Chapitre 2-8 L'épreuve du Feu

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Les maitres de Pamba présentèrent ensuite leur élève. Gageant de sa conduite, ils insistèrent sur sa probité et son absence de mensonge ou de délits depuis son entrée dans l’école. Ils rappelèrent aussi l’exceptionnelle qualité de ses apprentissages qui, à bien des égards, relevait d’un élève parfait. Là encore le sorcier s’opposa à cette présentation alléguant qu’il n’était pas objectif de considérer qu’un élève est parfait s’il ne respecte pas certaines règles. Et là encore, les Dieux par l’intermédiaire d’Enki lui donnèrent tort à travers les réactions du groupe de méditation.

Puis Pamba se leva pour répondre à l’interrogatoire général.

— Pamba, es-tu coupable du vol de la parure précieuse ?

— Non, honorable assemblée.

— As-tu des arguments nous permettant de te croire ?

—  Ma parole devrait suffire. L’absence de mobile en serait un autre important, je n’ai aucunement besoin de ce collier ni d’un quelconque bijou. La vie à laquelle je me voue, mon destin, n’a rien à voir avec la possession d’un bien, aussi précieux soit-il. Le jour du vol, comme chaque jour de méditation, je suis parti dans le désert. Comme vous le savez tous, cela me permet d’atteindre la concentration nécessaire pour méditer. Ce jour-là, j’ai ensuite communiqué avec les dieux comme tous les autres élèves. Les prêtres qui étaient là peuvent en témoigner. Si j’avais pris sur mon temps de course pour voler le collier, jamais je n’aurais pu atteindre cet état de communication avec les dieux. Je pense que tout cela suffit à m’innocenter.

De nouveau le sorcier jeta un os. Il parla lentement, mais avec l’accent plein de véhémence et de désir de vengeance. Au-delà de la recherche de la justice pour son clan, il avait en travers de la gorge les échecs et le désaveu par les dieux de ses deux plaidoiries précédentes. Cela devenait une remise en cause personnelle de son pouvoir de sorcier.

— Pamba a-t-il envie de richesse ? Non, s’il est un élève exemplaire et s’il fait tout pour devenir Éligible dénué de tout bien matériel. Par contre, s’il montre par son attitude que ce n’est pas son principal objectif, par exemple s’il viole les règles de l’école, peut-on être sûr de son véritable objectif dans la vie ? Et de même pour sa parole, nous pourrions lui faire confiance si nous étions surs de sa probité de futur Éligible, mais de la part d’un élève qui jure de respecter les règles puis qui ne les respecte pas… insinua-t-il en s’accompagnant d’une moue pleine de doutes. Quant à la possibilité d’entrer en méditation, que croire ? Nous avons là un élève exceptionnel qui fait des prodiges en la matière, alors comment savoir ce qui lui est possible et s’il a pu entrer en méditation après le vol… Je vous laisse le soin de juger du niveau de preuve avancé d’une manière aussi perfide…

Les dieux restèrent silencieux à la suite de ces arguments, les jurés prirent aussi quelques instants de silence pour réfléchir.

— Bien, passons maintenant à l’enquête et ses résultats. L’enquête a été menée par la société civile, nous demandons donc au chef de la garde noire du prince Sarri-Kusuh de venir témoigner.

Ce dernier se présenta armé de sa pique sertie d’un métal cuivré qui renforçait la pointe, portant le casque et l’armure de cuir comme il était de tradition, et arborant les colliers de ses décorations gagnées aux combats durant la longue guerre contre une tribu venue des terres au-delà du volcan. Ses muscles saillants et sa réputation en faisaient le guerrier le plus puissant et le plus respecté de la cité. Même le sorcier aurait à prendre des précautions s’il voulait le contredire.

