet insolite pour une femme seule attablée devant une tasse de thé.

Armé de son sourire éclatant, un jeune homme en costume s'approcha d’elle. D’un simple regard, Clémence le fit reculer et s’enfuir jusqu'au comptoir. Aucun homme ne pouvait la combler, il était donc inutile de perdre son temps avec eux. Emma le pourrait peut-être, mais ce n'était pas garanti.

Gregory se présenta à la porte du café, mais Clémence ne le laissa pas venir jusqu’à elle. Alors qu’il avait à peine dépasser le bar, elle se leva et lui déclara bien plus fort que nécessaire :

— Allons-y.

Gêné, il acquiesça et changea de direction pour l'accompagner. Lorsqu’ils parvinrent à l’entrée de l’établissement, elle se retourna pour découvrir le regard amer du jeune homme qu’elle avait rejeté sans un mot. Elle posa sa main contre le dos de Gregory et la laissa doucement glisser jusqu’à ses reins sans cesser de fixer le jeune homme. Rouge écarlate, il se détourna d’elle.

En traversant la chaussée pour rejoindre l’hôtel, Clémence sentit l’humidité qui fleurissait en elle. Sa première victime lui avait permis de s'échauffer un peu.

Après tout ce temps, j’ai enfin trouvé comment faire.

Gregory tremblait en tentant de déclencher l’ouverture magnétique de la porte, si bien que Clémence lui prit gentiment la carte des mains pour débloquer la serrure à sa place.

— Tout va bien, chuchota-t-elle en poussant la porte, viens.

Il ne fallait surtout pas l’affoler ou lui faire perdre ses moyens, pas alors qu’elle était si proche du but. À l’intérieur, Emma était prête. Agenouillée au sol, elle était fermement attachée à l’un des pieds de lit à l’aide d’une chaîne et de menottes. Seulement revêtue d’un déshabillé et d’un string violets qui avaient dû couter plus cher à eux deux que le reste de ses vêtements, elle posa sur eux un regard soulagé et laissa échapper un petit rire nerveux.

— Je ne sais pas trop pourquoi, j’ai cru que vous alliez me laisser ici.

— Aucune chance, répondit Clémence en déboutonnant sa veste.

Le vêtement noir très sage laissa apparaître un bustier qui l’était beaucoup moins. Sans prendre la peine de l’enlever, elle ordonna à Gregory de ne pas l’imiter, alors qu’il tentait déjà de retirer son polo.

— Je le ferai moi-même, insista-t-elle.

En exagérant la lenteur de ses gestes, elle fit glisser la veste sur ses épaules et marcha vers l’un des sièges de la petite suite. Après avoir lissé le tissu sur le dossier, elle déposa son sac sur l’assise et la déplaça la chaise de façon à se positionner de profil par rapport à Gregory et face à Emma pour finir de se dévêtir.

Cette dernière ne perdait rien du spectacle, mais Clémence ne voyait pas chez elle les signes reconnaissables du désir. Elle détaillait chaque parcelle de son corps, mais c’était là le regard d’une femme qui se compare à une autre. Un regard envieux. Avec un sourire satisfait, Clémence repensa à toutes ces heures à suer seule chez elle ou à la salle, sous les regards insistants et libidineux des habitués. Ça n’avait pas été pour rien.

Gregory n’osait plus bouger. Son regard allait d’Emma à Clémence. Comparait-il lui aussi la femme de sa vie à celle de son après-midi ? Non, plus certainement il s’inquiétait de ce qu’il était sur le point de commettre. Son esprit submergé essayait de calculer le taux profit-risque. Comme s’il pouvait s’arrêter. Comme s’il pouvait s’en empêcher. Ses yeux revenaient de moins en moins vers Emma. Ils étaient bloqués, aspirés par la jupe de Clémence qui s’évasait sur la moquette. Sur ses jambes révélées et le très hors-saison porte-jarretelle qui maintenait des bas à peine plus sombres que la peau de le jeune femme.

