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Le réveil fut brutal. L’envie d’uriner était si forte qu’elle parvint à tirer Clémence de son coma bienheureux. L’esprit embrumé, elle se heurta à plusieurs reprises aux murs avant d’atteindre la salle d’eau. Il faisait une chaleur du diable dans le salon, si bien qu’elle se délesta de son pull collé à sa peau par la sueur et l'abandonna par terre. La lumière de la lune occultée par les épais rideaux était son seul éclairage en l’absence des interrupteurs dont elle aurait eu besoin et qui semblaient tous avoir changé de place.

Une fois soulagée, elle tâtonna à la recherche du robinet et fronça les sourcils lorsqu’elle reconnut la forme de mélangeurs manuels à la place du mitigeur. Luttant pour retrouver ses esprits, Clémence ne parvenait pas à se rappeler pourquoi on lui avait remis un vieux modèle.

En haussant les épaules, elle se dit qu’il fallait baisser le chauffage, c’était bien trop étouffant. Une fois sortie de la salle d’eau, rien ne semblait à sa place. C’était le bon parquet, le même couloir, mais les murs avaient changé de position et l’odeur n’était pas la même. Ayant finalement trouvé la chambre, elle se laissa couler sur le lit.

Les draps sentaient bon, mais ce n’était pas le parfum suave et léger qu’elle connaissait. Ce lit avait l’odeur forte et virile d’un homme. Plus que tout, il sentait la luxure, comme si on venait d'y faire l'amour. Clémence sourit en enfonçant son visage dans les draps pour humer l'émanation licencieuse. Instinctivement, elle commença à se caresser le ventre, la poitrine, le sexe. Bien vite, l’envie gagna en intensité et ses doigts se glissèrent sous sa culotte, à la recherche d’un plaisir solitaire ensommeillé.

Les sensations douces l’envahirent, ne parvenant pas à calmer le feu dans son estomac et son bas-ventre. Elle bougeait de plus en plus, sans arriver à la libération dont elle rêvait. L’image d’Axelle et de leur baiser passionné s’imposa à elle. Son clitoris gonfla en réponse, ce qui l’excita encore davantage. Ses mouvements de bassin finirent par faire bouger le matelas plus que de raison et elle s’arrêta, persuadée qu’elle allait tomber tant les murs tangaient, mais le vertige passa et un grognement proche se fit entendre.

La main droite toujours en mouvement entre ses cuisses, Clémence chercha de l’autre la source du son et trouva une épaule si monstrueuse qu’elle peina à l’identifier comme telle. Ses doigts parcoururent les muscles striés, trouvèrent la poitrine, puis le ventre, avant de glisser sur les draps qui couvraient le bassin.

Elle était là, déjà gonflée en réponse à ses caresses et grandissant par à-coups. Elle s’empara doucement de la verge à travers le tissu et la sentit repousser ses doigts en s’élargissant encore. Sous sa culotte, ses doigts bougeaient de plus en plus vite. Ce sexe offert la ramena à celui de Thomas, dont elle s’était emparé de la même façon. Un sexe qui ne l’avait pas satisfaite, qui ne lui avait rien donné. Elle le serra pour le punir, provoquant un nouveau grognement, puis un son inattendu.

— Qu… Clémence ?

Elle ne répondit pas. Parler l’aurait définitivement réveillée et elle préférait ce demi-sommeil cotonneux sans conséquences. Elle préférait rêver, ne pas penser à la suite, à la fuite de Thomas, à la disparition de Karima, au rejet d’Axelle. Tant que le rêve ne prenait pas fin, elle pouvait continuer de le vivre. Sa main passa sous le drap et trouva la peau chaude et pulsante. Ce désir, c’était pour elle qu’il battait. Ses doigts caressèrent le sexe durci depuis la base jusqu’au gland totalement exposé. Cela la surprit un peu, mais elle continua à le masser avec lenteur, imprimant les mêmes mouvements à ses hanches.

Pourquoi Thomas avait-il fui ? Elle lui avait pourtant donné du plaisir...

