le colibri et le papillon  1/2

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Rio de Janeiro - Brésil

J’ai longtemps pensé qu’oiseaux et papillons ne faisaient pas bon ménage... Mais la nature est pleine de surprises : Papa m’a raconté l’histoire d’une lionne qui avait protégé une gazelle pendant des jours ! Et je viens d’assister à une belle preuve d’amitié entre un colibri et un papillon. Cela, dans le lieu le plus improbable qui soit : le téléphérique du Pain de Sucre, à Rio de Janeiro, au Brésil !

Rio est une ville fascinante ! C’est le genre de métropole dense et surpeuplée qui pourrait me faire peur si elle n’était pas située dans un cadre aussi incroyable : la baie de Guanabara, qui a fait rêver tant de navigateurs autrefois et beaucoup de voyageurs encore, comme moi aujourd’hui. J’aime ses énormes pitons rocheux qui forment comme un dos de dragon prêt à émerger, et notamment le Pain de Sucre, que je peux admirer depuis la large fenêtre de notre hôtel, dans le quartier de Botafogo.

— On accède au sommet du Pain de Sucre en deux temps, nous a lu Maman, par un téléphérique inauguré il y a plus d’un siècle, l’un des trois premiers au monde, une grande fierté pour le Brésil !

Papa a promis que nous monterions dans sa cabine ce soir, au coucher du soleil. Avant, il veut nous emmener au Corcovado.

Ah, l’ascension du Corcovado, je crois que je m’en souviendrai longtemps ! J’ai compris pourquoi Papa tenait tant à ce que nous partions avant qu’il ne fasse trop chaud ! Après une randonnée de deux heures dans la forêt de Tijuca, au milieu des oiseaux et des singes, nous avons gravi deux cent vingt marches pour arriver, enfin, au pied de la statue du Christ Rédempteur, à sept cent dix mètres d’altitude ! Et là, je dois dire que j’ai tout de suite oublié ma fatigue tellement j’ai été subjuguée !

Le panorama y est incroyable et l’on embrasse, d’un seul regard, l’ensemble de la baie ! Le lieu offre un point de vue incomparable sur le Pain de Sucre, plus beau encore que celui de la chambre d’hôtel, mais d’ici, il semble à des années-lumière de distance, et je me dis qu’il va nous falloir parcourir bien des kilomètres de plus pour atteindre son sommet avant la fin de la journée !

La statue est elle aussi impressionnante : trente-huit mètres de haut et vingt-huit mètres d’envergure entre les deux mains, c’est dire si l’on se sent tout petit lorsque l’on est à son pied !

— Le Pic du Corcovado et le Christ Rédempteur font partie des sites emblématiques de Rio de Janeiro et des sept merveilles du monde moderne, a dit Papa. Chacun a vu, un jour ou l’autre, des images de cette statue majestueuse qui règne bras ouverts comme pour bénir l'Univers, ou pour poser un œil bienveillant sur la cité bouillonnante qu’elle protège.

Les touristes parcourent la Terre entière pour contempler au plus près ce monument, et à l’instant même, j'appartiens au clan de ces bienheureux. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un jour prochain, dès demain d'ailleurs, cette visite ne sera plus qu’un souvenir. J’ai la chance de le savoir, alors je prends une grande inspiration et je profite pleinement du moment présent.

J’en suis là de mes réflexions quand un magnifique papillon vient me chatouiller le nez, un spécimen d’un bleu intense, comme on n’en voit que dans les livres, ou épinglés et mis en cadre dans les musées.

— À cette altitude, c’est étonnant, dit Papa.
Le lépidoptère tourne, léger et gracieux, et mes remarques sur le temps me font prendre conscience de sa fragilité, de son caractère éphémère surtout, et je rappelle tout haut qu’il sera sans doute mort avant la nuit...

— Le temps n’est pas le même chez les insectes, me corrige Maman : pour lui, une journée correspond à une vie...

Je me console à cette idée et je suis des yeux le vol du papillon. Il s’échappe, virevolte encore, puis va se poser effrontément sur le pied du Christ Rédempteur ! Il repart et je le suis toujours, jusqu’à ce que mon attention soit détournée par un oiseau, dont le battement d’ailes est si rapide qu’on n’en devine que le murmure. Le minuscule volatile fait du surplace, il se maintient ainsi en équilibre plusieurs secondes.

— Un colibri ! s’exclame Papa. Regardez ses couleurs! Elles sont aussi pures et intenses que celles du papillon !

Le petit oiseau semble d’ailleurs en vouloir à l’insecte qui le nargue, qui tourne à présent autour de lui, jusqu’à lui effleurer le bec. Tous deux entament une ronde, une sorte de chassé-croisé, la courbe de leurs mouvements dessinant une rosace d’un bleu dense dans le ciel limpide de Rio de Janeiro. Ils jouent à course-poursuite, tels deux complices, espiègles et agiles, à bonne distance des rumeurs de la ville. Alphonse rit de la scène, Papa et Maman sourient, et je m’amuse moi aussi de ce joli spectacle que nous offre la nature.

À cet instant, mon kaléidoscope se met à trembler : des vibrations légères, très différentes de celles auxquelles il m’a habituée. Il frémit d’une façon délicate, un peu comme un chat qui ronronnerait doucement. Je n’y prête pas tout de suite une grande importance, mais je sens bien qu’il m’envoie là les prémices d’un message...

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A suivre...

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