Son érection devait être douloureuse tant elle tendait le tissu de son pantalon. Clémence avait prévu de jouer bien plus longtemps avec lui, mais il était prêt pour la suite et elle aussi. Elle sentait l’anticipation la torturer. Il aurait fallu résister, profiter de cet instant avant l’assouvissement, mais elle avait attendu trop longtemps.

En passant à côté d’Emma, elle tendit la main vers une mèche de ses cheveux blonds, mais la jeune femme s’écarta. Tant pis.

Clémence se colla entièrement contre le corps de Gregory. Il était dur, large d’épaule, mais pas sculptural comme celui d’un mannequin. C’était un corps de rugbyman. Un corps d’homme mûr.

— Ne bouge pas, lui intima-t-elle à l’oreille.

Gregory frémit mais obtempéra. Si elle le laissait faire, ils se retrouveraient sur le lit au bout de deux minutes et tout serait terminé en moins de dix. Ce désir brutal, ce n’était pas ce qu’elle recherchait.

Sa main glissa sous le polo saumon et s’infiltra sur le ventre poilu. Là encore, il n’y avait que de la dureté, du genre qui faisait fondre les midinettes lorsqu’elle s’affichait sur la plage ou sur les posters géants. Gregory avait su se maintenir en forme. Lentement, Clémence se pencha en soulevant le tissu, jusqu’à ce que sa bouche effleure les muscles velus. Grégory laissa échapper un gémissement, son excitation à son paroxysme. Elle contrôlait son désir et ses pulsions, le transformait en jouet sous ses doigts, sous ses lèvres, sous sa langue. Il tressaillait à chaque fois.

Lorsqu’elle se mit à genoux devant lui, le son des chaînes l’avertit d’un mouvement d’Emma.

— Tourne-toi, ordonna-t-elle à Grégory.

Il ne fallait pas que sa femme en perdre une miette. À présent qu’elle pouvait tout voir dans les moindres détails, Clémence s’autorisa à presser ses lèvres contre la forme trépidante qui poussait contre le tissu du pantalon. Désobéissant, il posa sa main contre sa nuque, enfonçant ses doigts dans les mèches brunes. Elle le laissa faire. Le carré long de Clémence lui chatouillait les épaules, comme si tout son corps était électrisé sous le regard d’Emma.

Clémence utilisa sa langue pour attraper la fermeture éclair du pantalon et la fit descendre avec ses dents. Sans parvenir à percer totalement le voile épais du tissu dont on la libérait peu à peu, la bosse s’en trouva plus impressionnante encore. Les doigts de Gregory se resserrèrent sur les cheveux de la jeune femme, jusqu’à lui tirer la tête en arrière pour plonger son regard dans le sien. Une fois de plus, elle le laissa faire pendant qu’elle défaisait l’unique bouton de son pantalon et y enfonçait les doigts pour trouver ses fesses.

Gregory ne portait pas de sous-vêtements. Clémence manqua de céder au fou rire en découvrant ses fesses nues sous ses doigts. Il était tellement impatient. Le tissu finit par se relâcher et tomba sur les mollets de son propriétaire, libérant l’impressionnante érection.

La pression sur la nuque de Clémence augmenta, la pressant d’aller à la rencontre du monstre, mais cette fois, elle ne le laissa pas faire. L’attrapant au poignet, elle le repoussa sans douceur d’une main, pendant qu’elle saisissait ses bourses de l’autre. Incapable de réagir autrement qu’en grognant, il ne répondit pas lorsqu’elle lui dit :

— Reste sage.

Détachant ses yeux de ceux de Gregory, Clémence tourna son visage vers Emma. Elle déposa de fins baisers sur la verge de son mari tout en dévorant la blonde du regard. Incapable de soutenir son regard Emma détourna les yeux vers le sol, mais sa respiration hachée, ses poings crispés, son désir mêlé d’amertume… c’était ça qu’il lui fallait.

Clémence sentit son propre sexe se tendre dans son bas-ventre. Lorsque les yeux d’Emma revinrent se poser sur elle, elle sentit une goutte d’humidité s’échapper de sa vulve et glisser sur l’intérieur de sa cuisse.

