Chapitre 12

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 Leïla se réveilla, chatouillée par les rayons du soleil qui filtraient au travers des rideaux fermés. Elle avait mal à la tête et se sentait fourbue et courbaturée comme si elle avait couru un marathon la veille. Elle prit le temps d'immerger, quittant les brumes de son sommeil imposé. Une brise légère fit bouger les voilages de la chambre et vint caresser ses fesses et son dos nu découvert. Elle frissonna et prit conscience de sa nudité. Un léger ronflement sur sa gauche la fit sursauter. Elle réalisa qu'elle était nue contre Jamal. Elle eut un mouvement de recul qui le réveilla sur le champ.

 L'inquiétude marqua ses traits avant que le soulagement s'abatte sur ses épaules. Il la serra fortement, inspirant son odeur fruitée. Elle tenta de se libérer mais il maintint sa position refusant de la lâcher. Il finit par se détacher d'elle, prenant son visage en coupe, des larmes de joie coulant le long de ses joues.

 « Vous êtes réveillée. »

 Il avait soufflé cette phrase comme un murmure, peinant de croire à ce miracle. Elle fronça les sourcils devant sa réaction et tira sur le drap pour le remonter jusqu'à son menton, perturbée par sa nudité.

 « Pourquoi suis-je nue dans vos bras ? »

 À sa question, il se dégagea brusquement d'elle et frotta une main derrière sa nuque, gêné.

 « Oh, ça ? Eh bien ... Vous aviez énormément de fièvre alors je vous ai fait prendre un bain et remise au lit. Et comme elle ne diminuait toujours pas je vous ai juste enveloppée d'un drap pour que vous n'attrapiez pas la mort. »

 Voyant qu'elle le regardait sceptique, presque menaçante, il se tourna vers elle pour lui faire face, en colère qu'elle s'imagine qu'il ait profité d'elle.

 « Je ne suis pas homme à abuser d'une femme ! »

 Elle ne se dérida pas et continua de le fixer de ses yeux noirs, furieuse.

 « Et votre présence dans mon lit ? »

 Il était agacé de son comportement à son égard et avec la fatigue accumulée de sa nuit passée à la veiller, il commença à perdre patience.

 « Je me suis endormi après vous avoir veillé toute la nuit. »

 Elle éclata de rire et lui offrit un magnifique sourire. Par le Tout-puissant qu'elle était belle ! Il comprit alors à son expression qu'elle s'était moquée de lui. Il afficha une mine faussement outrée ravi qu'elle soit suffisamment remise pour recommencer à le taquiner.

 « Dans ce cas, je dois vous dire merci. »

 Elle se pencha vers lui et s'approcha lentement de son visage et y déposa un baiser, sur sa joue. Elle ancra ses yeux dans les siens y laissant voir toute sa reconnaissance et son soulagement d'être toujours en vie. Quand leur échange se fit plus électrique, chargé d'une tension palpable, elle se détourna et attrapa la totalité du drap, s'en faisant une longue toge qui traînait le long de son sillage, lorsqu'elle se dirigea vers son armoire.

 Il resta allongé sur le lit, torse nu, sur le flanc, une main sous son menton, l'autre à plat sur le drap. Il l'observait avec intensité ayant beaucoup de mal à contrôler le désir qu'il avait pour elle. Il tenta de penser à autre chose et laissa sortir la première pensée qui lui passa par la tête.

 « Vous vous moquiez de moi ?

 — Non. J'étais vraiment contrariée que vous m'ayez encore une fois vu nue. Mais après avoir vu votre visage, j'ai compris que vous n'aviez visiblement pas beaucoup dormi et votre soulagement à mon réveil, démontre que j'ai failli y passer cette nuit, n'est-ce pas ? »

 Il se contenta de hocher simplement sa tête pour lui répondre, trop marqué par l'émotion qu'il ressentait au souvenir de cette nuit d'angoisse qu'il venait de passer, pour lui répondre de vive voix. Elle venait, sans le savoir, de calmer de la plus efficace des manières son désir brûlant qu'il lui portait.

 Elle se retourna à nouveau pour se concentrer sur son choix de vêtements. Elle souhaitait revêtir une tenue confortable mais en même temps suffisamment distinguée pour ce qu'elle s'apprêtait à faire. Quand elle trouva enfin la robe adéquate, elle s'en saisit et le posa sur le paravent situé dans un coin de la pièce.

