1.

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Il y a des arbres tout autour, un petit étang qui s'endort la nuit.
C'est un bel endroit pour une dernière affaire. Une dernière fois, un simple au revoir.
Sinistre et macabre mais ça vous réchauffe l'âme.
Tant qu'à choisir, le moment venu...

Il est l'heure.
L'heure bien trop tard pour qui s'abandonne dans le noir.

Marcher en silence sur les bords gelés de la jetée.
Un peu, et tes doigts se brisent.
C'est bien trop cruel pour de si jolis doigts.
Tu souffles une fumée âcre pour réchauffer tes mains.

— Tu te souviens où tu as jeté tes gants, cette fois ?

Il parle, mes lèvres bougent.
Tu hausses les épaules.

— Il y a plein d'endroits. C'est stupidement grand.

Une volute blanche se faufile entre ses dents.
Je grince comme une porte de bande dessinnée.

— Tu n'aurais pas pu choisir de meilleur nuit...

Il se croit drôle.
Je ne le suis pas.

— Plains-toi.

Tu frottes tes mains l'une contre l'autre avant de les plaquer sur tes oreilles rougies.
Je pourrais presque voir le sang à travers.

— C'est ce que je fais.

Une branche craque à quelques pas. C'est le Noir.
Il s'amuse à faire peur à ses heures perdues.
Je ne peux pas rester sans trembler.
Mon corps est sur un ressort cassé, alors tu m'emmènes plus loin pour qu'on l'oublie derrière.

— J'aimerais bien... murmures-tu.

Ton pied s'enfonce jusqu'à la cheville dans l'eau obsidienne.
Les vaguelettes clapotent contre ta botte.

— Vivre de ce côté-là, un de ces jours...
Tant qu'il y a encore quelque chose à voir.

Le plouf de mes perce-neige n'a rien d'élégant, moi.
Je grimace. Je n'aurais pas dû emporter mes chaussures préférées.
Il parle à nouveau.

— Tu t'en penserais capable ?

Je crois qu'il n'aime pas le silence.
Je le déteste pour ça. Je me déteste de faire disparaître ton sourire.
Celui que je ne vois pas mais que je devine.

— Ce n'est qu'un rêve.
Les rêves ne sont pas faits pour nos capacités.

Tu as bien raison.
J'aquiesces dans ton dos et tu continues d'avancer, infatigable.

— Combien de temps avant qu'ils ne remarquent ?

La question sonne creuse.
Un élément banal qui n'a rien à faire là.
Un préoccupation qui me rappelle que le monde ne se limite pas à l'étang, ses eaux sombres, et toi...
Il répond quand même, impassible.

— Ça fait 20 minutes à peine qu'on est parties.
Je ne vois aucune lumière.

— Faut en profiter.

Tu ricanes.
J'aime ce ricanement.

— Dis...

— Quoi ?

Tu t'arrêtes brusque.
Pour te retourner à moitié.
J'aperçois la courbe de ton oeil bleu.

— Non, rien.

Le blanc te va si bien.
C'est une couleur terrible mais elle te va si bien.
Et cette robe... J'oublie presque qu'elle est infâme.
Je la suis dans le noir et la regarde tremper dans l'eau obsidienne.
Le blanc te va si bien.

— J'en ai marre.

— Déjà ?

Je m'en veux de demander.

— Déjà.

Tu rejoins la berge avant que tes jambes ne lâchent.
De belles jambes blanches...
Je m'en veux de les regarder.
Je m'assois en tailleur à côté de toi.

— Il faudra retourner dormir.

Tu regardes tes mains.

— Oui.
C'est dommage.

...

— Je n'ai pas envie.

Je n'ai envie de rien.

— Moi non plus.

— On reste là ?

Tu soupires et je t'imite.
Dans la nuit, on hausse les épaules ensemble.
Je porte la même robe blanche mais je la porte mal.
Ça me fait rire, un peu jalouse, un peu autre chose.
Alors tu me regardes encore.

Ce regard qui me rend silence.

— Bah.
lls finiront bien par nous retrouver.

Tu as raison.
Tu as toujours raison...


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