Regarde-moi bien Emma, regarde-moi prendre ce mari que tu aimes tant.

La jeune femme enchaînée tira sur ses poignets par réflexe. Parce qu’Emma ne pouvait pas bouger, parce qu’elle était incapable d’empêcher ce qui allait arriver, Clémence en avait d’autant plus envie. Lorsqu’Emma ouvrit la bouche pour protester, Clémence utilisa la sienne pour avaler le sexe de Gregory.

Le gland était massif, la verge veineuse. Comme le reste du corps, le sexe était celui d’un homme mâture. De nouveau, Gregory désobéit et attira vers lui la tête de son amante et, de nouveau, Clémence le laissa faire. Le rythme des vas-et-vient augmenta. Cela n’avait plus rien de sensuel, c'était bestial. Les mains crispées sur les fesses dures, Clémence accepta son sexe jusqu’au bout, jusque dans sa gorge. Elle avait connu bien pire. Elle avait fait endurer bien pire.

Gregory se tendit, puis laissa échapper un soupir tandis qu’il jouissait dans sa bouche. Clémence n’hésita pas. Ce n’était pas le plaisir de Gregory qui importait, mais ce n'était pas encore le sien non plus. Elle avala tout ce qu’il lui donna, restant collée à lui jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il se laisse tomber en arriver sur le lit en ricanant bêtement. Celle que Clémence devait préserver, c’était Emma. Et pour ça, elle devait préserver l’image qu’Emma avec de l’amante de son mari. Même si ça n’avait aucun sens, il fallait rester glamour jusque dans les moments les plus charnels.

Malgré son apparente vigueur, Gregory avait besoin de repos. Emma semblait tout aussi à bout. En sueur, elle haletait sans raison apparente. Clémence se tourna vers elle et perçut avec une clarté effrayante la douleur que la jeune femme cherchait à cacher. Son excitation explosa. Elle était à nouveau cette jeune fille de treize ans enfermée dans un placard avec son cousin, effarée par le désir qui montait en elle en regardant dans la chambre à travers les persiennes.

Sauf que cette fois, je n’ai pas treize ans. Cette fois, je sais ce que je fais.

Elle arracha sans ménagement le bas du pantalon de Gregory, chaussures et chaussettes suivant la même route. Lorsqu’elle lui caressa les cuisses, Emma bougea à nouveau. Clémence stoppa son geste et tourna son visage dans la direction de la jeune blonde.

— Ça suffit. S’il-te-plaît, arrête.

— Non.

Clémence s’étonna de la colère qu’elle sentait dans sa propre voix. Il n’y avait aucune chance qu’elle s’arrête. Gregory pouvait encore la repousser, mais il ne le ferait pas. Il ne pourrait pas, même après ce qui venait d’arriver, cet homme ne pourrait se réfréner. Il irait jusqu’au bout et elle aussi. La voix d'Emma intervint :

— Pitié, je…

Au grand soulagement de la jeune blonde, Clémence se détacha de Gregory et se déplaça vers ses vêtements pour s’emparer d’un objet dans son sac. Lorsqu’elle revint vers Emma, celle-ci lui présentat ses poignets pour qu’elle la délivre. Clémence jeta la télécommande sur le lit et lui apposa un gag sur la bouche avant de le refermer sans ménagement derrière sa tête. Enfin, elle s’agenouilla devant sa victime un doigt sur les lèvres :

— Chhhhht. Les menottes sont conçus pour que tu ne te blesses pas en tirant dessus, mais si tu forces trop, tu vas quand même t’abimer la peau des poignets. Sois sage maintenant, ajouta-t-elle en passant ses doigts dans la chevelure blonde.

Les yeux écarquillés, Emma la regarda retourner sur son mari et se position à cheval au-dessus de ses cuisses.

— Si tu es bien silencieuse, tu pourras participer un peu, lui promit-elle avec un sourire torve avant d’embrasser son mari à pleine bouche.