— Concernant les circonstances du vol, nous n’avons rien à ajouter, un des valets du palais témoigne avoir vu le suspect entrer dans le palais. C’est le seul indice que nous avons et aucun autre témoin. Concernant les mobiles, c’est plus compliqué. Nous avons déterminé qu’il existe un contentieux entre les deux élèves, Pamba et Ewar-Kali. Mais la rancœur la plus grande n’est-elle pas portée par Ewar Kali envers Pamba ? Non seulement il lui reproche la mort de son ami En-Šaku, mais, de plus, une altercation entre eux a conduit à une terrible punition qui a beaucoup marqué Ewar-Kali. Nous avons plusieurs témoins qui ont vu Ewar-Kali entrer dans le dortoir avant que nous y retrouvions l’objet du délit. Nous avons aussi trouvé un témoin, en cherchant ceux qui auraient pu voir Pamba sortir vers le désert, qui nous a dit avoir informé Ewar-Kali des entrainements réguliers de Pamba à l’heure de la méditation. Nous avons donc un soupçon de l’élaboration d’une vengeance contre Pamba. Mais nous n’avons aucune évidence à présenter et espérons que les Dieux lèveront ces doutes.

Tous les yeux étaient tournés vers le clan d’Ewar-Kali. Le sorcier pourtant ne jeta pas une nouvelle fois l’os de la prise de parole. Il se concerta à voix basse avec les plus grands princes de sa famille et finit par jeter au centre le symbole en bronze de la lune en croissant. Il signifiait que le procès devait s’interrompre pour laisser le temps d’organiser une défense ou une accusation. Le grand prêtre accéda d’un signe de la main à cette demande légitime. La plupart des membres du clan d’Ewar-Kali se levèrent l’air sérieusement préoccupé, en colère ou inquiet. Ils descendirent des gradins et sortirent de la pièce pour se concerter à l’extérieur malgré la chaleur étouffante de cet été caniculaire.

On profita de cette interruption pour apporter son repas au Dieu Enki. Les serviteurs entraient à tour de rôle, apportant des victuailles, composées des mets les plus fins, et les déposaient au pied de l’immense statue d’Enki au fond de la grande salle du jugement. Quand tout fut organisé, les plats disposés dans un demi-cercle devant lui, on alluma les lampes à huile et les torches pour qu’Enki puisse bien voir les offrandes somptueuses et ainsi les consommer.

Après le retour des membres du clan de l’accusation, le jugement put reprendre. La sorte de ronronnement des prêtres communiquant indiquait qu’ils n’avaient pas interrompu leur profonde méditation. Le grand prêtre terminait de manger une galette d’épeautre, se restaurant en prévision d’une poursuite en longueur des débats.

—  Nous allons donc reprendre par les auditions des témoins importants dans l’enquête.

À peine prononcée la réouverture des débats, le sorcier lança de nouveau l’os au milieu de la pièce. Surpris et légèrement agacé par cette nouvelle interruption, le grand prêtre lui autorisa la parole de mauvaise grâce.

— Nous demandons le jugement des dieux sans contexte et sur aveux de l’entière vérité. L’élève Ewar-Kali demande de produire devant notre assemblée une déclaration immédiate dans le but de clore la partie contradictoire des débats.

Interloqué, comme tous les autres membres présents, à part ceux du clan du sorcier, le grand prêtre fit signe de procéder comme il était demandé. Ewar-Kali vint se prosterner plusieurs fois au centre de la pièce et se releva face à ses juges. Sa rude allure d’élève lutteur aguerri au corps musculeux, témoignant de sa force physique, contrastait avec son visage pâle et le perceptible tremblement nerveux de sa main droite qui montraient en cet instant sa faiblesse et son manque d’assurance. Les prêtres communicants émirent un son plus aigu et plus fort que le murmure précédant, signe que les dieux encourageaient à poursuivre ce qui se déroulait et se portaient attentifs. Une pression supplémentaire qui s’exerçait sur celui qui prenait la parole, le contraignant à dire la vérité ou subir le courroux d’Enki.

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