On nait, on grandit, on se construit, on apprend de la vie, de nos rencontres, de nos envies. On fait comme on peut, avec ce que l'on nous donne, de notre mieux. Un jour, on pense avoir trouvé la bonne personne, elle nous fait vibrer, accélère notre corps au-delà du rythme cardiaque. Elle nous touche, nous fait rire, nous impressionne. Elle est belle, intelligente, une créature parfaite à nos yeux.

Mais le temps passe…

On se réveille alors un matin avec l’impression que plus rien n’est comme avant. Les années ont transformé la relation, y insinuant une détestable monotonie, une affreuse routine organisée dans les moindres détails. Métro, boulot, dodo…

Sans oublier le câlin du dimanche. Enfin de câlin, ça n’en a plus que le nom. Les préliminaires et la spontanéité ont disparu au profit de l’efficacité et de la praticité. Dix minutes, chaque semaine, d’un plaisir devenu mécanique, ordonné, sans saveur.

Vite fait, mal fait, comme on dit…

Puis ce sont des réflexions. On se reproche des choses qui devraient être normales dans un couple. On dit adieu à la fougue des baisers passionnés, aux caresses lourdes de sens, à l’affection dispensée sans semonces…

On reste sur le dos, la bite tendue, le regard vide, espérant ressentir quelque chose dans cette étreinte programmée, attendue mais dénuée de tendresse. Ça ne vient plus…

Alors, on essaye de faire des efforts, on tente de ranimer la flamme. Des gestes, de la spontanéité, un renouveau plus que nécessaire, vital. On fait attention à son allure, à sa désirabilité, mais l’autre côté coince. Alors, on a l’impression de ne plus rien valoir, d’être un objet de satisfaction égoïste, un trophée qu’on brandit de temps en temps en société pour se convaincre qu’on a réussi sa vie, une flaque d’espoir dans un océan d’indifférence.

On se côtoie par habitude, on se regarde sans vraiment se voir, on se parle sans vraiment s’écouter, on s’explique sans se comprendre…

Puis un jour, quelqu’un vous montre de l’intérêt, collègue, ami, connaissance, inconnu. Des regards qui se croisent, des sourires, une chaleur dans le ventre. On nous admire, nous donne de l’attention, de l’importance. On cherche à nous séduire et ça redonne un second souffle, ranime un cœur à demi meurtri en attisant une curiosité devenue presque vitale.

Mais on doute, on se remet en question, sa vie, sa relation, l'autre. Les choses peuvent-elles s’arranger ? Suis-je une bonne personne ? Va-t-il enfin me tendre une main ? Me faire comprendre que tout peut changer ? En a-t-il seulement envie ?

Alors, on se laisse aller, on profite de cette attirance qui n’est pas forcément réciproque juste parce qu’elle nous fait du bien. On en joue tout en restant sur la défensive, un pas à la fois. Mais on ne peut s’empêcher de s’en vouloir d’être aussi faible, de ne pas être capable de résister, de faire ça dans son dos. On dit stop, on s’excuse, s’enfonçant un peu plus dans la culpabilité. Tout est notre faute ! Avons-nous seulement fait un seul bon choix dans notre vie ? Sommes-nous prêts à tout détruire juste pour retrouver la fièvre du désir partagé, de la réciprocité affective ? Ces sentiments que l’on croit mériter ?

Explose une dispute, des mots qui blessent, qui tranchent le cœur. On n’en pense pas la moitié, mais on crie quand même. On déchire les restes d’une relation en disgrâce depuis longtemps sans réellement croire à sa fin. On est triste et enragé à la fois, sentiments contraires et pourtant si souvent cohabitants.

On s’enfuit, on ne sait pas où aller. L'élément extérieur est là, il n’attend que ça. Il nous écoute, nous regarde avec compassion, nous cherche des excuses, nous réconforte. Ses mains nous réchauffent, raniment le désir, ce besoin singulier de tendresse, de se sentir aimé. Il nous attire, nous embrasse, doucement, délicatement. Puis plus fort, avec une envie vibrante, intense, il nous montre qu’il nous désire, que l’on est la plus belle chose qu’il ait jamais vue. Il ruse à nous déshabiller pour nous dévorer de tous ses sens. Tout le reste disparait le temps d’une étreinte, rien d’autre n’a d’importance que l’égoïsme de ces sensations enfin retrouvées.

Puis, on se réveille. On se questionne, culpabilise. Il est si beau, nu, à notre merci, à nos côtés. Un baiser dans son cou, sa peau délicate, il sourit, plonge son regard dans le nôtre, nous embrasse avec tendresse, nous promet monts et merveilles. Notre cœur meurt d’envie de le croire, mais notre esprit est embrouillé, tiraillé entre désirs et réalité. Est-ce seulement de l’amour ? Vaut-il la peine de tout sacrifier ? De tout… détruire ?

Alors, on rentre chez soi, l’esprit dans le vague, au bord d’un vide qui nous semble infini. On se mure dans le silence, feignant la rancœur pour cacher notre trouble, nos incertitudes. L'autre fait enfin un geste, un pas en avant, dans la bonne direction. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

Sauf que l’on veut y croire, recoller les morceaux de cette vie qui ne nous convient plus. Les choses changent, un temps, puis tout redevient comme avant. Ces habitudes qu’on pensait enfin dissoutes dans le renouveau de notre amour retrouvé. Il n’y a plus d’espoir, rien ne sert de réparer un bateau qui prend l’eau si l’on ne cesse de percer des trous dans la coque. Alors, on déballe tout, on vide son sac, sa rancune, ses griefs. Et l'on se rend compte que cela ne fonctionnera plus jamais, que les rouages ne sont pas juste rouillés : ils ne sont plus adaptés.

On se dit au revoir en se promettant qu’on aura toujours une place dans le cœur l’un de l’autre. On l’espère sans y croire, sans être dupe. On est triste à l’idée que toutes ces années ne nous aient rien apporté.

On finit par oublier, se pardonner. On se fait la promesse de ne plus faire les mêmes erreurs. Après tout, nous ne sommes qu’un être humain, une création de la nature, parfaitement imparfaite.