Chapitre 45

11 minutes de lecture

Lettre anonyme

Philippe

J’ai l’impression de la sentir partout sur mon corps. J’ai fait mes ablutions ce matin en me levant pourtant, mais son odeur est toujours présente. Peut-être que je me l’imagine, que je me fais des idées mais je jurerais qu’elle est là, avec moi, dans ce bureau où je passe tant de temps. Et aujourd’hui, je m’amuse encore moins que d’habitude. Vu comment ça se passe avec Rose, il ne faut plus que je perde de temps. Je dois prévenir sa tante et l’inviter à revenir en France pour que le mariage soit célébré au plus vite. Je ne vais pas tenir longtemps, moi, à ce rythme-là. C’est tellement difficile de lui résister que j’en suis à me demander si je ne devrais pas aller m’installer loin du domaine le temps que la cérémonie ait lieu. Sinon, adieu sa vertu et mon honneur. J’en arrive même à me dire que tout ça ne serait pas si grave. Je vais l’épouser quoi qu’il se passe, non ?

Je regarde le papier sur lequel pour l’instant, je n’ai écrit que : “Madame, j’espère que ce mot vous trouvera en bonne santé.” Et depuis, je sèche. Je ne sais vraiment pas comment lui annoncer que j’ai trouvé un prétendant, qu’il est parfait pour elle mais que l’heureux élu n’est autre que moi-même. Quand elle va le découvrir, elle serait capable de me faire couper la tête ou d’essayer d’annuler le mariage. Comment faut-il que je lui présente les choses ? J’y vais en douceur ? Ou quitte à lui dire, autant le faire par courrier pour que sa colère redescende le temps qu’elle arrive ici ? Que de questions auxquelles je ne sais pas répondre. Pourquoi n’ai-je pas tout simplement rempli ma mission ? Parce que c’est la plus jolie femme qui existe sur cette Terre ? Parce que des femmes comme Rose, il n’y en a pas deux au monde ? Parce qu’elle a une personnalité extraordinaire ? C’est fou tout ce que je ressens pour elle. Moi qui voulais lui résister, c’est raté.

Je repose ma plume sur le papier mais sursaute lorsque l’on frappe à la porte. Je sens l’énervement monter car j’ai demandé à ne pas être dérangé, mais je me calme tout de suite en voyant apparaître les visages rayonnants de mes enfants qui entrent lorsque je les y invite.

— Vous avez réussi à perdre Aimée dans les couloirs ? leur demandé-je alors qu’ils viennent tous les deux près de moi et que je les enlace pour leur faire un câlin, comme j’ai appris à les aimer depuis que Rose est entrée dans nos vies.

— Elle nous a envoyés nous défouler. Il semblerait que nous soyons insupportables aujourd’hui, glousse ma fille.

— Je crois qu’elle n’aime pas trop qu’on parle de votre mariage, Père, chuchote Marcus sur le ton de la confidence.

— Vous parlez du mariage ? Mais pourquoi ? Qu’est-ce que vous manigancez tous les deux ? Vous savez que ce n’est pas pour tout de suite ?

— C’est pour quand ? Est-ce que nous allons rester vivre ici ?

— Est-ce que j’aurai droit à une nouvelle robe pour le mariage ?

— Et est-ce que Rose devient notre mère ?

— Et vous, père, vous deviendrez Vicomte ?

Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire en les entendant ainsi enchaîner les questions sans même reprendre leur souffle. On dirait qu’ils se projettent beaucoup plus que moi, là. Je note que m’entendre ainsi vocaliser les surprend toujours, ils m’observent en silence, à la fois heureux et empressés que je leur réponde.

— Alors, je vais essayer de ne pas oublier de réponse. Donc, pour commencer, on n’a pas encore de date. Il faut que je prévienne la tante de Rose et voir si elle veut venir ou pas. S’il faut l’attendre, ce sera un peu plus long. Et je pense que nous allons rester ici, oui. On est bien, non ?

Pour les deux autres questions, les réponses sont un peu plus complexes et je prends le temps de réfléchir à la formulation de ce que je vais leur dire.

— Rose ne sera pas votre mère, non. On n’a qu’une maman dans la vie. Mais elle sera là pour vous comme pourrait l’être une mère. C’est un peu compliqué à expliquer, je ne sais pas si vous voyez la petite différence. Et moi, je ne sais pas si je deviens Vicomte ou pas. Les affaires de nobles, ça me dépasse, j’avoue. Votre curiosité est-elle satisfaite ?

— Louis va-t-il rester avec nous, Père ? m’interroge mon fils après réflexion.

— Pourquoi demandez-vous ça ? Cela a un rapport avec le mariage ?

— Marcus et moi voulons lui trouver une femme, maintenant que Rose et vous êtes ensemble, sourit Jeanne. S’il reste, nous aurons plus de temps, vous comprenez ?