Ce dernier réagit en passant ses bras autour d’elle, la pressant contre lui, puis il se mit à parcourir sa peau, explora le moindre recoin accessible. Sans besoin de simuler, elle se laissa aller à gémir sous les caresses. Entre les cuisses musculeuses, le sexe masculin reprit peu à peu sa forme et retrouva sa chaleur. Il pressa bientôt contre la fine barrière de son tanga. Clémence l’accompagna, accentuant chaque pression jusqu’à déformer en profondeur le tissu en dentelle.

— Tourne-toi, lui ordonna-t-elle.

— Pourquoi ?

— Parce que c’est ce qu’il me faut.

Sans comprendre, Gregory obtempéra et changea de position pour se retrouver en travers du lit, permettant à Clémence de le chevaucher en faisant face à sa femme. L’intéressée ne comprenait pas ce qui se passait, mais tout dépendait d’elle. Lorsque Gregory détacha le soutien-gorge et révéla la poitrine menue pour s’en emparer, c’est la crispation du visage d'Emma qui poussa Clémence à s’arquer. Lorsqu’il les lécha jusqu’à les rendre sensibles à l’extrême, c’est sa larme silencieuse qui lui arracha un cri rauque.

Emma ne comprenait pas que c’était à elle que Clémence faisait l’amour, pas encore. La trentenaire ferma les yeux pour retrouver le placard de ses treize ans, tandis que les doigts de Gregory s’infiltraient sous le fin tissu pour trouver son sexe. Rose et son petit copain bien trop vieux faisaient l’amour. Du moins pensaient-ils faire l’amour. Ils étaient nus et forniquaient maladroitement en croyant que cela faisait d’eux des adultes. Dans le réduit sombre, Jérôme pleurait de rage, mais il pressait sa main contre la bosse qui déformait son short. Sans comprendre, Clémence avait fini par l’imiter. Et ce qu’elle avait trouvé…

Un doigt entra en elle, la ramenant à la réalité. Ce n’était pas encore l’instant recherché, celui qui lui permettrait d’atteindre le paroxysme. Dire qu’elle avait failli se laisser aller avant d'avoir atteint son but. Finalement, face à ses désirs elle ne valait pas mieux que Gregory. Après s'être reprise, Clémence se cambra pour faciliter le chemin à son amant, consciente que le sous-vêtement ne se remettrait jamais des déformations qu’ils lui imposaient. Un sacrifice de plus sur l'autel de son plaisir.

D’une main, elle attrapa les bourses de son amant et les caressa doucement. Grégory accompagna ses gestes de ses hanches, mais sans grogner ni gémir. Il s’habituait, mais pas question qu’il se lasse. Clémence se mit à pétrir franchement, cherchant le point de rupture entre le plaisir et la douleur pour y rester, jouant avec le feu. Finalement, tous ces mois d’errance n’avaient pas été en vain. Gregory s’arqua et un instant elle crut qu’il allait jouir à nouveau, mais il se retourna violemment, l’entraînant dans le mouvement avec lui.

Sur le dos, totalement dominé par son amant plus bête qu’homme tant il haletait, elle eut un bref instant de panique. Un flashback d’un autre homme, d’un autre instant de sa vie.

Ce n’était rien, il n’était rien.

Gregory chercha sa bouche, elle la lui refusa. Une fois, deux fois, puis céda à la troisième. Elle ne lui donnerait pas tout ce qu’il voulait. Il devrait batailler. Ils aimaient ça. De sa main libre, il la parcourait, du téton à la gorge, du nombril au mont de Vénus. De la cuisse à la vulve. Elle était prête, si humide qu’elle imbibait déjà les draps à travers le sous-vêtement, mais ce n’était pas encore le moment.

Comme il l’avait fait, elle posa les mains sur sa nuque, enfonça ses ongles dans ses cheveux, puis le guida sur ses seins, sur son ventre, jusqu’au cœur de ses cuisses. Il s’y laissa emmener et lorsqu’il écarta la dentalle pour poser sa langue sur elle, Clémence se cambra à tel point que ses yeux plongèrent dans ceux d’Emma.