 Jamal l'observa, ne ratant pas une miette de ses gestes. Il approuva son choix. Il adorait cette robe bleue, aussi foncée que la nuit, qui mettait en valeur son teint pâle et ses lèvres roses. Elle lui donnait un air strict et sérieux qui la rendait que plus désirable. Une fois sa tâche accomplie, elle se tourna vers lui, la mine grave. Il se dressa, comprenant que ce qui allait suivre ne lui plairait pas forcément. Il attendit patiemment qu'elle s'exprime, tout son corps tendu dans l'attente de sa révélation.

 « Jamal, j'ai un service à vous demander. »

 Il la regarda avec surprise et lui offrit un magnifique sourire.

 « Qui a-t-il? »

 Elle avait ses sourcils froncés, ne comprenant pas ce qu'elle avait pu dire pour qu'il réagisse de cette façon.

 « Vous m'avez enfin appelé Jamal. »

 Sa remarque la fit rougir et elle se mit à bafouiller, troublée par cette constatation.

 « Oui ... Et bien ... N'en faisons pas tout une histoire ... »

 Sa réaction provoqua l'hilarité de l'homme toujours assis dans son lit. Elle lui lança un regard courroucé, appréciant moyennement qu'il se moque d'elle ainsi.

 « Vous êtes tellement mignonne quand vous rougissez !

 — Je ne rougis pas ! »

 Elle ne pouvait s'empêcher de protester même si elle savait que son ton n'était pas très convainquant. Surtout quand elle le voyait se tordre de rire devant elle. Il finit par se calmer, essuyant ses larmes d'un mouvement de main. Il reprit son sérieux et lui fit à nouveau face.

 « Si, vous rougissez ! »

 Elle grogna de frustration et il décida de la laisser dans son déni et changea de sujet de conversation.

 « Que vouliez-vous, belle Leïla ? »

 Elle se renfrogna immédiatement se rappelant la raison de cette discussion.

 « Pourriez-vous me laisser gérer cette histoire avec les autres princesses ?

 — Pourquoi ? »

 Il exprima son mécontentement d'un grognement pas le moins du monde ravi de sa proposition.

 « Parce que j'ai l'impression que si vous intervenez, cela jouera en ma défaveur. »

 Il souffla et se passa la main dans les cheveux. Il comprenait son raisonnement et sa logique mais ne pouvait se résoudre à la laisser faire. Elle avait failli mourir dans ses bras, et son impuissance devant la situation l'avait profondément marqué. Il ne put s'empêcher de frissonner d'effroi à ce souvenir douloureux. Il lui fit à nouveau face et vit la détermination ancrée dans ses traits. Il était contrarié et eut un mouvement d'humeur. Il ne voulait pas accepter mais son assurance le fit céder. Il relâcha son souffle de frustration et lui donna son accord d'un hochement de tête.

 « Je veux bien vous laisser intervenir mais ces actions ne peuvent rester impunies. »

 Elle acquiesça lentement en retour et lui caressa la joue de sa main droite, l'autre tenant toujours le drap contre sa poitrine. Il écarta les jambes et encercla sa taille de ses bras afin de la rapprocher de lui. Il posa sa tête contre son ventre et soupira de bien-être. Elle lui caressa les cheveux, réfléchissant à la situation. Elle se demanda qui était l'auteure de ce crime. Au souvenir de la veille, elle réalisa que lui aussi aurait pu mourir. Elle resserra sa prise sur ses cheveux posa sa tête sur la sienne. Il en fit de même au niveau de ses hanches et savoura le son des battements de son cœur, signe évident qu'elle était en vie.

 « Vous aussi vous avez failli mourir. »

 Elle avait murmuré ces mots d'une voix triste.

 « Chut. Je suis là, maintenant, je n'ai pas bu de thé, vous m'en avez empêché. »

 Il lui avait soufflé ses mots souhaitant la rassurer. Il releva sa tête et ancra son regard dans le sien.

 « Vous m'avez sauvé la vie, eazizati, vous avez ma royale reconnaissance. »

 Ses yeux brillaient de larmes contenues et elle renifla de manière disgracieuse.

 « Et merci de ne pas avoir rejoint le pays des anges. »

 Cette fois-ci les vannes s'ouvrirent et un torrent dévala le long de ses joues.

