Natacha

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Trente ans… de réclusion criminelle. Seules deux accusations peuvent générer une peine aussi lourde…

Je suis sans voix. Le garçon que j’aime est un criminel. Et pas n’importe lequel si j’en crois sa condamnation. Vite, je repasse en mémoire les affaires de ces trois dernières années : seules deux grosses affaires retiennent mon attention. Le casse de la banque de Saint-Pierre et le meurtre atroce d’une femme à Saint-Philippe. Avant que je puisse mieux réfléchir, Nathan se lance dans son histoire, le visage perdu dans le vide.

Je le ramène vers le lit, l’y assoit et me blottit contre lui : c’est la seule chose que je puisse faire pour le réconforter. J’ai comme l’impression qu’il revit sa descente aux enfers. Lorsqu’il arrive à parler de ce “il”, il se crispe, son coeur s’accélère et je peux sentir la haine qui bout en lui. J’ai comme un mauvais pressentiment.

Pourvu qu’il ne parle pas de cet homme-là…

  • Nathan. C’est qui ce il ?

Il me regarde les yeux humides mais il ne lâche aucune larme. Il reprend son histoire. Mes craintes sont fondées : il s’agit bien de l’homme sur lequel Vauraud et Patrick bossent depuis des années. Maître Jurausi. Un avocat plus que véreux. Un homme abominable. Il trempe dans plusieurs affaires de corruption mais efface soigneusement ses traces. Et le père de Nathan lui a emprunté plus de cent milles euros : de quoi signer son arrêt de mort.

Il a réussi à planifier un braquage de banque à dix-sept ans. S’il avait voulu verser dans le crime organisé, nous aurions eu les plus grandes peines du monde à le coincer. Heureusement que non…

Enfin c’est ce que tu espères n’est-ce pas ?

  • Nathan… Pourquoi trente ans ?
  • Je… Je n’étais pas au lycée à ce moment-là et Mathéis non plus… Personnellement, j’étais… j’étais avec une fille… m’avoue-t-il en rougissant.

Aïe ! Ca pique !

  • Et mon frère n’a jamais voulu dire où il se trouvait, poursuit-il. Il n’avait pas d’alibi... Papa était à l’hôpital, dans un état critique, maman aux portes de la mort… Je… Je ne pouvais pas laisser Myra toute seule. Je me suis dénoncé. Comme c’est moi qui ai monté le plan, Mathéis a été innocenté et j’ai pris seul la condamnation sur les épaules. Une autre personne était dans le coup mais je n’ai jamais su qui elle était et je ne pouvais donc pas la vendre. Simplement, elle s’est chargé de payer Jurausi et je n’ai plus entendu parler de lui. Comme ils n’ont jamais retrouvé l'argent, j'ai écopé de la peine maximale.

Je suis soulagée. Ce n’est pas un criminel… Il a juste voulu sauver son frère et sa sœur. Il ne reste qu’une question en suspens. Question que Steve s’empresse de poser.

  • Seigneur ! Avec quelle genre de personne je me suis acoquiné moi ?
  • En gros, une fichue menteuse et un pseudo-criminel. C’est pas joli, joli sur un CV ça… je lui réponds.
  • Nathan, recommence Steven. Nat a dit que vous vous retrouvez sur la même affaire tous les deux. Explique.

Il soupire et passe une main nerveuse dans ses cheveux.

  • Varas… le directeur de la prison de Domenjo... Varas m’a proposé un deal. Il y a un énorme trafic qui part du lycée Saint-Sauveur. Je dois découvrir quoi, comment, pourquoi. En échange… J’aurai droit à une réduction de peine. De moitié… Bien que je doute de sa parole. Ce n’est pas tout… Varaud a découvert une trace ADN sur les lieux du casse : il correspondrait à l’un d’entre nous ; je parle de Mathéis et de moi, du moins quelqu’un de la famille. Varaud sait que j’étais avec une fille mais Mathéis n’a toujours pas voulu nous avouer où il était. Ils… ils me font une sorte de chantage.