Le visage de la jeune blonde avait changé. Rouge, baigné de larmes, mais ce n’était plus seulement celui d’une femme terrassée par le désespoir et la jalousie. Elle y lisait un désir coupable. Celui de voir plus. L’orgasme fut foudroyant.

Gregory ne s’en aperçut pas et continua à la travailler au corps. Alors qu’elle pouvait à peine supporter le contact de sa langue sur son clitoris après avoir joui, il se mit à caresser le reste de son sexe avec ses doigts. Clémence se tortillait, incapable d’en supporter plus. Elle pouvait l’arrêter, un mot, un geste suffirait, mais elle le laissait faire. Ses yeux étaient fixés sur Emma, sur sa poitrine qui rosissait, sur sa respiration qui s’harmonisait avec la sienne, sur ces mouvements spasmodiques qui n’avaient pas vocation à se libérer.

Clémence chercha désespérément la télécommande dans les draps chiffonnés. Entre deux convulsions, elle parvint à s’en emparer.

Gauchère, se souvint-elle avant d’appuyer sur le bouton qui convenait.

Le mécanisme libéra le poignet correspondant et Clémence jeta la télécommande au loin, sachant qu’elle n’aurait plus à s’en servir. Gregory entreprit de s’enfoncer plus profondément, recherchant ce point si particulier juste derrière…

Clémence s’arqua de nouveau sous la caresse. Le plaisir était libéré, le désir à son paroxysme. À peine venait-elle de jouir que son corps la menaçait à nouveau de la renvoyer à la limite de l'orgasme. Elle devait l’arrêter, il fallait qu’elle l’arrête, mais le regard d’Emma l’en empêchait. Confuse la jeune femme la regardait sans comprendre. Alors que le plaisir la tordait, Clémence parvint à lui chuchoter :

— Caresse-toi.

La respiration d’Emma s’accéléra, mais elle n’obtempéra pas. Leurs yeux se détachèrent, ramenant Clémence vers Gregory. Sans un mot, elle l'attira vers elle et essuya son visage luisant avec sa paume en riant avant de l’embrasser. Elle pouvait sentir son sexe contre elle, près à entrer. Elle était si dilatée qu’il y parviendrait sans mal. Avec un grognement, elle sentit le gland épais tenter de tracer son chemin en elle, mais elle le repoussa.

— Attends, demanda-t-elle.

Confus, Gregory se redressa pour la laisser bouger. Clémence lui tourna le dos pour se positionner sur le ventre. De cette façon, elle pouvait voir Emma sans se contorsionner. Avec un regain d’excitation, elle découvrit que le string de la jeune femme était assombrie par l’humidité. Clémence ferma les yeux pour retrouver le placard.

— Je t’adore, lui confia Gregory en se positionnant sur elle.

Son sexe s’abattit sur la fesse droite de Clémence, puis il se recula jusqu’à trouver le sillon entre les deux monts et s’y enfonça lentement, d’une seule traite du gland jusqu’à la garde. À moins d’un mètre, Emma émit un gémissement étouffé que Clémence perçut à peine. Elle était dans l’obscurité avec son cousin, lui avait plongé la main dans son short et l’agitait devant le spectacle qui n’était donné que pour eux.

Elle avait rencontré sa sexualité ce jour-là, découvert les plaisirs humides, trouvé le désir. Ce n’était pas Jérôme qui l’avait attirée, c’était l’amour désespéré qu’il portait à Rose. Ce n’était pas la scène presque burlesque de deux adolescents qui imitaient ce qu’ils croyaient être du sexe qui l’avaient excitée, c’était la rage et la jalousie se transformant en désir. Le désir malgré tout, le désir l’emportait toujours. Jérôme avait fini par la remarquer. Il avait vu sa main masquée sous les vêtements, son bras agité et son visage en feu.

Les coups de boutoirs lui firent ouvrir les yeux sur la réalité. Emma ne détachait plus ses yeux du spectacle qu'ils lui offraient, mais c’était Clémence qu’elle regardait le plus. Ce n’était plus le regard détaché et jaloux de la comparaison, ce n’est plus non plus l’amertume et la frustration de se voir volé celui qu’elle aimait. C’était la victoire du désir qui tel un raz-de-marée submergeait lentement tous les autres sentiments, les envahissait et les déformait. Jusqu’à les emporter.

