Chapitre 44

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Les filles parlent des garçons

Rose

Les yeux clos, il me faut quelques secondes pour me remémorer pourquoi je ne suis pas dans mon lit, qui se trouve dans mon dos et enserre mon corps comme s’il avait peur que je disparaisse. J’ai besoin d’un peu plus de temps encore pour comprendre pourquoi mes lèvres s’étirent dans un sourire que je ne peux réfréner, ou encore le frisson qui parcourt tout mon corps quand les lèvres de Philippe caressent mon épaule. Sa main posée sous mon sein s’étend davantage, son pouce frôle mon téton et un grognement sexy lui échappe. Mon sourire s’élargit encore davantage, si c’est possible, et je crois que j’envisage vraiment, pour la première fois, l’obligation du mariage comme quelque chose de positif. J’ai même hâte et ça, c’est quelque chose !

Philippe est encore nu de notre petite séance de la veille et rien que d’y penser, je sens mon visage s’enflammer et mon bas-ventre se tordre d’envie. Le soleil perce à travers les gros rideaux mal fermés, mon envie de l’observer prend le dessus sur le confort total dans lequel je suis, et je me retourne doucement pour découvrir son sourire et ses cheveux en pagaille. Malgré ses yeux encore clos, Philippe semble éveillé et il n’est pas le seul, impossible de manquer son érection lorsqu’il m’attire tout contre lui. Je n’ose imaginer la tête que j’ai et je suis persuadée que l’effet décoiffé qui le rend d’autant plus attirant ne doit pas être aussi agréable à regarder de mon côté.

— Tu ne regrettes pas ? chuchoté-je en embrassant sa mâchoire barbue à plusieurs reprises.

— La seule chose que je regrette, c’est de ne pas encore avoir dit oui devant Monsieur le Curé, là, répond-il en faisant glisser ses doigts sur la courbe de mes seins.

Jamais mon corps ne m’a paru aussi réceptif. Mon éducation m’a poussée à contrôler mes gestes, peser mes mots, cacher mes émotions. Evidemment, je n’ai jamais été très douée pour la plupart de ces choses, mais je n’ai jamais eu à contrôler un frémissement comme celui qui me saisit, non plus… Je n’ai même pas envie de le cacher, je ne doute pas que voir mon épiderme réagir de la sorte plaît à mon futur époux.

— Peu importe la date que tu as choisie, avance-la de plusieurs semaines, alors. Je n’ai pas envie d’attendre… Est-ce que l’image de la jeune femme indépendante que tu as de moi en prend un coup ? ris-je.

— Non, mais la jeune femme devrait retourner dans sa chambre avant que l’on ne jase à notre sujet. J’espère cependant que tu sauras te montrer aussi peu raisonnable rapidement. J’ai beaucoup apprécié cette première nuit en ta compagnie.

Je soupire et m’assieds, peu décidée à quitter cette chambre. Je dois avouer que cela a quelque chose d’étrange d’être dans ce lit en tant qu’adulte, avec un homme, alors qu’il s’agissait de la chambre de mes parents. Je me sens quelque peu nostalgique, mais cette émotion se dissipe rapidement quand mon fiancé passe son bras autour de ma taille. De sa main libre, il rassemble mes cheveux sur une de mes épaules et embrasse ma nuque, mordille ma peau à m’en tirer un gémissement. J’ai encore moins envie de quitter le lit, mais il me relâche et s’éloigne comme si je risquais de le brûler, ce qui me fait sourire.

Je sors du lit et récupère ma chemise de nuit pour l’enfiler. Je ne manque pas le regard gourmand de Philippe sur mon corps et j’en joue en ondulant des hanches et en prenant tout mon temps.

— Votre fils jase à notre sujet depuis deux jours, Monsieur, je doute qu’une ou deux rumeurs supplémentaires soient si terribles.

— Eh bien, sauvons les apparences qui peuvent encore l’être alors, Jeune Femme. Et surtout, revenez vite, ordre de votre tuteur.

J’acquiesce et lui envoie un baiser avant de sortir de la chambre, non sans avoir jeté un regard dans le couloir pour vérifier que personne n’est présent. Malheureusement pour moi, la porte qui donne sur l’escalier des domestiques s’ouvre quelques secondes plus tard et Thérèse et Julie entrent dans le couloir. Je me fige, espérant être tout à coup devenue invisible, mais c’est trop tard. La cuisinière croise mon regard, observe le couloir dans mon dos, puis revient à moi et chuchote je ne sais quoi à ma dame de compagnie avant qu’elles n’éclatent de rire toutes les deux. Je lève les yeux au ciel et reprends ma marche, quelque peu rassurée de voir qu’elles ne semblent pas choquées.

— Mesdames, marmonné-je de mauvaise grâce. Vous êtes en avance, non ?

— Je pense que c’est vous qui avez pris du retard avec vos activités nocturnes, Madame, pouffe Julie.

— Je vous interdis de parler de cela à qui que ce soit, toutes les deux. Si cela revient aux oreilles de quelqu’un d’autre, Philippe va m’étriper et vous avec… Mon audace lui plaît, semble-t-il, tant que cela reste discret et ne risque pas de nuire à sa réputation.

— Nous resterons bouche cousue, nous, répond Thérèse avant de sourire doucement. Pas comme toi, si j’en crois ta mine ravie. Je ne te savais pas si audacieuse, en effet. C’est ton tuteur qui doit être content et apprécier !

Je dois rougir lourdement, mais je ne réponds pas et entre dans ma chambre pour me préparer. Je suis plutôt étonnée de voir Thérèse nous suivre, Julie et moi, mais je ne le lui fais pas remarquer et pars à la recherche de ma robe du jour.

