Chapitre 51

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Le calme avant la tempête

Philippe

Je descends de la calèche et tends la main à Rose pour l’aider à en faire de même. Je sais qu’elle n’aime pas être traitée comme une faible femme mais le sourire qu’elle m’adresse me rassure sur le fait qu’elle apprécie tout de même ma galanterie, surtout que j’en profite pour la serrer contre moi et lui voler un rapide baiser. Je ne peux me passer de tous ces petits contacts, c’est insensé. De l’autre côté de la calèche, Maxence aide Jeanne et Marcus et je fais signe à ma petite famille de me suivre vers le bord du Loing où nous allons profiter du beau temps pour faire un petit tour en barque sur la rivière.

Cette sortie n’était pas préméditée mais j’en ai eu assez de Tante Marie qui continue son travail de sape et fait tout pour empêcher le mariage de se produire. Si Rose avait quelque réticence à précipiter tant les choses, je crois que désormais, elle est satisfaite que nos fiançailles ne s’éternisent pas. C’est lourd au quotidien d’avoir quelqu’un qui vous rabaisse constamment et fait tout pour détruire la relation dans laquelle vous croyez tant.

Alors que les enfants courent et papillonnent devant nous vers l’embarcadère, je prends la main de Rose et la serre entre mes doigts. Elle se presse contre mon épaule et nous avançons de concert, en profitant du chant des oiseaux qui semblent célébrer en avance notre union. Je ne peux m’empêcher d’admirer ses jolies formes, son sourire charmeur et ses yeux rieurs. Elle est tout simplement magnifique et je suis plus amoureux de jour en jour. Je sais que je ne suis pas en train de faire une erreur et que j’ai enfin eu la chance de rencontrer une femme qui sache à la fois me faire rêver, fantasmer et qui est en mesure d’être mon égale dans bien des domaines. Si quelqu’un m’avait prédit ça à mon arrivée au domaine des Valois, je lui aurais ri au nez, mais la réalité est là, concrète, à mes côtés et mon cœur est rempli d’allégresse.

Nous montons dans une grande barque à fond plat et je m’installe entre les rames. Rose me fait face tandis que les enfants s’installent à ses côtés. Le propriétaire de la barque nous pousse et nous voilà partis à l’aventure sur la rivière. Je bande mes muscles pour nous faire avancer et je pense que le spectacle plaît à Rose dont le regard plein d’envie ne ment pas.

— C’est agréable, cette petite promenade, n’est-ce pas ? demandé-je pour m’assurer que je ne suis pas le seul à profiter de la félicité de ce moment.

— C’est magnifique, constate Jeanne d’un air rêveur. Poétique et très romantique.

— On pourra se baigner, Père ?

— Se baigner ? Non, pas aujourd’hui. Vous n’allez pas mouiller vos habits quand même ! ris-je. Faites comme votre sœur, appréciez le côté romantique et bucolique de la navigation. Et si vous ne faites pas trop de bruit, on apercevra peut-être un héron ou des grèbes. Qui sait, peut-être un renard aussi ?

Je sais que c’est le genre de choses qui peuvent attirer son attention et effectivement, il reporte son regard sur les berges pour tenter d’apercevoir un animal. Pour l’instant, à part quelques vaches dans les prairies, c’est plutôt calme.

— Vous n’auriez pas dû nous emmener afin de rester en tête à tête avec Rose, reprend Jeanne. Vous devriez profiter tant qu’il n’y a pas d’autres enfants dans la famille. Tante Marie dit que les vôtres seront insupportables.

— Tante Marie dit n’importe quoi ! m’agacé-je. Si Rose souhaite vous faire un petit frère ou une petite sœur, il n’y a pas de raison qu’ils soient différents de vous. D’ailleurs, en parlant de ça, vous en pensez quoi de l’idée d’agrandir la famille ? Rose, tu peux répondre aussi, lui lancé-je alors que je la vois surprise par la tournure de la discussion.

— Justement, sourit Jeanne, Tante Marie trouve que je ne suis pas très bien éduquée.

— Et elle a bien tort, intervient Rose. Tante Marie devrait prendre le temps d’observer sa propre fille avant de se permettre une quelconque remarque, et je serais fière d’avoir des enfants qui vous ressemblent.