C’était ce moment que recherchait Clémence, celui-là et aucun autre. D'un mouvement hésitant, Emma releva sa main libre du sol et l’enfonça peu à peu dans son string. Les yeux de la jeune blonde se fermèrent, écrasant une ultime larme, dernier écho de douleur avant d'accepter le feu qui montait en elle.

Gregory était de plus en plus rude, Clémence imita Emma et enfonça son bras droit sous elle pour trouver son clitoris. L’image de la jeune femme qui cherchait son plaisir était plus efficace que la stimulation qu’elle s’offrait ou celle que Gregory pensait lui donner. C’était superbe, le fruit vert de ses treize ans, mais mûri à la perfection jusqu’à l’extase.

Le plaisir faisait vibrer la moindre cellule de son corps. C’était différent du plaisir avorté avec Thomas, ou de celui volé à Karima. C’était intense, mais il lui était offert, trop facilement acquis. Elle flirtait avec un nouvel orgasme sans lui céder. Si elle cédait trop tôt, il serait moins intense. Les grognements de Gregory annonçaient que pour lui aussi, la limite approchait. Elle se concentra sur Emma, son corps de femme contorsionné pour s’offrir un plaisir entrelacé de souffrance face au pire. Gregory accéléra, poussant plus loin en elle, son sexe déformant l’intérieur de son être jusqu’à la limite du supportable. Clémence ferma les yeux.

Jérôme s’était tourné vers elle pour attraper sa main, l’obligeant à révéler l’horrible vérité. Les doigts trempés, Clémence avait eu honte et surtout elle avait eu peur. Sans s'en inquiéter, Jérôme avait tiré sur son bras et refermé ses doigts sur lui. Son sexe était chaud au creux de sa petite main. Il s'était servi d'elle et avait joui entre ses doigts alors que Rose exultait enfin. Clémence avait été son outil, utilisée au bénéfice d'autrui, privée du droit d'accéder au plaisir. Le cri étouffé d'Emma l'obligea à rouvrir les yeux. De nouvelles larmes dévalaient sur les joues écarlates de la jeune blonde, absorbées une à une par la lanière du gag tandis qu'elle se laissait aller à l'ultime plaisir. Clémence se crispa, incapable de s’autoriser à libérer le sien.

Pas encore, pas encore !

Cette fois, personne ne l’arrêterait. Personne ne l’utiliserait sans la laisser aller jusqu’au bout. Gregory recula soudain, sortant sans prévenir pour l’attraper par les hanches. Sa force la surprit lorsqu’il la souleva comme une plume pour la forcer relever les fesses, les genoux plantés dans le matelas, sa tête et ses épaules toujours enfoncées dans les draps. Il entra en elle à nouveau et les coups de hanches contre son corps redoublèrent d’intensité. Clémence n’essayait plus de bouger en rythme avec lui. Il allait trop vite pour même essayer. Elle n’était plus concentrée que sur ses propres doigts qui frottaient désespérément contre le centre de son plaisir et sur le visage d’Emma lorsqu’elle avait joui. Elle dépassa le seuil une seconde de trop.

L’orgasme se répandit en elle comme un poison, partant de sa moëlle épinière pour frapper son corps tout entier en se répandant à travers les nerfs, l'électrisant du sexe jusqu’au doigts de pieds. Tous ses muscles se tendirent. Les vagues de plaisirs refluaient sans cesse, tant et si bien qu’elle crut qu’elle allait perdre connaissance. Gregory explosa en elle, mettant fin à son supplice. Elle sentit son désir se répandre en elle, assouvi, sale, inutile. Il se laissa tomber sur son dos, puis sur le côté.

Clémence laissa ses cuisses tremblantes retrouver le contact des draps. Elle n’avait plus la force de bouger. Elle l’avait fait, elle avait réussi à nouveau. Et cette fois elle en était sûre, elle savait comment faire.

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