— Clémence, ça suffit !

Il allait fuir, lui aussi. Elle se contorsionna et prit le gland en bouche sans ménagement. Le grognement surpris la poussa à enfoncer ses doigts plus profondément en elle. Il lui répétait d’arrêter, la suppliait, mais il bougeait en rythme avec elle. Il ne fuyait pas, il en avait envie lui aussi. Elle l’avait piégé avec son désir et elle irait jusqu’au bout.

Une main immense se posa sur sa nuque et caressa ses cheveux. Elle connaissait bien ce geste et savait ce qu’elle devait faire. Le sexe s’enfonça plus profondément à chaque aller-retour, jusqu’à trouver sa gorge. Elle l’accepta, poussant jusqu’à ce que son nez s'écrase contre les abdominaux tendus à l'extrême. Elle se nourrit de son odeur et de cette chaleur qui émanait de sa peau parsemée de poils doux. 

Les grognements se muèrent en longs gémissements, mais Clémence s’interrompit. Continuant le massage de sa main gauche, elle se glissa plus près pour embrasser les cuisses, le ventre, les testicules. Enfin, elle se hissa sur lui, étonnée de la largeur du bassin musculeux sur lequel elle se tenait.

— Tu ne sais pas ce que tu fais, lui souffla-t-il.

Elle le relâcha un court instant pour se débarrasser de sa brassière et attrapa ses mains immenses pour les plaquer contre sa poitrine menue. Lorsqu’elle recommença à le caresser, les mains se mirent en mouvement. Il ne la contredisait plus, ne demandait plus grâce. Il avait abandonné toute idée de rébellion.

Ses mains étaient calleuses et dures. Elles se mirent à la parcourir, puis se plaquèrent contre son dos et l’obligèrent à venir jusqu’à lui. Leurs lèvres se rencontrèrent sans douceur, dans une étreinte si forte que la tête de Clémence tourna durant un moment. Elle sentait confusément la barbe de son amant, en se demandant quand il l’avait laissée pousser. Sa main fine chercha son visage, ses cheveux courts ébouriffés, sa nuque si large. Tout n’était qu’épaisseur dans ce corps contre lequel elle se pressait.

Le sentir en elle lui était vital. Elle rabattit le sexe contre le ventre de son propriétaire et se colla à lui, fiévreuse à l’idée que presque plus rien ne les séparait. Il suffirait qu’il écarte le tissu et il pourrait entrer en elle pour la ravager. Elle voulait le sentir écarter ses chairs, sans douceur ni attention. Elle le voulait au plus profond d’elle, lui labourant son ventre jusqu’à lui vider la tête.

Les doigts de son amant se glissèrent sous la culotte au niveau des hanches et Clémence laissa échapper un gémissement d’anticipation. Au lieu d'être doucement écarté, le tissu fut déchiré d'un geste brusque et s’envola aussitôt.

Pour la première fois, elle ressentit une forme de vulnérabilité. La force qui s’imposait à elle était trop forte, presque dangereuse. La tête lui tournait plus que jamais, mais ses hanches continuaient de bouger. Plaquée entre leurs deux corps, la verge creusait maintenant à travers ses lèvres, ouvrait sa vulve à force de frottements. C’était effrayant, c’était excitant.

Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je continue ?

Le monde vola et le dessus devint le dessous. Le poids écrasant des hanches de son amant lui arracha un cri de désir, des lèvres dures l’étouffèrent aussitôt sous une barbe épaisse. Le sexe pulsant contre son ventre reculait lentement. Il fallait le stopper ou ce serait bientôt trop tard, mais ses mains étaient collées à ce dos si large, à ses muscles puissants qui jouaient sous la peau rèche. Il fallait dire non, mais sa langue était collée à celle de son amant, le cherchant, le repoussant et l’attirant tour à tour.

Le gland passa sur son mont de Vénus, dernier rempart de chair avant son clitoris. Lorsqu’il glissa sur dessus et trouva sa vulve, elle voulut lui crier d’arrêter. Au lieu de ça, elle se cambra de plaisir et soupira un :

— Oui !