 « Je ne vous aurais quitté pour rien au monde. »

 Sa déclaration sonnait comme un aveu. Elle était trop amoureuse de lui pour envisager la possibilité de le quitter un jour. Elle l'avait dans la peau.

 Lorsque Leïla sentit sa prise s'affermir et le léger soubresaut contre elle, une haine indescriptible la saisit. À cause de la jalousie d'une gamine pourrie gâtée, ils avaient faillis être séparés pour toujours. Elle eut peur de l'intensité de sa réaction, elle n'avait jamais voulu la mort d'un être humain, mais à cet instant elle avait envie de détruire la vie de la coupable de cette histoire.

 Elle réfléchit à son identité. Il n'y en avait qu'une qui était susceptible de commettre ce délit, et qui possédait en prime les compétences nécessaires. Une seule était assez fourbe pour cela, dominée par sa jalousie maladive qui ne la quittait jamais. Une seule était prête à employer le meurtre pour parvenir à ses fins. Elle redressa sa tête et tira légèrement sur les cheveux de Jamal afin qu'il relève son visage vers elle.

 « Il s'agit d'Émilira, n'est-ce pas ? »

 Son regard se voila et il hocha doucement la tête.

 « J'en ai bien peur, les poisons c'est son rayon.

 — Et vous avez des preuves ?

 — J'en aurai.

 Sa voix transperçait d'assurance. Il était déterminé à rassembler le moindre petit indice susceptible de la faire tomber. Il était las de son impuissance et voulait qu'elle paye pour tous les malheurs qu'elle lui avait causé. Déjà depuis leur plus tendre enfance, elle n'en faisait qu'à sa tête, agissant avec égoïsme et cruauté. En grandissant, son caractère ne s'était pas arrangé. Son père lui cédait tout et accédait au moindre de ses désirs.

 Jamal était en colère contre elle mais surtout contre lui, cet homme qui était censé l'élever et l'éduquer afin qu'elle devienne une adulte responsable, en avait fait une créature perfide motivée par ses propres intérêts, prête à se tâcher les mains de sang pour arriver à ses fins.

 Il n'avait malheureusement aucune preuve, et bien qu'il les détestait, il était sûr qu'elle n'était pas innocente dans le décès de ses parents. Ils étaient morts dans d'obscures circonstances, une maladie inconnue dont personne n'avait jamais entendu parler jusque-là et qui n'avait fait qu'eux comme victimes. Étrangement, ils revenaient d'un voyage au royaume de Cheim, sa terre natale, quand le mal les avait frappé, les foudroyant moins d'une semaine plus tard. Dès le lendemain de l'annonce de leur décès, elle était apparue à la porte palais, tel une fleur tombée du ciel, réclamant une audience avec lui.

 Elle avait insisté pour rester et l'aider à organiser les funérailles. Il avait accepté, n'étant pas en état de se disputer avec elle. Durant tout son séjour, elle s'était comportée comme si elle était déjà la reine, donnant des ordres à ses domestiques, les épuisant sous la charge de travail. Il avait été obligé de la renvoyer quand elle avait fait fouetter l'une d'entre elles parce qu'elle était tombée de fatigue éclaboussant le bas de sa robe. C'était Zaïna, le chaperon de Leïla, et elle serait morte ce jour-là, s'il n'était pas intervenu en chassant son bourreau du pays.

 Son oncle, le roi de Cheim et père d'Émilira avait fait pression sur lui pour que sa fille intègre la sélection et il n'avait eu d'autre choix que de s'y plier, refusant que sa décision soit à l'origine d'une guerre entre leur deux pays.

 Mais aujourd'hui, il regrettait de l'avoir laissée revenir. Son château était sens dessus dessous depuis qu'elle était là et ses domestiques étaient obligés de tirer à la courte paille pour savoir qui allait s'occuper d'elle. Elle n'était jamais satisfaite et piquait une crise à la moindre contrariété. Une légère caresse sur sa joue le sorti de ses sombres pensées.

 « Alors ne faite rien tant que vous n'avez aucune preuve solide contre elle. »

 Elle le suppliait de ses yeux, espérant qu'il ne fasse rien d'inconsidéré sur le coup de la rage et la colère qui le rongeait.

 « Ne mettez pas en péril une alliance aussi importante à cause de moi. »

 Il secoua la tête de dénégation.