J’aime bien l’entendre prendre la défense de mes enfants, cela me donne l’impression qu’elle les considère déjà un peu comme les siens.

— Et ça va, vous êtes prêts pour le mariage ? Vous vous êtes faits à l’idée que Rose va intégrer notre petite famille ? Moi, j’ai hâte, j’avoue, mais si vous ne le sentiez pas, on pourrait attendre un peu, rien ne presse vraiment.

A part Tante Marie et son entreprise de sape en sous main, mais bon, s’ils ont besoin de temps, il faudra bien qu’on s’adapte un peu.

— Pourquoi attendre, si vous vous aimez ? demande Marcus en haussant les épaules avant de pouffer. Heureusement que ce n’est pas Tante Marie que vous épousez, c’est tout.

— Oh là là, oui ! glousse Jeanne. Ce serait horrible !

— J’ai longuement hésité, mais Rose embrasse bien mieux ! m’amusé-je à répondre, tout sourire. N’est-ce pas, charmante fiancée ?

— Je trouve vos critères un peu limites, Monsieur, plaisante cette dernière. J’ose tout de même espérer que vous êtes plus exigeant que cela, sans quoi nous risquerions de rapidement nous ennuyer, tous les deux.

Heureusement que je suis en train de ramer et que je ne peux pas lui sauter dessus, parce que sa façon de m’appeler “Monsieur” a toujours cette fâcheuse tendance à me donner envie de l’embrasser. Et dans une barque, on risquerait de tous finir par dessus bord !

— J’ai bien d’autres critères mais pour certains, je ne peux les évoquer devant les chastes oreilles des enfants ! Quant à ceux dont je peux parler, il y a ton ouverture d’esprit, ton intelligence, ta personnalité, ton caractère. J’espère vraiment que Jeanne va prendre modèle sur toi. Et Marcus aussi d’ailleurs !

— T’entends-tu ? s’esclaffe Rose. Il me semble me souvenir que tu espérais grandement que ta fille ne prenne pas exemple sur moi lors de votre arrivée au domaine. Les choses ont bien changé.

— Je croyais avoir affaire à une noble stupide et sans principe et j’ai découvert une princesse charmante, intelligente et pleine de caractère. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, ma chère Rose. Et je suis ravi de voir que vous vous entendez tous si bien et que vous êtes tous prêts pour le mariage ce samedi. Les trois prochains jours vont vite passer, je crois.

— Ne dites pas ça, Père, vous allez faire paniquer Rose, ricane ma fille.

— Dis-donc, fais attention, jeune fille, s’esclaffe ma future épouse. Je ne suis absolument pas paniquée, tout va bien et tout est en ordre… N’est-ce pas, Philippe ?

— Je ne sais pas, répliqué-je comme si je m’inquiétais réellement.

Sentant que ce n’est pas le genre de sujets dont il faut rigoler longtemps, je reprends tout de suite.

— BIen sûr que tout est en ordre. Les invitations sont parties, les courses pour le repas sont prévues, la musique sera au rendez-vous et les habits des futurs mariés ont été livrés au domaine. Il faut juste qu’on discute avec le prêtre tout à l’heure et il ne restera que Tante Marie à convaincre qu’il est trop tard pour tout annuler !

— Marcus et Jeanne sont prêts à l’enfermer dans les écuries le grand jour, si besoin… Alors tout est réglé.

— On peut vraiment faire ça ? demande Marcus, tellement excité que je suis obligé de stabiliser la barque pour ne pas qu’elle se renverse.

Tout le monde éclate de rire devant cette réaction et nous continuons notre petite promenade le long des méandres du Loing avant de faire demi-tour et de rentrer dans une ambiance bon enfant qui me procure beaucoup de joie et me laisse imaginer ce à quoi va ressembler notre vie à quatre. Je n’en reviens pas que Rose ait su prendre cette place sans créer plus de tension que ça alors que je pensais qu’ils étaient traumatisés par la perte de leur mère. Si je veux être honnête, c’était moi le traumatisé de l’histoire…

Lorsque nous entrons dans le château, les enfants se précipitent vers Aimée pour lui faire un récit détaillé de tout ce qu’ils ont vu. Je constate que le prêtre est déjà là et qu’il est en grande discussion avec Marie dans le salon. Que peut-elle être en train de lui raconter, cette langue de vipère ? Avec Rose à mes côtés, nous nous approchons doucement, si bien qu’elle ne remarque pas que nous sommes arrivés et continue sa diatribe contre le mariage.

