Chapitre 41 : Mise à jour

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Budapest. Vendredi 14 décembre. 18h30

Les policiers qui encerclent leurs trois confrères reposent leurs armes. Tout le monde se détend. L’un des leur, sans doute un supérieur, se dirige vers Viktor. Les deux hommes discutent entre eux, mais Garcia et Mandrin ne comprennent rien. La seule chose qu’ils peuvent faire est de saluer d’un signe de la main le confrère hongrois. Ils se rapprochent pourtant. Peut-être pourront-ils profiter de la traduction de Viktór. Après cinq bonnes minutes de conversation incompréhensible, le guerrier se retourne vers eux et leur fait un rapide topo :

- Il y a eu une explosion dans une ancienne maison de maitre, pas très loin d’ici. Ils pensent que c’est un règlement de compte entre différents clans de mafieux ou de trafiquants : il n’y a pas eu de survivants. Ceux qui ont survécus à l’attaques ont été froidement abattus. Un civil a contacté la police dès que les premiers coups de feu ont été tirés ici. Mes confrères ont fait le rapprochement et c’est pour cela qu’ils sont arrivés si vite.

- Super ! En attendant je ne vois plus ces hommes en noir dans les parages. Tout ce raffut leur a permis de s’enfuir ! » Répond Garcia sur un ton à peine exaspéré.

Pourtant, il y en a un qui reste perplexe sur un autre aspect dont tout le reste n’a pas l’air de s’inquiéter. Grégory Mandrin se permet de lever le doigt et de poser sa question qui le turlupine depuis un petit moment :

- Euh… excusez-moi, mais… Où sont passés Ho-Jin, Monsieur Guidrish et le démon qu’il voulait sauver ? Je ne sais pas vous, mais il y a quelqu’un qui a dû prendre une photo pas loin avec un sacré flash, car j’ai bien été aveuglé par cela quelques secondes et, comme par hasard, ces trois personnes ont magiquement disparu. C’est normal ?

- C’est précisément le mot clef, Lieutenant Mandrin » remarque Viktór, « Magiquement. »

- Que voulez-vous dire ? » Rajoute Garcia, intrigué.

Il se rend compte qu’il n’avait même pas remarqué cette étrangeté sur le coup, certainement dû à l’adrénaline et l’instinct de survie. Viktór, gêné, ne voit pas quoi répondre. Il ne sait pas sur quoi ces deux étrangers ont été informés exactement. Il ne peut donc pas leur donner une once d’explication, surtout en cet endroit et ce moment précis. Mais bénissant le fait qu’il est le seul policier du coin à parler la langue de ses invités, il tente, tout de même, une explication pour eux et une mise à jour pour lui :

« Que savez-vous sur nous exactement ? »

Garcia se racle la gorge, pour se donner une contenance, avant de déclarer quelque-chose qu’il sait normalement être complètement absurde, mais il n’est pas assez rapide. Mandrin répond à sa place :

« Vous êtes des super héros immortels avec des super pouvoirs ! Comme dans les Marvels ! »

Le capitaine français soupire de dépit. Celui-là, s’il n’existait pas, faudrait l’inventer ! Il rajoute :

« Pour des raisons qu’on ne peut expliquer, vous êtes d’anciens guerriers d’un conquérant que je qualifierais de dangereux psychopathe, vous avez connu pleins d’évènements historiques que des millions d’entre nous rêveraient d’assister et vous ne faites vraiment pas votre âge ! Quant aux supers pouvoirs, j’ai entendu les conversations des deux zigotos dans la voiture, et franchement, je ne veux pas savoir. »

Le guerrier, entendant les paroles du policier, éclate de rire. Il lui donne une forte tape sur son épaule mais ne retire pas sa main, la serrant très fort, faisant presque plier Garcia. Il ne sourit plus du tout :