 « Ce n'est pas seulement pour vous que je le fais. C'était sa voiture qui a fauché la femme enceinte et si j'avais bu le thé, je serais peut-être mort à l'heure qu'il est. D'autant qu'elle est suspectée de nombreux autres crimes dont on n'a jamais rien pu prouver. »

 Il lui raconta l'histoire de ses parents et cette nouvelle la fit frissonner. Il avait raison, elle ne pouvait pas rester impunie. Malgré tout un mauvais pressentiment l'habitait et son instinct lui soufflait de ne pas intervenir. Elle avait la certitude que s'il la renvoyait, un grand malheur s'abattrait sur le royaume. Elle était plongée dans ses pensées et il dû lui prendre sa main, qui avait caressé ses cheveux et qui maintenant pendait dans le vide, afin de la ramener à la réalité.

 « Qu'y a-t-il eazizati ? »

 Elle tourna son visage vers lui pendant qu'il lui caressait délicatement la joue, songeur.

 « J'ai un mauvais pressentiment Jamal. 

 — À propos de ce qu'il se passe ? »

 Elle acquiesça.

 « Qu'est-ce que votre instinct vous souffle?

 — De ne surtout pas la renvoyer.

 C'était maintenant son tour d'être songeur. Ses sourcils se froncèrent sous l'intensité de sa réflexion et il reporta son regard sur elle au bout de quelques minutes. Elle était touchée qu'il lui demande son avis et qu'il l'estime suffisamment pour écouter ses présomptions fondées uniquement sur son ressenti et sur aucune raison valable.

 « Je ne peux pas le faire ... Cela serait trop dangereux, pour tout le monde.

 — Je sais ... »

 Elle était abattue et le désespoir la gagna.

 « De toute façon, si mon pressentiment s'avère juste, nous aurons un problème dans tous les cas ...

 — C'est-à-dire ?

 — Et bien, si vous ne l'épousez pas, un malheur s'abattra ... Éventuellement en tout cas. Mais si vous l'épousez un malheur s'abattra très certainement.

 — Nous nous devons de choisir entre Charybde et Scylla ?

 — Je le crains ...

 — Je me dois de la renvoyer, c'est une question de justice, ce qu'elle a fait est beaucoup trop grave pour être pardonné. Mais ... Je veux bien vous laisser faire le temps que je réunisse toutes les preuves.

 Elle était soulagée. Il lui faisait suffisamment confiance pour la laisser gérer une crise de cette ampleur et elle en fut très touchée, son cœur se gonfla d'amour pour lui et elle lui caressa la joue de son doigt.

 — Je vous remercie.

 Il hocha légèrement la tête et son regard brilla d'une lueur de désir. Il inspira brusquement et se décala d'elle afin de mettre une petite distance entre eux.

 « Maintenant, vous devriez aller vous habiller ou je ne suis pas sûr de pouvoir continuer à me comporter en homme d'honneur avec la tenue que vous portez ... »

 Elle rougit jusqu'aux oreilles et s'empressa de rejoindre la salle de bain. Avant d'y entrer, elle se retourna.

 « Et vous, vous devez retourner dormir ... J'accepte même de vous prêter mon lit, si vous le souhaitez.

 Elle n'attendit pas sa réponse pour entrer dans la salle d'eau. Jamal était heureux de la voir à nouveau le taquiner. Cela signifiait qu'elle allait mieux, même si son teint était toujours trop pâle à son goût et que des cernes violettes étaient encore visibles sous ses yeux. Il la regarda partir avec ce maudit drap autour de son corps, qu'il avait tellement envie de lui enlever. Les mois passés à ses côtés n'avaient fait qu'attiser son désir de la faire sienne, dans tout les sens du terme. Et ce fichu drap ne dissimulait pas grand-chose de son magnifique corps de déesse. Il avait dû user de tout son sang froid pour ne pas céder à la tentation de lui faire l'amour dans ce lit qu'elle lui avait innocemment proposé d'occuper.

 Il inspira profondément et l'odeur de son parfum emplit ses narines, exacerbant encore plus son désir. Il gémit, au supplice. Il devait à tout prix sortir d'ici ou sinon, il ferait une bêtise, telle que rentrer dans cette satanée salle de bain la rejoindre. Il sortit de la chambre, comme s'il avait le diable à ses trousses pour regagner la sienne. Il se lava et s'habilla avant de s'enfermer dans son bureau et de convoquer Zayed afin de discuter des suites de cette affaire.

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