Hiroshima
Ici, à Hiroshima, je crèche dans une vieille bâtisse traditionnelle. Le parquet grince et je passe mes soirées allongée sur les tatami. La propriétaire nous conseille les excellents onomiyaki et nous parle d’une île magnifique où vivent les biches. Elle passe brièvement sur la première chose à laquelle on pense en mentionnant cette ville. Comme par envie de prouver qu’il y a d’autres points d’intérêt. La bombe est un morceau d’histoire, pas une identité culturelle. C’est pourtant le premier lieu que je visite.
Les rues de la ville m’amènent à un bâtiment en ruine. La pointe de celui-ci est un dôme décharné. Vestige d’une fin de guerre sanglante et injuste. Paraît que la bombe est tombée à six cents mètres d’où je me tiens actuellement. Difficile à croire quand l’on voit les pavés flambant neuf et les bâtiments sur dix étages. Mais la documentation ne trompe pas. Le 6 octobre 1945, à 8 h 30, la ville ressemblait à l’enfer. Des ruines sillonnées par des morts vivants dont la chair dégoulinait sur leurs orteils. Le bâtiment de la Préfecture de Hiroshima est resté figé à cette même date, une minute après l’explosion. Je ressens le besoin d’aller voir le monument aux morts. Par acte de mémoire.
Sous terre, une pièce circulaire où trône fièrement une petite fontaine dont l’eau ne tarit jamais. Les victimes de la bombe réclamaient de l’eau aux soldats, on leur en a donné après leur mort. La fontaine pointe huit heures quinze, heure précise de l’impact. Plus loin, j’observe les visages qui défilent par centaines. Les victimes de la bombe. Ceux qu’on a réussi à identifier, du moins. Des personnes âgées jusqu’au nourrisson. Il y a de quoi détester celui dont les lèvres ont donné l’ordre de larguer cette horreur sur des civils innocents. Mais ici, il n’existe aucune haine. Juste de la mémoire. Et un puissant souhait de paix.
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