— Vous comprenez bien, mon Père, que je cherche simplement à protéger ma nièce, qui me semble un peu trop influençable à cause de son jeune âge. Les enfants sont son point faible et il est évident qu’elle les apprécie énormément, si bien qu’elle doit faire un amalgame entre ce qu’elle veut réellement pour sa vie et cet attachement.

Mais elle abuse vraiment, là ! Comment peut-elle parler ainsi à cet homme d’église qui risque de la croire ?

— Et l’amour d’un homme respectueux, ça n’a pas de valeur à vos yeux ? l’interpellé-je. Et le fait que nous souhaitions officialiser devant Dieu notre relation, c’est important aussi, non ? A moins que vous ne préfériez nous voir sombrer dans le péché de chair ?

— Je préférerais que Rose s’unisse à un homme qui n’en a pas après son argent et son domaine, grince la tante en lançant un regard entendu à sa nièce.

— Vous vous répétez un peu trop, ma Tante, soupire cette dernière. Il est temps d’accepter les choses et de vous plier à nos intentions.

— Je me répète parce qu’il faut bien que je me fasse entendre ! Quelle folie d’épouser cet homme plus âgé et qui n’est même pas remis de sa blessure ! Je ne suis même pas sûre qu’il puisse effectuer son devoir marital !

Mon sang ne fait qu’un tour. Elle a dépassé les limites et je me moque que le prêtre soit là et assiste à ma colère, je vais lui faire comprendre qu’on ne m’insulte pas comme ça sans conséquences.

— Marie, ça suffit maintenant ! Encore un mot déplacé et je vais vous montrer que blessure ou pas blessure, je sais me faire respecter. Je vous préviens, vous faites encore une remarque et je vous remets directement dans un bâteau pour l’Angleterre ! Après vous avoir torturé pendant des heures et fait regretter chacune de vos tentatives d’éloigner Rose de moi. Me suis-je bien fait comprendre ? la menacé-je en la dominant de toute ma taille.

Elle recule un peu, visiblement effrayée par ma réaction et c’est Rose qui cherche à me calmer en posant sa main sur mon bras pour me retenir.

— Philippe, laisse Marie parler. Elle ne détient pas la vérité, c’est dommage pour elle mais rien n’y changera. Tout ce qui compte se trouvait sur cette barque, chuchote-t-elle à mon oreille avant d’embrasser ma joue.

Sa voix m’apaise immédiatement et je reprends contrôle de ma colère. Je baisse le bras que j’avais levé vers Marie et la regarde sans aucune sympathie.

— Vous êtes prévenue, Marie, expliqué-je plus doucement. Le mariage aura lieu, que vous soyez d’accord ou pas. J’espère que vous saurez désormais garder pour vous vos remarques et, si c’est le cas, vous serez la bienvenue à la cérémonie. Je sais que Rose tient à ce que vous soyez là, vous et votre fille êtes sa seule famille. Mais si vous ne savez pas vous tenir, je n’aurai aucun scrupule à vous renvoyer chez vous. Suis-je clair ? Vous pouvez nous laisser, nous devons discuter de la cérémonie avec le prêtre, c’est pour ça que je l’ai fait venir, pas pour que vous persifliez à ses oreilles.

Je me retiens de rire lorsque je la vois pincer ses lèvres et se retenir de parler. Cela doit la démanger de m’adresser une pique, mais elle se contient et m’adresse un regard méprisant avant de faire une révérence devant le prêtre et de sortir de la pièce. Tout de suite, c’est comme si la tension retombait et je m’excuse auprès de l’homme de foi avant de m’installer aux côtés de Rose pour discuter avec lui de la cérémonie. Il a l’air aussi soulagé que nous du départ de la tante de ma fiancée et l’échange que nous avons est cordial. En un rien de temps, nous avons choisi les textes et les chants. Je sens que ça va être une belle cérémonie et cela me réjouit. Je retrouve la sérénité qui avait présidé à ce début de journée sur la rivière et cela m’apaise, autant que la main de Rose dans la mienne et sa présence à mes côtés. Maintenant que tout est prêt, même Tante Marie ne pourra pas nous empêcher de nous marier. Ma fiancée sera très vite ma femme.

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