— Je ne suis pas sûr qu’il se contente d’une seule femme, les enfants. Il n’est pas comme moi et n’a pas la chance d’avoir la femme parfaite amoureuse de lui. Mais c’est gentil de penser ainsi à lui. Vous devriez peut-être aller le voir et lui demander ce qu’il veut faire ? Comme ça, vous pourrez l’aider à réaliser ses rêves, ça vous dit ?

— Je crois qu’il en pince pour Aimée, Père… Mais elle n’a pas l’air trop d’accord, elle… Viens, Marcus, allons le voir. Et, Père ! Vous ne m’avez pas répondu pour la robe… Je voudrais une jolie toilette pour le mariage, pensez-vous que ce sera possible ? Les miennes commencent à être trop petites.

Je soupire doucement car je réalise avec cette question que le mariage va coûter cher et que je ne sais pas si j’ai assez redressé le domaine pour nous permettre de faire tout ce que tout le monde va vouloir. Il faudra que j’en parle à Rose pour voir ce qu’elle veut vraiment. Tant de choses encore à organiser !

— Bien sûr, Jeanne. Vous serez la plus belle des jeunes filles et vous pourrez choisir une robe mais il faudra en parler avec Rose. Je suis sûr qu’elle a des idées de couleurs ou de formes. Allez donc voir Louis et laissez-moi travailler maintenant, j’ai un courrier à écrire.

— Merci ! s’agite ma fille en plantant un baiser sur ma joue avant d’entraîner son frère dans son sillage pour quitter la pièce.

Quel bonheur de les voir grandir ainsi et leur enthousiasme pour ce mariage tout juste annoncé fait vraiment chaud au cœur. C’est plein de cette énergie qu’ils m’ont transmise que je me remets à mon courrier. “J’ai une excellente nouvelle à vous annoncer. Votre nièce a choisi son prétendant et il me faut organiser désormais le mariage. Souhaitez-vous que l’on vous attende pour que vous puissiez y participer ? Avez-vous des recommandations à me faire pour cette organisation ?”

Alors que je réfléchis à la suite, je lève les yeux au ciel alors qu’on frappe à nouveau à la porte du bureau. Je n’ai pas le temps d’être exaspéré que l’objet de toutes mes rêveries débarque, le sourire aux lèvres et le regard malicieux qui me plait tant.

— Je vous prie de m’excuser pour le dérangement, Monsieur, mais il se trouve que j’ai une urgence à traiter avec vous, me lance-t-elle en venant s’asseoir sur le rebord de mon bureau.

Cette façon qu’elle a de m’appeler “Monsieur” me rend fou. Elle y met toute l’irrévérence qu’elle peut tout en laissant planer ce désir de soumission. J’en perds mes mots à chaque fois qu’elle m’interpelle de la sorte, la coquine s’en est sûrement rendu compte et elle en joue avec un talent incroyable. Elle ne joue pas que de ça, en plus. La vue qu’elle m’offre en me surplombant ainsi me coupe toujours autant le souffle. Je pose ma main sur sa jambe avant de lui répondre.

— Une urgence, vraiment ? Je suis à votre écoute, charmante Rose. Et à vos ordres, bien entendu.

— Il se trouve que depuis que j’ai quitté la couche de mon futur époux ce matin, je n’ai eu droit à aucun baiser et… je crois que je suis en manque, susurre-t-elle en se penchant vers moi.

Oh, moi aussi, je suis en manque. Et pas que de bisous si je veux être honnête avec moi-même. Il suffit que je sente la douceur de ses lèvres sur les miennes pour que les plus folles idées me traversent l’esprit. Vraiment, je ne sais pas comment je vais faire pour être raisonnable.

— Rose, finis-je par dire en reculant un peu la tête. Tu sais que tu me rends fou de désir ? Je… C’est une vraie torture d’essayer de te résister.

— N’est-ce pas toi qui m’as dit que l’attente rendrait les choses encore meilleures ?

— Si j’ai dit ça, c’est que je suis encore plus bête que je ne le croyais ! Est-il vraiment possible que tu sois amoureuse de quelqu’un qui dit de telles inepties ?

— Peut-être ne suis-je attirée que par ton côté ronchon, tes sourcils froncés et cette bouche tentatrice qui me donne envie d’être à cette nuit ?

Oh la la, il faut vraiment qu’elle arrête parce que j’ai tout de suite plein d’images en tête. Je ne peux que penser à son corps sublime et dénudé, j’imagine la douceur de sa peau sous mes doigts, son goût délicieux sous ma langue. Je suis à deux doigts de me lever et de la déshabiller là, tout de suite, encore plus lorsque je capte son regard porté sur mon entrejambe qui se met bien évidemment en valeur.

— Je ne sais pas si on va pouvoir attendre la nuit, grogné-je en remontant ma main le long de sa cuisse. Je finis mon courrier et on se retrouve pour un petit câlin ?

— Ce courrier ne peut vraiment pas attendre ? m’interroge-t-elle en tirant sur le col de ma chemise pour m’embrasser plus franchement.