Je tombe des nues. Varaud ? Du chantage ? Il est bien loin de l’homme que je croyais connaître… Pour Varas cela ne m’étonne pas du tout : pour être là où il est aujourd’hui il ne s’est pas gêné pour en écraser quelques-uns…

  • Donc… si je comprends bien… Varas te fais chanter avec mon petit Mathéis…
  • Depuis quand c’est ton petit Mathéis ? le questionnai-je, moqueuse.
  • Depuis que j’ai vu sa photo dans la chambre de Nathan tiens !

Steven réussit à nous arracher un sourire.

  • Mon dieu, reprend-il plus sérieusement. Je n’aurai jamais imaginé en vous rencontrant tous les deux que vous pourriez me cacher des histoires pareilles ! Beaucoup de questions restent en suspens… mais une chose est sûre. Nous allons travailler de concert sur cette fameuse affaire.
  • Steven. Tu es mineur je te le rappelle. Ce n’est pas sans danger.
  • Et donc ? Je prépare un gros coup moi aussi. Je ne peux pas encore vous en parler mais… je vais le faire. Bientôt. Sachez juste qu’il est prévu pour dans moins de deux ans. D’ici là, je veux vous savoir heureux et en sécurité. Et je compte faire tout ce qui est en mon pouvoir pour y arriver.

Dans moins de deux ans ? Avant son mariage avec Virginie alors.

Je ne sais pas pourquoi cette pensée est venue à ce moment précis. En tout cas, les mots de Steven me vont droit au cœur. Nathan, lui, est resté silencieux.

  • Nathan. Regarde-nous, lui demandai-je et il obtempère. Cela ne change rien tu vois… Nous sommes ce que nous sommes. Avec nos casseroles et nos défauts. Je vous adore tous les deux. Steven en trois mois est devenu mon meilleur ami, le seul capable de me réconforter quand j’en ai besoin. Et toi Nathan… Tu as réussi à réveiller en moi des sentiments que je croyais ne plus pouvoir ressentir. Merci à tous les deux.
  • Oh bichette ! Ne me sors pas des mots comme ça au milieu de la nuit ! Tu vas me faire pleurer ! Bon… Je vous laisse les amoureux…
  • Tu peux rester, il y a suffisamment de place pour nous trois.
  • Beurk ! Les ménages à trois très peu pour moi ! Je vais dans ta chambre ! Enfin, ton ex-chambre !

Il me fait un clin d'œil et à chacun un bisou puis s’en va. Nathan n’a toujours pas décroché un mot. Il semble perdu dans son propre monde.

  • La Terre appelle Nathan ? La Terre appelle Nathan !
  • Je… Je suis désolé Nat… J’étais…
  • Très loin… J’ai vu ça.

Je m’allonge et le prend dans mes bras. Je repose sa tête sur ma poitrine et lui caresse les cheveux. Lui-même pose un bras sur mon ventre et me serre.

  • Maintenant que tu sais tout… Que va-t-il se passer ? me demande-t-il.
  • C’est vrai qu’être avec un criminel pour une enquêtrice c’est le pompon.

Il se crispe contre moi.

Idiot.

  • Et toi maintenant que tu sais que tu es amoureux d’une vieille, maman et mariée en plus ?

Il se détend. Je peux même sentir qu’il sourit.

  • C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes non ?
  • Oh !

Je le tape. Il me prend dans ses bras et me retourne. Il est à califourchon sur moi, les deux bras de part et d’autre de ma tête. Il sourit enfin.

  • Pour moi… Ça ne change rien.
  • Pour moi non plus…
  • Nat… Je vais devoir rester en prison encore des années…
  • Non. Tu n’es pas coupable. Et je ferai tout, absolument tout pour te blanchir.

Il plonge sa tête dans mon cou et y frotte son nez, avant de lever son visage et de m’embrasser tendrement.

Je peux enfin me laisser aller...

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