— Je n’ai pas envie qu’il change d’avis par peur du jugement d’autrui, il faut bien que je le rende fou de moi, non ?

— Et tu sais déjà faire ça ? Je me demande ce qu’on t’a enseigné en Angleterre, se moque gentiment Thérèse, mais ça me semble bien loin de ce que je m’imaginais.

— Je… Doit-on réellement parler de cela ? Je n’ai jamais dit que nous avions fait… la chose, Thérèse. Philippe tient absolument à ce que ma vertu soit intacte lors de notre mariage.

— Donc juste la bouche, c’est bien ça ? renchérit ma dame de compagnie qui semble vouloir avoir tous les détails croustillants. Avec la barbe, ça doit être particulièrement émoustillant !

Je me sens vraimment stupide, à cet instant. Il est évident que Julie et Thérèse sont bien plus expérimentées que moi à ce propos, et je me demande si je ne devrais pas leur demander conseil, ou s’il est préférable de faire comme si je savais de quoi nous parlons… Si ma mère avait été là, lui aurais-je parlé de tout ceci ?

— Je… Évidemment que nous nous sommes embrassés. Quel est le rapport avec la barbe ? Je vous rappelle que je suis censée être une jeune femme totalement ignorante de tout ce qui touche aux relation intimes avec un homme, mesdames, soupiré-je. Histoire d’attirer les hommes…

— Ah la barbe… Lorsqu’elle se frotte sur des endroits sensibles et un peu humides, ça donne des papillons dans le ventre…

— Et ça rend tout beaucoup plus humide aussi ! Les papillons ont vite fait de s’envoler et de faire tourner la tête avec un amant doué.

Il est vrai que j’ai apprécié sentir sa barbe sur ma poitrine et plus généralement sur ma peau. Un petit couinement ridicule m’échappe lorsque j’imagine ces sensations là où il me caressait hier soir… La bouche, est-ce donc de cela qu’elles parlent ?

— Vous me faites peur, paniqué-je en me laissant tomber sur la chaise de ma coiffeuse. Philippe a déjà été marié et moi je vais être totalement ridicule sans aucune expérience !

— Ne t’en fais pas, il va tout t’expliquer s’il t’aime vraiment. C’est ça aussi, épouser quelqu’un, faire des découvertes à deux.

— Il n’y a aucune découverte à deux puisqu’il sait déjà ce qu’il a à faire et ce que je dois moi aussi faire, bougonné-je en me coiffant. C’est… angoissant pour moi.

— Vous verrez, Madame, il va sûrement apprendre plein de choses avec vous. Je doute que son ancienne épouse ait eu la même liberté de vivre et d’expérimenter que vous. Et puis quel plaisir d’être avec un homme qui sait ce qu’il faut faire pour nous emmener au septième ciel !

Je hausse les épaules, peu certaine et légèrement contrariée par toutes ces informations. Je crois que j’aurais réellement préféré retrouver ma chambre dans le calme et surtout sur mon petit nuage. Tout ceci devient bien trop réel pour moi à présent, finis les rêves agréables et la légèreté de cette nuit. J’ai confiance en Philippe, il s’est montré très respectueux et doux, tendre et aventureux à la fois, mais je me rends compte que, de mon côté, je n’ai rien fait pour son plaisir à lui.

— Je n’en doute pas… J’espère juste qu’il ne me trouvera pas ridicule. J’ai un peu eu l’impression de ne rien faire, hier soir, alors que lui me faisait beaucoup de bien, lancé-je presque timidement, le rouge aux joues.

— Oh, Philippe est vraiment un gentleman, on dirait. Est-ce qu’il t’a dit qu’il était déçu ? Est-ce qu’il ne veut plus te voir ? Vu comment tu rougis, je ne crois pas. Je suis sûre qu’il a apprécié autant que toi, ma petite. Tu as de la chance, je crois, tu t’es trouvé un mari attentionné.

Je ne réponds pas immédiatement, laisse Julie terminer ma coiffure et file ensuite me déshabiller derrière le paravent.

— C’est vrai qu’il a été très attentionné… J’ai d’ailleurs un peu de mal à me dire que l’homme que j’ai rencontré il y a quelques mois est le même que celui avec lequel je me suis réveillée ce matin. Est-ce que j’étais aveugle ou a-t-il changé ces derniers temps, selon vous ?

— Il a retrouvé le sourire et la joie de vivre, c’est déjà un petit miracle. Et contrairement à son ami Louis, il n’est jamais venu partager ma couche mais s’est toujours occupé de vous, Madame. Je crois que vous avez juste réussi à le faire redevenir lui-même. Et je suis jalouse car Louis a l’air moins délicat que votre futur mari.

— Ne parle pas de ce voyou, bougonne Thérèse en laçant ma robe dans mon dos.

Je souris tout en pensant aux mots de Julie. Peut-être a-t-elle raison, il semble que le domaine de Valois lui a fait le plus grand bien. Les enfants se sentent bien ici et si la présence de tout ce petit monde me dérangeait lorsqu’ils sont arrivés, j’ai du mal à imaginer la maison sans les pas précipités de Marcus qui hurle à sa soeur de l’attraper, sans les soupirs de Jeanne qui l’implore d’arrêter de l’ennuyer, sans les ronchonnements d’Aimée qui peine à les faire réciter leurs devoirs, et sans les regards de Philippe, tantôt attendris sur ses enfants, tantôt brûlants à mon attention. Suis-je d’ailleurs égoïste d’avoir hâte d’être à ce soir pour me glisser à nouveau dans sa couche ?

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