Chapitre 42
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Rose
Jeanne et Marcus chuchotent face à moi lorsque je quitte leur père des yeux et se mettent à glousser en nous dévisageant tour à tour tandis que Thérèse apporte la corbeille de fruits. Clairement, ils n’arrêtent pas, tous les deux, depuis hier soir. Leur père a beau leur avoir demandé de rester discrets, il est certain qu’ils ont eu la langue bien pendue, pour preuve le regard tueur dont Aimée m’a gratifiée lorsque je l’ai croisée dans les escaliers. Je suis quasiment certaine qu’elle a, à un moment donné, eu l’idée de me pousser pour me rompre le cou.
Thérèse aussi est au courant. Il a suffi d’un simple “en voilà une bonne nouvelle !” pour que je comprenne que cette fameuse nouvelle a été ébruitée… Et si Thérèse est au courant, tout le domaine l’est dans la journée, impossible qu’il en soit autrement.
Je crois n’avoir jamais vu Philippe aussi affaissé sur sa chaise et aussi peu attentif à l’exposé des enfants concernant leur journée et leurs nouveaux apprentissages. Il faut dire qu’il a glissé sa main sur ma cuisse et qu’il joue avec le tissu de ma robe entre chaque plat, à demi perdu dans ses pensées, ce qui n’est apparemment pas la bonne solution pour suivre une conversation.
Je le rejoins dans son bureau après avoir passé un moment avec Julie, qui a appris par Babeth qui l’a su de la bouche d’une Aimée contrariée, elle-même au courant grâce à Marcus, ou de je ne sais plus qui, que Philippe et moi parlions mariage… Évidemment, ma dame de compagnie est une curieuse qui me trouve chanceuse, quand bien même mon tuteur est trop fermé à son goût, un poil trop ronchon et froid…
— Puis-je vous déranger, Monsieur ? questionné-je en refermant déjà la porte derrière moi.
— Tu sais bien que tu es toujours la bienvenue, Rose, sourit-il. Je viens de me mettre sur les approvisionnements pour la ferme... C’est une histoire sans fin.
Comme à mon habitude, je m’assieds sur le rebord du bureau et me penche sur ces documents qu’il passe son temps à consulter et compléter.
— Et donc, ça, c’est toi ou moi qui devrai gérer à l’avenir ?
— Je peux continuer à le faire, ça ne me dérange pas, finit-il par répondre alors que son attention s’est portée quelques secondes sur mon corps.
— Et moi alors, qu’est-ce que je vais avoir à accomplir ? Je veux dire… à part te faire des marmots, j’entends, murmuré-je en promenant mes doigts sur son avant-bras.
Je suis contente de constater que je le déconcentre totalement car il met un temps toujours plus important à répondre.
— Je ne sais pas, moi. Qu’est-ce qui t’intéresse ? Tu veux apprendre à gérer avec moi ? Cela peut être agréable de travailler à deux. Et de faire plein d’autres choses ensemble aussi, ajoute-t-il en posant sa main sur la mienne.
Je noue nos doigts et lui souris, me penche pour déposer un baiser sur sa joue et pousse un petit cri lorsqu’il m’attire sur ses genoux.
— Gérer ensemble ? Tu veux dire, comme deux égaux ? minaudé-je en jouant avec le col de sa chemise.
— Ce n’est pas comme ça que tu veux vivre notre relation ? Tu veux te soumettre au moindre de mes désirs ? Moi, je m’adapte, tu sais. Mais maintenant que toi et moi, c’est du sérieux, il va falloir réfléchir à tout ça. Et ne crois pas que parce que tu es mignonne, je vais dire oui à tout. Quoique… tu es irrésistible, je le pense vraiment.
— Et toi, ne crois surtout pas que parce que je suis une femme, je vais me soumettre sans broncher. J’accepte déjà le mariage, c’est un sacré retournement de situation, tu ne trouves pas ?
— Je n’aimerais pas que tu te soumettes sans broncher, non. Mais que tu continues à me dire oui, j’avoue que j’apprécie beaucoup, répond-il toujours avec son petit sourire coquin dans sa barbe.
— J’ai l’esprit de contradiction, tu n’as vraiment pas de chance avec moi… A quoi dois-je dire oui ? lui demandé-je en passant mes bras autour de son cou.
— Alors, avant le mariage, on va être raisonnables et tu as un peu de temps pour te préparer. Mais après… je te promets que tu n’auras pas envie de dire non à mes caresses partout sur ton corps, ni à mes baisers qui viendront se poser à des endroits que tu n’imagines même pas.
Je sens mes joues s’échauffer, mais pas que… Il se passe un truc dans mon ventre, bien plus puissant que lorsque je suis seule dans mon lit. Mon Dieu, il fait un peu chaud, non ? D’autant plus que les mains de Philippe se promènent sur mes hanches et dans mon dos alors que ses yeux ne sont pas moins sages.
— Mon esprit de contradiction passe après ma lucidité, pouffé-je. Je sais choisir mes batailles et je n’ai aucune envie de partir en guerre alors que tu me proposes du plaisir.
— Je crois que tu n’as aucune conscience encore de tout ce plaisir que l’on peut ne connaître que quand on est en couple, ma jolie fiancée. Je t’assure que la nuit de noces, tu ne vas jamais l’oublier, et que je vais tout faire pour réussir à ce que tu en oublies ton nom. Il faut vraiment vite qu’on trouve une date et qu’on organise tout, je suis déjà impatient de goûter à ces moments délicieux.
Je me redresse légèrement et l’observe quelques secondes avant de poser mes lèvres sur les siennes. Philippe m’enserre contre lui tout en investissant ma bouche et c’est un peu haletants que nous terminons.