Leurs sexes étaient si lubrifiés que ses lèvres s’écartèrent en roulant sans résistance contre le colossal bélier de chair. Alors qu’elle était prête à tout pour l’empêcher d’entrer en elle, ses hanches agitées de spasme le cherchèrent, l’avalèrent. Comme pour l'empêcher de reculer, ses chevilles se croisèrent sur les reins de Manel.

Manel… c’est Manel ! s’alarma-t-elle.

Trop tard. Leurs sexes s’unissaient, chassant l’information superflue, vidant sa tête à mesure que son ventre se remplissait. Il reflua et elle soupira d’aise, mais il revint aussitôt à la charge, tandis qu’elle se contractait autour de lui. Les cris éperdus de Nadia lui revinrent en mémoire. La façon dont elle hurlait, presque comme pour crier grâce. Il n’avait pas eu pitié d’elle, pas plus qu’il n’en aurait pour Clémence.

Les mouvements se transformèrent en coups de boutoirs à mesure qu’il avançait toujours plus loin, s’aventurant en elle bien plus loin qu’elle ne l’avait espéré. Elle cessa ses caresses pour s’agripper à lui. Elle le sentait se déplacer en elle plus qu’aucun autre avant lui, le plaisir brûlant de son contact renforcé chaque fois qu’il s’enfonçait jusqu’à atteindre des profondeurs insoupçonnées. Clémence ouvrit la bouche, mais ce n’était pas pour supplier. Elle l’encouragea et le poussa à plus de brutalité.

Il redoubla d’élan, séparant sa bouche de la sienne pour gagner en amplitude. Les ongles de Clémence griffèrent sa peau en s’y accrochant. C’était douloureux, c’était trop bon. Rien d’autre n’existait plus que cette parcelle de leur chair qui les reliait. Elle ne sentait plus son souffle contre son cou, le chatouillis de sa barbe contre sa joue ou la main caleuse qui s’entêtait à parcourir sa peau. Elle ne sentait plus ses propres jambes, ses cuisses écartées à l’extrême contre les hanches du géant. Elle ne sentait plus que ce sexe ardent qui dévorait sa chair et faisait fondre ses méninges.

— Clémence, je n’en peux plus !

La phrase était incongrue, déplacée. Elle avait dépassé ce stade depuis longtemps. C’était sans importance, seul comptait ces coups contre elle, ces coups en elle. Le rythme s’accéléra encore et encore, dépassant les sommets, lui faisant perdre la mesure de son propre plaisir jusqu’à ce qu’il se fige dans un dernier effort.

Manel jouissait. Elle sentit le sexe de son amant pulser plus fort que jamais, puis goûta la puissance du jet qui tambourinait contre le fond de son vagin. Elle s’affola.

Il jouit en moi ! Non !

Ils avaient fait l’amour et c’était seulement à présent que tout était fini qu’elle le réalisait. L’aberration de la situation lui sauta au visage. Elle avait trompé Axelle avec leur voisin. L’expression inquiète de sa compagne le jour où elle avait découvert Manel en train de la masser lui revint en mémoire ; dire qu'elle l'avait trouvée ridicule à l'époque. Clémence avait rompu sa promesse de ne pas la brusquer, trahi sa confiance et pour finir probablement brisé le couple du jeune homme.

Elle aurait dû se sentir coupable ou encore plus honteuse qu’après le départ d’Axelle, mais elle avait déjà touché le fond. Ne restait que la sensation de ce corps si lourd contre le sien, de ces bras titanesques qui l’enserraient. Manel se laisser glisser sur le côté pour ne pas l’écraser et elle se laissa blottir contre ce corps monumental. Entre ces bras, contre ce torse, elle avait l’impression d’être une enfant, une chose précieuse et fragile qu’il fallait protéger. C’était la sensation inverse de ses étreintes avec Axelle. Pour l’heure, c’était exactement ce dont elle avait besoin.

Demain, il faudrait affronter les conséquences mais, en attendant, le monde des rêves l’appelait. Elle s’y réfugia.

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