Je réponds à ce baiser avec une passion que je ne peux maîtriser. Je l’attire sur mes genoux et elle s’enroule immédiatement autour de moi, en se frottant contre mon membre qui se dresse et durcit pour elle. J’attrape sa langue entre mes lèvres et prolonge cet instant en commençant à dégrafer le haut de sa robe. Elle ne fait rien pour m’arrêter, au contraire, elle gémit doucement et passe sa main sous ma chemise, directement sur mon torse.

— Rose, grondé-je en parvenant enfin à la repousser. Promis, je finis ce courrier et je te retrouve dans ta chambre, indiqué-je, le souffle court. Plus vite je préviendrai ta tante, plus vite on pourra se marier.

— On peut aussi organiser cela la semaine prochaine et envoyer un courrier précisant que c’est fait. Je n’ai pas forcément envie de la voir, soupire-t-elle en récupérant la lettre pour la lire.

Elle ferme un instant les yeux lorsque mes lèvres trouvent le chemin de son cou et je me fais un plaisir de la déconcentrer en empaumant un de ses seins que je caresse à travers le fin tissu de sa robe. La dureté de son téton entre mes doigts témoigne de son niveau d’excitation et mes résolutions sont en train de partir en fumée. Cependant, la curiosité semble plus forte que son désir car elle finit par rouvrir les yeux alors que je continue mes caresses. Mais brusquement, elle me repousse et, à ma grande surprise, se lève et s’écarte un peu de moi. Je ne comprends pas pourquoi mais elle a l’air ulcérée.

— Que se passe-t-il, Rose ? J’ai fait quelque chose qui t’a déplu ?

— S’il n’y en avait qu’une… Je n’ai aucune envie que ma tante interfère dans notre mariage. D’ailleurs, est-ce vraiment notre mariage ? Es-tu bien le marié ? Ton nom n’apparaît nulle part dans cette lettre.

— Je ne pense pas que ce soit correct de l’informer par écrit, murmuré-je, ne sachant pas comment répondre à son agacement. Je t’assure que je suis bien le marié mais si je l’écris comme ça, elle ne comprendra pas qu’entre nous, il y a vraiment de l’amour. Elle ne verra qu’un homme mûr qui profite de l’innocence de la jeune vicomtesse dont il a la charge. Par contre, si elle vient, je suis convaincu que nos regards ne pourront que trahir ce que nous ressentons l’un pour l’autre. Quelle meilleure preuve que de nous voir ensemble ?

— Et si on s’en fiche de son avis ? Je te signale que ma tante m’a suggéré d’épouser un vieux pour ne pas avoir à le supporter très longtemps et hériter de son argent. Dis-le si tu n’assumes pas, ne me fais pas miroiter un mariage que tu vas finir par annuler parce que tu es mal à l’aise, je t’en conjure.

— Je n’ai aucune envie d’annuler ce mariage qui va nous unir, Rose, je te le promets du fond du cœur. Mais ta tante est le seul obstacle qui peut encore se dresser entre nous et je veux mettre toutes nos chances de notre côté. Tu comprends ? Il ne faut pas que tu doutes de mon amour pour toi, mais là, c’est de la… stratégie ?

— Eh bien, ta stratégie ne me plaît pas du tout. Marie n’a pas son mot à dire, elle m’a confiée à toi. Mais tu fais comme tu veux, après tout, je ne suis qu’une femme, je ne comprends rien à ton besoin de faire de la stratégie, marmonne-t-elle en se dirigeant vers la porte. Je vais aller faire une balade à cheval, on se voit ce soir pour le dîner.

Je n’ai pas le temps de répondre que déjà elle sort de la pièce. J’ai un douloureux sentiment de manque et d’échec qui me transperce le cœur. Je bondis à sa suite et la rattrape avant qu’elle ne me referme la porte au nez, comme c’était son intention.

— Rose, attends. Je…

Je ne vais pas plus loin mais l’embrasse à nouveau en la serrant contre moi. D’abord réticente, elle ne tarde pas à répondre à mon baiser même si elle y met moins de passion que quelques minutes auparavant.

— On se retrouve ce soir ? Fais attention à toi à cheval, d’accord ? Et pour ma stratégie, je sais qu’elle ne te plaît pas mais je ne peux pas faire autrement pour l’instant… J’espère que tu peux le comprendre…

— Il y a bien trop de choses que je ne comprends pas dans ce monde, je te laisse gérer tout cela. Peu m’importe, fais ce que tu veux, tant que tu ne me lâches pas en cours de route. A plus tard, cher tuteur.

Elle dépose un nouveau baiser rapide sur mes lèvres et s’éloigne, visiblement moins en colère que quelques instants auparavant. J’hésite à la poursuivre pour continuer à apaiser ses doutes et ses peurs mais j’ai un courrier à terminer. Et plus vite il sera envoyé, plus vite j’aurai l’opportunité de me laisser aller à toutes ces folies que j’espère connaître avec Rose. Ce soir, si elle vient bien me rejoindre, jusqu’où nos envies nous porteront-elles ?

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0