— Pourquoi attendre si tu es si impatient ?
— Parce que ça ne serait pas convenable de nous présenter devant l’autel sans avoir respecté ta pureté, voyons ! Et que l’attente est agréable, non ?
Il ponctue sa phrase d’un léger baiser mais surtout de sa main qui glisse sur ma jambe et caresse ma peau. C’est à mon tour de ne pas répondre et je savoure les sensations qui m’assaillent. Ma épiderme se couvre de frissons et je serre les cuisses sans pouvoir m’en empêcher lorsque sa main remonte au-dessus de mon genou.
— Et ta pureté à toi, dans tout cela ? Pourquoi devrais-je l’être à tout prix ? Qui saura si ce n’est pas le cas, hormis toi et moi ?
— Cela marche dans les deux sens. Je peux t’assurer que je ne vais pas aller voir ailleurs avant le mariage. Je n’ai que toi en tête. Quant à ce qui est de savoir, à part Dieu, toi et moi, nous le saurons. C’est important de respecter ses valeurs et ses principes, tu ne penses pas ? Nous aurons tout le reste de nos vies pour profiter de cette intimité charnelle qui te met le rose aux joues. Tu es si belle…
— Julie a raison, tu es bien trop fermé, soupiré-je en m’écartant légèrement sans pour autant quitter ses genoux.
Je m’évente de ma main en riant doucement. Bien sûr que j’ai le rouge aux joues, c’était prévisible étant donné la conversation que nous avons ainsi que son regard posé sur moi avec bien plus de franchise qu’auparavant. Philippe ne cache plus son attirance pour moi et cela me donne chaud. Je dénoue le col de ma robe et tire sur les pans pour m’offrir un peu de fraîcheur, mais les yeux de mon futur époux qui lorgnent sur mon décolleté ne m’aident pas… En ai-je seulement envie ? Ce petit jeu est des plus émoustillants.
— M’épouserais-tu si je n’étais plus vertueuse ?
— Oh Rose, pourquoi me tentes-tu ainsi ? s’exclame-t-il en essayant de refermer un peu ma robe avant de me regarder intensément. Je crois que jamais, je n’abandonnerai l’idée de t’épouser tellement j’estime être chanceux. Et ce n’est pas que pour ce corps qui est l’expression de la plus pure des perfections, tu sais ? J’adore cette personnalité qui te caractérise, ce naturel que tu mets en avant à tout moment. Mais il faut que tu comprennes que j’ai des principes, qu’ils font partie de moi et que je dois m’y tenir si je veux continuer à me respecter.
Je lève les yeux au ciel et embrasse sa mâchoire à plusieurs reprises, me dirigeant lentement vers sa bouche que je finis par capturer tandis qu’il laisse échapper un petit gémissement.
— Suis-je vertueuse si je me caresse, seule dans mon lit, la nuit en pensant à toi ? murmuré-je contre ses lèvres.
— Tu fais quoi ? s’étrangle-t-il avant de rougir légèrement et de me regarder avec de grands yeux.
— Crois-tu qu’une femme qui doit rester vierge jusqu’au mariage ne prend pas le temps de faire connaissance avec son propre corps ? Depuis quelque temps, j’ai découvert comment décupler mon plaisir… Il suffit que j’imagine tes mains à la place des miennes. Il va vraiment falloir que je fasse preuve de beaucoup d’imagination jusqu’au mariage, soupiré-je.
Mon petit jeu semble bien fonctionner même si mon chaperon ne cède pas. Ses yeux sont brillants d’envie et il me serait difficile de ne pas remarquer et sentir la bosse qui se trouve sous ma cuisse, d’apprécier son souffle plus court qui percute mon visage et ses mains crispées sur mes hanches… Je dois avouer que sa résistance m’émoustille particulièrement, elle me donne envie de le faire craquer, certes, mais elle me rend aussi admirative. Quelle ténacité !
— Je t’assure que ton imagination a raison et que c’est encore mieux quand c’est ton mari qui s’occupe de toi… Mais arrête donc de parler de tout ça, tu me mets dans tous mes états !
— C’est bien l’objectif, susurré-je en mordillant sa lèvre inférieure. Je veux que tu t’endormes en pensant à moi comme moi je pense à toi. Que ta nuit soit peuplée de rêves où nous sommes nus l’un contre l’autre, que tu te réveilles le corps échauffé avec l’envie folle de venir me retrouver.
— Je crois que je n’ai pas besoin de toi pour faire ce genre de rêves, grogne-t-il d’une voix rauque. Et je t’en supplie, cesse de me tenter ainsi alors que toi comme moi, nous savons bien que rien ne pourra se passer avant le mariage dont nous n’avons même pas encore la date…
— Très bien, m’exclamé-je en me levant. Je te laisse choisir la date, mon cher, mais j’ose espérer que tu feras au plus vite… Qui sait, je pourrais bien retrouver la raison et changer d’avis sur cette histoire de mariage… ou mourir de frustration d’ici là. Votre résistance est épatante quoiqu’un peu blessante, Monsieur.
— Est-ce que tu appelles ça “résister” ? me demande-t-il en passant sa main derrière ma nuque pour attraper avec vigueur ma bouche de ses lèvres gourmandes et m’embrasser jusqu’à me faire perdre haleine.
Un gloussement m’échappe tandis que je me lèche les lèvres, mutine mais surtout déstabilisée par son attaque. Va-t-il vraiment craquer ou est-ce seulement un avertissement ? Je n’ose penser à ce que je préférerais… Fauter ? En suis-je réellement capable ?
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