« Bon résumé capitaine ! Mais pensez ce que vous voulez de mon Roi, il était bien plus sain d’esprit que certains criminels que j’ai rencontrés. Et faites attention à ce que vous dites, vous êtes sur son territoire. Ça pourrait vous porter malheur ! » Il fixe de ses yeux cruels le visage de Garcia, puis desserrant son étreinte, il se radoucit. Un grand sourire amical lui fend alors le visage, et dans un rire amusé il rajoute :

« Ne vous en faites pas ! Je vous en tiens pas rigueur. J’aime les esprits qui ont de la répartie comme vous. Cela démontre que vous en avez dans le calbar. Et j’aime ça ! Il est vrai que nous étions terrifiants et nous avions rasé plusieurs de vos cités, à l’époque. Mais c’était il y a longtemps. Ne vous en faites pas. Nous vous protégeons maintenant. » Puis il se retourne, rejoindre ses co-équipiers magyars. Il leur déclare sans se retourner : « Mais vous aussi, vous avez eu un conquérant qui nous a bien cassé les couilles : votre Bonaparte ! Il n’était pas mieux que notre Attila ! »

Garcia reste stoïque. Ou blasé, il ne saurait dire. Il en arrive à un point où il ne doit plus s’étonner de rien, sous peine de terminer dans une camisole de force. Les seuls mots qu’il peut exprimer à ce moment-là, sentant l’excitation extrême de son jeune subordonné, sont : « Mandrin, fermez-la ! » et lui fait un signe de tête de le suivre.

« Mais ! Capitaine… Je n’ai rien dit ! » Puis, courant presque derrière son supérieur, il part rejoindre les véhicules de police et le guerrier hun.

Ce dernier est à nouveau en pleine conversation avec un officier. Leur échange terminé, il se tourne vers eux pour leur donner de nouvelles instructions :

- Mon collègue ici présent va nous emmener sur les lieux de l’attentat. On va voir si on peut trouver des éléments pertinents. Vous venez ?

- Volontiers, Lieutenant Székéres. On n’a rien de prévu pour la soirée. Et il fait trop sombre maintenant pour faire les touristes. »

***

Une bonne heure plus tard, à l’extérieur de la ville, la voiture blanche et bleue se gare proche d’un grand portail en fer forgé. D’autres véhicules officiels sont présents : quelques agents de police, la brigade scientifique tout de blanc vêtue et les pompiers qui s’affairent à éteindre les derniers résidus de flammes de la bâtisse à moitié démolie. Un groupe de journalistes est aussi sur les lieux. Décidément, quelque-soit le pays, ce seront toujours les mêmes rapaces. Mais le capitaine se réjouit de n’être que l’invité. Ce ne sera pas à lui de se taper les conférences de presse. Pour une fois.

« Quand a eu lieu l’explosion ? » interroge Garcia vers son nouveau coéquipier hongrois.

- En début d’après-midi. J’étais sur la route pour vous rejoindre à la citadelle. La brigade anti-terroriste était déjà sur les lieux et c’est elle qui nous a sortie de la panade tout à l’heure.

- Ok. Vous pensez qu’il y a un lien avec les mongols qui ont faillit nous attaquer ?

Viktór lève les yeux vers Garcia, vexé.

- Quoi ? » Répond le policier français tout de go. « J’ai dit une connerie encore ?

- Pourquoi, vous les Français, vous nous haïssez tant ?

- Non c’est faux ! On ne vous déteste pas vous en particulier ! On n’aime personne. Nuance. C’est vous qui le prenez personnellement.

- Ah ! Ah ! Ah ! Je la garde celle-là ! Elle est bien bonne ! » S’esclaffe Viktór en assénant une bonne tape amicale dans le dos de Garcia. Puis il rajoute :

« Pour répondre à votre question, si vous avez un attentat puis trois individus louches qui tentent de faire feu quelques heures plus tard dans un lieu touristique blindé de monde, vous ne feriez pas le lien ? Bien sûr qu’il y en a un ! »

Il fait signe au policier de le suivre à l’intérieur des décombres. Mandrin se trouve derrière eux et scrute les différents recoins de la maison. Alors qu’il se trouve dans un espace qui devait être un couloir autrefois, d’un mouvement de pied, il pousse les débris de bois et de pierres brûlées. Il y a une ouverture, là, en contre bas. Avec le peu d’anglais qu’il connait et qu’il massacre de son accent gaulois, il demande l’aide aux agents se trouvant dans les environs. Deux hommes arrivent et avec leur assistance, il tente de soulever de grands panneaux de bétons. Mais c’est impossible, car trop lourd. Ils arrivent pourtant à dégager un passage étroit des décombres. On peut apercevoir dans le trou des escaliers en contre bas. Il y a un sous-sol qui n’a pas encore été exploré. D’autres hommes viennent contribuer au déblayage. Viktór et Garcia, suivant le mouvement, les rejoignent rapidement.

Au bout de quelques minutes, l’issue, ainsi dégagée, est assez large pour faire passer les policiers. Viktór et Garcia pénètrent dans l’excavation et, armés de lampes torches, descendent prudemment les marches. Ils arrivent dans un petit couloir, qui dans un coup de chance, n’est pas complètement enseveli par les décombres. Ils suivent le chemin et tombent sur l’entrée d’une petite pièce sans fenêtre. Un lit simple est posé contre le mur. Un grand pan de bois se trouve à coté, sur le sol et fendu en deux dans toute sa longueur.

« Ok. Ne touchez à rien. On va avoir besoin de la scientifique. » Déclare Viktór.

Il déclame alors des noms et mots étranges. Deux hommes et une femme dans leur combinaison blanche arrivent, équipés de l’habituel matériel de la scientifique. Dans un coin, sous le lavabo, Garcia voit un tas de tissu épais. On dirait un gros pull en laine de couleur crème. Il donne un coup de coude au lieutenant Székéres.

« Vous avez vu ? C’est quoi ça ? »

Ce dernier s’approche précautionneusement du nouvel indice. Avec une lame en bois qu’il ramasse au sol, il soulève le bout de tissus. « Szar ! C’est le pull de la demoiselle Lisa ! » s’exclame-t-il.

- Quoi ? Vous êtes sur ?

- Oui. C’est celui qu’elle portait lorsqu’on a été attaqué.

Derrière lui, quelqu’un rajoute : « Fő ? Az ágyon vérnyomok láthatók. És hajat. »

- Et il a dit quoi votre collègue, là ? » Demande le capitaine en pointant du pouce le préposé à la scientifique derrière lui.

- Il dit qu’il a trouvé des cheveux et du sang sur le lit.

- Ah merde. Ça n’annonce rien de bon.

- Certes. Mais au moins, parmi tous les cadavres, on n’a pas trouvé le corps de la gamine. » Puis le lieutenant Magyar rajoute : « milyen a haj? ». Le jeune préposé répond : « Hosszú, barna és hullámos. »

- Et là ? Vous avez dit quoi ?

- Je lui ai demandé à quoi ressemblaient les cheveux. Il m’a dit qu’ils étaient longs, bruns et ondulés. »

Viktór enjambe les débris et le reste de porte qui lui barre le chemin, en portant toujours au bout de son bâton le pull clair. Un des scientifiques lui tend un sac transparent dans lequel il place délicatement le vêtement, en s’assurant de ne pas y déposer des traces qui ne devraient pas y être. Les policiers français le suivent.

« En tout cas » commente le capitaine français, « on est sûr d’une chose : elle était là et c’était récent. J’espère juste qu’elle est toujours en vie ! ».

Viktór a sorti son téléphone cellulaire qu’il colle à son oreille. Il se retourne vers Garcia et renchéri :

« Moi aussi, Capitaine. Moi aussi. C’est pour cela qu’on doit faire vite. »

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